Page images
PDF
EPUB

tamment de l'argent à Godwin, qui multipliait ses demandes d'emprunt.

Shelley ne devait plus revoir l'Angleterre. En juillet 1822, il se noya dans le golfe de la Spezzia. Son cadavre fut brûlé sur la grève, par les soins de Byron. Et Mary Shelley revint à Londres avec son enfant.

VIE

CHAPITRE VI

DE GODWIN (1813-1820). LA RÉPONSE

A MALTHUS

Les embarras pécuniaires de Godwin, et aussi la dureté avec laquelle l'opinion publique l'avait traité, avaient eu cet avantage de lui ramener la sympathie de certains disciples et amis, qui l'avaient abandonné en 1795. Wordsworth le visitait de temps à autre. Il rencontrait fréquemment Coleridge. Mackintosh, enfin, lui rendait justice. « Je reconnais ma faute, disait-il. Godwin méritait d'être traité avec respect. » Quand parut Fletwood, il en fit l'éloge dans la Revue d'Edimbourg (1). Il ne cessait de répéter que c'était une honte pour l'époque de laisser Godwin sans ressources.

Suivant la méthode qu'il avait adoptée, dès sa venue à Londres, en 1783, Godwin travaillait

(1) Edinburgh Review, vol. VI, April 1805, p. 182, 193.

le matin et l'après-midi, et, le soir, se mêlait au monde. Il recevait ses amis à dîner; en l'absence de Mary Godwin et de Jane Clairmont, Fanny Wollstonecraft était la jeune fille de la maison.

Henry Crabb Robinson raconte, dans son journal, que, le 18 octobre 1813, Godwin fut invité à dîner chez Mme de Staël, qui désirait le connaître. Parmi les convives se trouvaient lady Mackintosh, les éditeurs Murray et Robinson, l'illustre avocat irlandais Curran, etc... Curran ayant déclaré le Paradis perdu le plus mauvais ouvrage de la langue anglaise, et que Milton était incapable d'un sentiment tendre pour une femme, Godwin défendit ardemment Milton, même dans sa soumission à Cromwell. Ses paroles déplurent à Mme de Staël, qui, après son départ, déclara : « Je suis contente de l'avoir vu. Il est curieux combien les jacobins deviennent les défenseurs naturels des tyrans. Il en est ainsi en France actuellement. » Lady Mackintosh défendit Godwin, en déclarant qu'il avait été très maltraité et presque mis hors la société.

De fait, Godwin conservait entière son admiration pour Napoléon. En 1815, à l'heure où les souverains d'Europe, dans leur campagne contre

l'Empereur, donnaient le spectacle d'une famille autrefois divisée qui s'unit pour expulser un parent déclassé, Godwin souhaitait l'écrasement des Alliés, par haine du despotisme bourbonien (1). Quand il apprit que les souverains avaient lancé de Francfort une proclamation où ils affirmaient que le territoire français ne serait pas violé, que les institutions politiques resteraient sacrées et que toutes hostilités cesseraient, si les Français proscrivaient Napoléon, Godwin écrivit à l'éditeur d'un journal de Londres pour protester publiquement contre cette intervention dans les affaires intérieures d'une nation. Le désastre de Waterloo le bouleversa, car il marquait à ses yeux une victoire de la barbarie, par le retour inévitable de la France à ses anciennes chaînes.

En 1816, un malheur frappa Godwin: la mort de Fanny Wollstonecraft. Elle avait alors vingtdeux ans. Elle n'était pas jolie, mais douce et modeste. Sa souplesse résignée lui avait évité les persécutions de Mme Godwin. Elle était pleine de sensibilité; les crises de dépression, auxquelles

(1) H. Crabb ROBINSON, Diary, t. Ier, p. 489.

sa mère avait été sujette, et qui, d'ailleurs, marquaient tous les Wollstonecraft, la saisissaient de temps en temps. Par une sorte de complication toute romantique, elle se plaisait à souffrir et développait à dessein ses peines. Le 11 OCtobre 1816, elle se tua, dans un hôtel de Swansea, en avalant le contenu d'un flacon de laudanum. Trois lignes, sur une feuille de papier, priaient qu'on oubliât bien vite qu'elle avait existé. On a prétendu qu'elle aimait Shelley et qu'elle était morte de ce grand amour déçu. Rien n'est plus faux. Elle est morte très simplement d'une immense lassitude de vivre...

Ce fut une terrible époque pour les jeunes gens sensibles que ce début de siècle. Ils naissaient dans un monde désemparé aucune idée fixe ne s'offrait à eux où s'appuyer. Aussi ne compte-t-on plus les suicides. Il y en eut quatre (et peut-être plus) dans le seul entourage de Godwin Harriett Shelley, Fanny, et deux jeunes hommes, Patrickson et Henry Blanch Rosser, deux admirateurs enthousiastes de la Justice politique.

Godwin trouva un remède à ses ennuis dans le travail. D'ailleurs, la mort lamentable de

« PreviousContinue »