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Bon nombre d'assistants apposèrent aussi les mains sur l'enfant ou le touchèrent un instant pendant qu'on le plongeait dans l'onde sainte, car il fut évidemment baptisé par immersion (1).

La cérémonie accomplie, le cortège s'en revint auprès de l'accouchée. La comtesse Mathilde rapporta ellemême son filleul de l'église à la chambre de Jeanne de Navarre. « Vous êtes maintenant ma dame et commère » dit-elle aimablement à la reine en la revoyant (2). Nous ne savons quelles paroles prononcèrent Charles de Valois ou son compère, le connétable de France; mais ils n'eurent pas, sans doute, motif de lui dire, comme Louis XI à la duchesse d'Orléans (3): « Madame ma << commère, cet enfant qui ne fait que naitre m'a pissé << en la manche quand je le tenois sur les fonts ! quel «signe est-ce ! (4) »

Ils ne faillirent pas non plus tomber comme ce roi, si malheureux ce jour-là, au sortir de la chambre de l'accouchée (5). Il s'y heurtèrent peut-être, tout au plus, au messager que la reine avait envoyé le jour même à Paris chercher « des tasses et des lan

(1) Le baptême par immersion se maintint plus longtemps qu'on ne croit en France. En 1462, par exemple, Louis XII fut ainsi baptisé. (V. Du Cange, vo Baptismus).

(2) « Modo estis domina mea et commater... »

(3) En 1462.

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(4) « Cum rex Ludovicus XI reversus fuisset de baptismo ad cameram dominæ ducissæ, ipse rex Ludovicus loquens eidem ducissæ dixit: « Madame ma commère, cet enfant qui ne fait que « naître m'a pissé en la manche quand je le tenois sur les fonts, quel signe est-ce! Et cum vellet recedere ab hujus modi camera, « calcar suum accepit linteamen lecti, sic quod fere cecidit;

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« tunc dixit : « Et deux », de his duobus casibus male contentus, « ut videbatur.» (Acta dissolutionis matrimonii Ludovici XII, fo 134.) (Du Cange, vo Baptismus.)

(5) V. la note précédente.

ges » (1) pour le royal enfant et qui était certainement fort pressé de revenir avec son supplément de layette. Curieux témoignage de la simplicité des mœurs à cette époque qu'une pareille pénurie à la cour de France!

La reine garda bonne mémoire du rôle joué, ce jour-là, par Mathilde. Plus d'une fois dans la suite, l'ayant auprès d'elle dans sa voiture, elle aimait à lui dire «< or cza, bele commère » ou autres mots semblables (2). Pour Mathilde, le souvenir de son parrainage dut un jour, au contraire, lui être bien pénible. C'est quand il se trouva invoqué, comme preuve de parenté à un degré défendu, contre sa fille Blanche pour l'annulation du mariage conclu jadis entre elle et Charles le Bel, le prince même dont nous venons de raconter ici le baptême (3).

P. BONNASSIEUX.

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(1)« Pro querendis ciphis et pannis necessariis pro dicto puero. » (Déposition de Michel Flameng.)

(2) Déposition de Jean Corbeillon, cocher de la reine Jeanne. (3) Le mariage fut cassé en 1322 à la suite de l'information dont nous avons tiré les éléments de cette note.

Il avait été conclu, du reste, entre des enfants incapables de bien comprendre leurs engagements, nous le disons surtout pour la princesse qui les oublia si vite.

«En 1308, date de l'union, Blanche avait moins de douze ans «et Charles le Bel, quatorze ans moins 5 mois » aux termes de la déposition de Charles de Valois, qui savait bien leur âge, comme il le dit en 1322, puisqu'il avait servi à l'un et à l'autre de parrain. N'y a-t-il pas là comme une circonstance atténuante aux désordres de 1313 ?

COMPTE-RENDU

ANTOINE DE BOURBON ET JEANNE D'ALBRET, par M. le baron Alphonse de RUBLE. Paris, Labitte, 1881, in-8°.

M. de Ruble a déjà publié, il y a quelques années, un livre fort intéressant sur le mariage de Jeanne d'Albret; son nouvel ouvrage se recommande par les mêmes qualités qui avaient été remarquées dans le précédent, par l'abondance des recherches, la clarté et la précision dans leur mise en œuvre, un style pur, facile et d'une lecture agréable.

Le moment où l'auteur entre en matière est solennel; la France porte déjà dans son sein le germe de quarante ans de guerres religieuses. Les idées d'une réforme rendue nécessaire par les scandales du clergé, avaient fait irruption dans le pays avec une extrême rapidité, tantôt protégées par les évêques, comme à Oloron et à Montauban, tantôt propagées par des prédicants venus de Genève et qui payaient parfois de leur vie leur zèle trop ardent. Jeanne d'Albret et Antoine de Navarre paraissent être restés d'abord assez indifférents au milieu des luttes et des passions religieuses qui les entouraient; Jeanne, jeune encore, aimait mieux une danse qu'un sermon et Antoine, meilleur soldat que théologien, ne songeait pas à prendre parti dans l'un ou dans l'autre camp. Aussi, imitant leur prédécesseur Henri d'Albret, ils ne songèrent pas à violenter la conscience de leurs sujets et si plus tard, du Béarn, ils édictèrent pour la forme une déclaration sévère contre les Calvinistes, ce fut seulement pour complaire à la cour de France dont ils espéraient aide et secours pour reconquérir leur royaume de Navarre, usurpé par les Espagnols.

Ce fut en 1557 seulement qu'Antoine de Bourbon prit hautement parti pour les Calvinistes; il avait compris en effet la puissance de la réforme et voulait s'en faire une arme contre l'Espagne qui, malgré la vigilance de l'inquisition, était travaillée, elle aussi, par ce mal intérieur. Il espérait, en se déclarant protecteur des protestants, créer de tels ennemis au roi d'Espagne et lui donner tant à faire dans son propre royaume, que quelque circonstance ne tarderait pas à surgir lui offrant une occasion favorable de reconquérir le patrimoine des ancêtres de sa femme qu'on lui détenait contre toute justice.

En effet, dans cet esprit flottant et irrésolu sur les autres points, une idée, un projet, domina constamment tous les a

tres, celui de rentrer en possession de la Navarre devenue espagnole. M. de Ruble le suit pas à pas dans les développements de cette pensée, qu'il poursuivit à la fois par la négociation et les armes à la main. Mal soutenu par la cour de France, qui ne mit aucun zèle à appuyer ses réclamations et ne fit insérer aucune stipulation en sa faveur dans ses traités avec les Espagnols, il se retourna du côté du roi d'Espagne. Caressé et bien accueilli d'abord, on lui proposa d'échanger le royaume de Navarre contre le duché de Milan, puis on lui promit de lui fournir les moyens d'usurper le trône de France lui-même, à condition qu'il joindrait ses armes à celles des Espagnols et ferait avec eux la guerre au roi de France. Enfin, quand ses ambitieux projets semblaient en pleine voie de réalisation, tout le secret de ces négociations fut divulgué par les Espagnols au roi de France, car leur seul but avait été certainement de brouiller ensemble leurs deux ennemis. Le roi de Navarre, malgré sa valeur brillante et chevaleresque, ne fut pas plus heureux dans la guerre que dans la diplomatie, là encore il fut berné par les Espagnols. Après avoir dépensé des sommes énormes à l'armement et à l'entretien de ses troupes, lorsqu'il pensait que la Navarre espagnole n'attendait que sa présence pour se déclarer en sa faveur, il se vit entourer de traîtres, et sur le point d'être fait prisonnier par l'ennemi supérieur en nombre, il dut rebrousser chemin en toute hâte après quelques jours de marche, sans avoir pu donner un coup d'épée.

Une page charmante dans le livre de M. Ruble est celle où il raconte la naissance de celui qui devait être Henri IV, sa mère chantant au milieu de ses douleurs un cantique à la Vierge, son grand-père lui faisant boire du vin de Jurançon, frottant ses lèvres d'une gousse d'ail et s'écriant en le présentant à son peuple: Voyez, la brebis a enfante un lion! Une trouvaille du plus haut intérêt est celle que l'auteur a faite aux archives de Pau, d'une lettre écrite en patois béarnais par le jeune Henri de Navarre, alors âgé de cinq ans, pour encourager les sujets de son père à défendre leurs foyers contre les Espagnols; ce précieux document, bien digne de prendre place en tête de la correspondance de Henri IV, est daté du 22 octobre 1558 et était demeuré inconnu jusqu'à ce jour.

A la suite de son ouvrage, M. de Ruble a inséré un appendice de plus de cent pages renfermant un grand nombre de pièces justificatives publiées intégralement ou simplement analysées ; il y a là des trésors dans lesquels les historiens qui s'occupent du XVIe siècle pourront puiser à pleine main. J. ROMAN.

PASSÉ ENTRE

LE DUC DE SAVOIE ET LE CLERGÉ DE SES ÉTATS 1432

A la suite de longues difficultés survenues entre le gouvernement des ducs de Savoie et l'épiscopat de la province ecclésiastique de Tarentaise intervint une première convention destinée à régler les droits réciproques des parties contractantes. Cette convention ne suffit pas, de nouvelles difficultés surgirent de là le nouvel instrument que nous publions et dont la rédaction fut enfin arrêtée d'un commun accord entre les parties, sur les avis et d'après les lumières d'un grand nombre de jurisconsultes, à Thonon, le 16 janvier 1432 (ancien style).

Nous appelons ce document un concordat, pour employer le terme consacré, dans les temps plus rapprochés de nous, aux relations de l'Eglise et de l'Etat et à cette catégorie de rapports officiels où chacun des hauts contractants est censé ne rien céder et ne rien souffrir, mais il serait plus exact de l'appeler une transaction, comme le porte en effet le titre sous lequel l'acte est inséré au registre des minutes du notaire Bolomeri (1).

(1) 2 registre protocole de Guill. Bolomery (1430-1434), ff. 205214. A Turin, aux Archivi Piemontesi, section des Archivi di Corte, section dirigée par le savant et obligeant M. Vayra.

CABINET HIST,

1881.

DOC.-13.

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