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parables de toute révolution, comme la destruction de la société, comme le bouleversement de l'univers.

La cause de nos maux n'est pas dans les complots des brigands dont on ne cesse de nous faire peur, et qui ne se montrent nulle part. Il serait trop dérisoire de prétendre que des troupes de brigands pourraient lutter et contre la masse des citoyens qui ne sont point un ramas de brigands, mais qui en sont les ennemis par intérêt et par principes, et contre les armées de gardes nationales qui couvrent la surface de l'empire.

Elle est dans ce plan formé et suivi avec une funeste obstination, de trouver dans ces vaines alarmes un prétexte de rendre toujours la classe laborieuse appelée peuple, suspecte aux autres citoyens, parce qu'il est le véritable appui de la liberté; elle est dans les semences de division et de défiance que l'on jette entre les différentes classes des citoyens, pour les opprimer toutes.

Elle est, si l'on veut, en partie, dans les brigands de la cour, qui abusent de leur puissance pour nous opprimer, dans cette illustre populace qui cse flétrir le peuple de ce nom, les seuls à qui l'on ne fasse pas une guerre sérieuse et dont, tous les attentats restent impunis. Je crois bien aussi à deș brigands, à des étrangers conspirateurs, mais je suis aussi convaincu que ce sont nos ennemis intérieurs qui les secondent et qui les mettent en action. Je crois que le véritable secret de leur atroce politique est de semer eux-mêmes les troubles, et de nous susciter des dangers, en même temps, qu'ils les imputent aux bons citoyens, et s'en font un prétexte pour calomnier et pour asservir le peuple.

La cause de nos maux n'est pas dans la perfidie et dans les complots de la cour; elle est dans la stupide sécurité par la-, quelle nous les avons nous-mêmes favorisés, en lui fournissant sans cesse de nouveaux trésors et de nouvelles forces contre nous.

La cause de nos maux n'est pas dans les mouvemens des puissances étrangères qui nous menacent; elle est dans leur concert avec nos ennemis intérieurs; elle est dans cette bizarre situation qui remet notre défense et notre destinée dans les mains de ceux qui les arment contre nous; elle est dans la ligue de tous les factieux, réunis aujourd'hui pour nous donner la guerre ou la paix, pour graduer nos alarmes ou nos calamités, selon les intérêts de leur ambition; pour nous amener, par la terreur, à une transaction honteuse avec l'aristocratie et le despotisme, dont le résultat sera une espèce de contribution favorable à tous les intérêts, excepté à l'intérêt général, et dont le prix sera la perte des meilleurs citoyens. Elle est encore dans l'occasion que leur fournissent ces menaces de guerre, de nous placer dans cette alternative, ou de négliger la défense de l'État, ou de compromettre la constitution et la liberté, en levant des armées formidables, en réduisant la force active des gardes nationales à des corps d'armée particuliers, qui peuvent devenir un jour redoutables à l'une et à l'autre.

La cause de nos maux n'est pas non plus dans la grandeur des charges de l'État, ni dans la difficulté de percevoir les impôts, dont on a toujours cherché à nous effrayer, malgré le zèle des citoyens pour les payer.

Elle est dans la déprédation effrayante de nos finances; elle est dans la licence effrénée de l'agiotage le plus impudent, qui a fait naître la détresse publique du sein même de notre nouvelle richesse nationale; elle est dans la facilité donnée à la cour et aux ennemis de notre liberté d'engloutir tout notre numéraire, de piller à loisir le trésor public, dont ils ne rendent aucun compte, et de prodiguer le sang du peuple, pour lui acheter des ennemis, des calamités, des trahisons et des chaînes.

Enfin la cause de nos maux est dans la combinaison formi-. dable de tous les moyens de force, de séduction, d'influence,

de conspiration contre la liberté; elle est dans les artifices inépuisables; elle est dans la perfide et ténébreuse politique de ses innombrables ennemis, elle est plus encore dans notre déplorable frivolité, dans notre profonde incurie, dans notre stupide confiance. Robespierre.

Note (P), page 284.

Rapport du ministre de l'Intérieur, à la Convention nationale, sur l'état de Paris.

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La Convention nationale m'a chargé, par son décret du 26, de lui rendre compte, sous trois jours, de l'état où se trouvent les autorités publiques à Paris depuis le 10 août, des obstacles que l'exécution des lois éprouve en cette ville, et des moyens d'y remédier.

Elle a senti que le tableau de ce qui est, se compose nécessairement des faits ou de l'inaction du jour, et des faits précédens dont ils sont la suite ou le résultat nécessaire, Elle m'oblige de jeter un coup-d'œil sur le passé : je le ferai rapidement; je serai réservé dans les jugemens, mais précis et sévère dans l'exposé des faits: car je cherche la vérité pour la connaître, je la présente pour qu'elle soit utile, sans autre passion que de me rendre tel moi-même, en remplissant mes devoirs.

La révolution du 10 août, à jamais glorieuse et célèbre, cette belle époque à laquelle nous devons la république, et qui ne doit être confondue avec aucun autre événement, n'a pu arriver et s'effectuer que par un grand mouvement, dont l'effet se propagé et se fait sentir long-temps encore après

que la cause dont il est le produit a perdu son action. Unnouvel ordre de choses a dû naître : nous en avons le principal résultat dans la Convention, qui doit assurer les destinées de la France. Une organisation provisoire des pouvoirs communaux de la ville de Paris s'est faite à cette époque : elle était nécessaire; elle a été utile; mais eût-elle été la cause d'une grande révolution dont elle n'était réellement que l'effet, il ne faudrait pas moins en relever les inconvéniens, s'il en existe, et qu'il soit pressant de les détruire. A Dieu ne plaise que je veuille considérer les personnes, juger les intentions, confondre le zèle aveugle avec la malveillance, ou l'inexpérience en administration avec la volonté d'usurper une autorité illégale; je n'ai point, sur cet objet, d'opinions à établir, mais des faits à présenter. Pour satisfaire pleinement à la loi, je suivrai dans leur marche le département et la commune, ensemble ou séparément, suivant la nature des faits ou la concurrence des événemens. J'examinerai l'effet de leurs opérations et de leur conduite, par rapport aux propriétés et à la sûreté individuelle, ces deux grands objets de toute association, dont la conservation, l'intégrité, sont le but et la preuve d'un bon gouvernement, d'une sage administration.

Il serait absurde de prétendre, injuste d'exiger que bouleversement d'une révolution n'entraîne pas quelques malheurs particuliers, quelques opérations irrégulières : c'est la chute ou la perte d'arbres et de plantes dans le voisinage d'un fleuve débordé dont le cours rapide occasione des dégâts en surmontant de grands obstacles. Mais il faut soigneusement distinguer ce qui appartient à la nature des choses de ce qui peut résulter des passions ou des desseins prémédités de quelques individus; car on doit endurer avec courage, tolérer avec patience, adoucir ou effacer à force de sagesse et de vigilance ce qui vien de la nécessité; tandis qu'il faut surveiller avec attention, contenir avec forcë, ré

primer avec sévérité ce qui résulterait de l'extravagance de l'ambition ou des entreprises de la scélératesse. Ainsi l'examen scrupuleux des faits en masse, le froid calcul de leur cause et de leur influence, doivent précéder tout jugement

et toute mesure.

La cour avait vu tourner contre elle les précautions mêmes qu'elle avait prises pour anéantir la liberté. Louis XVI, enfermé au Temple avec sa famille, n'offrait plus qu'un grand exemple des vicissitudes humaines, de la stupidité des rois, et du sort qui les attend lorsqu'ils veulent être injustes dans un siècle éclairé. Le peuple de Paris, triomphant sur les bords du précipice qui lui avait été préparé, entraîné par l'accélération d'un mouvement qui lui avait été salutaire, ayant rompu l'organisation des pouvoirs par le besoin de les changer, en permanence dans ses sections, agissant par luimême, se trouvait, pour ainsi dire, à une nouvelle naissance. Il devait avoir cette activité, cette assurance, cette présomption qui accompagnent une existence et une liberté avec lesquelles on n'est point encore familiarisé, et dont on est près d'abuser par le plaisir de les sentir et de les exercer. Le département, méprisé ou haï, n'avait que des membres épars, dont les ombres disparurent bientôt devant une commission nouvelle. Le temps nécessaire à sa formation; son action, d'abord lente et peu sensible, parce qu'elle était nulle pour tout ce qui intéresse la sûreté générale; le décret du 13 août ayant conféré cette partie aux municipalités, et parce qu'elle

était subordonnée dans le fait à celle d'une commune toutepuissante, retinrent cette administration dans une sorte d'obscurité. J'aurai bientôt à lui rendre d'honorables témoignages. L'Assemblée législative terminait sa carrière, et couronnait le vœu public par l'appel d'une Convention.

Le pouvoir exécutif, chargé de grandes opérations et d'immenses détails, créait des armées, approvisionnait l'empire, faisait venir, des points les plus éloignés, des munitions né

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