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ment d'un mot, délirer les montagnards aux yeux de la République entière! Ne pouvant anéantir l'histoire, ils voudraient empêcher de croire à ses matériaux ! Eh! bon Dieu! lors même qu'il ne resterait que leurs calomnies et leur conduite, l'atrocité du mensonge percerait toujours! On peut, durant quelques années, réduire la vérité au silence; mais on ne saurait l'étouffer, et les efforts mêmes employés pour l'anéantir résistent et constatent son existence.

On a fait un crime à Roland de la découverte de l'armoire de fer, et l'on est bien aise de supposer qu'il en ait retiré quelque chose pour cacher ainsi le défaut de preuves qu'on ne saurait fournir contre la prétendue faction Brissot. Mais Roland avait des témoins, et Roland ne s'est point contredit. Un serrurier, nommé Gamin, établi à Versailles, dénonça qu'il avait été employé par Louis XVI à construire une petite cache dans son appartement aux Tuileries; il ignorait si cette cache contenait quelque chose. Roland avait l'inspection des Tuileries; elles étaient confiées à sa surveillance, ainsi que tout ce qu'elles renfermaient : il prend avec lui Gamin et Heurtier, l'architecte, homme respectable, se rend dans l'appartement du roi, où, dans un passage, entre deux portes, Gamin lève un panneau de boiserie et découvre une petite porte de fer: Roland la lui fait ouvrir; elle fermait un trou dans le mur où se trouvent des liasses de papier. Roland appelle un

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domestique, fait apporter une serviette, tire les liasses, sans les défaire, jette un coup-d'œil sur leurs titres qui annonçaient des correspondances avec les généraux et autres, les place dans la serviette, toujours en présence d'Heurtier et de Gamin, fait prendre le paquet à son domestique, et se rend à la Convention où il les dépose authentiquement. Comme il traversait les appartemens, il rencontra un député qui lui demande ce qu'il a là. « De bonnes choses, répliqua-t-il, que je vais remettre à la Convention (1). » Il faut dire qu'en mettant le château et

(1) Roland, lorsqu'il remit ces papiers à l'Assemblée dans la séance du 22 novembre 1792, s'exprima en ces termes : « Je viens apporter à la Convention nationale plusieurs » cartons remplis de papiers qui, par leur nature et à » cause du lieu où ils ont été trouvés, m'ont paru d'une trèsgrande importance. Je crois qu'ils sont propres à jeter un grand jour sur les événemens du 10 août, sur la révolu» tion entière, et sur les personnes qui y ont joué le premier » rôle. Plusieurs membres de l'Assemblée constituante et de » l'Assemblée législative paraissent y être compromis; ils » renferment des correspondances de M. Laporte et de plu» sieurs autres personnes attachées au roi; il y a même des »> lettres originales du ci-devant roi, et une immensité de projets sur sa garde, sur sa maison, sur les armées, et de » combinaisons de toute espèce, relatives à la Révolution.

» Si ces pièces se fussent trouvées dans les appartemens » des Tuileries, je les aurais remises à vos commissaires; » mais elles m'ont paru devoir être détachées des autres par » leur importance: elles étaient dans un lieu si particulier,

tout ce qu'il contenait sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, elle avait en outre créé une commission de quelques-uns de ses membres pour examiner les pièces, écrites ou imprimées, qui s'y étaient trouvées lors de l'invasion, et qui avaient été réunies dans une partie. Les membres de cette commission furent fâchés que le ministre ne les eût point appelés à la découverte; le ministre n'avait rien trouvé de plus simple, sur la dénonciation de Gamin, que de visiter les lieux, et y rencontrant des papiers, de les soumettre sur-le-champ à la Con

» si secret, que si la seule personne de Paris qui en avait >> connaissance ne l'eût indiqué, il eût été impossible de » les découvrir. Elles étaient derrière un panneau de lambris, » dans un trou pratiqué dans le mur, et fermé par une porte » de fer; c'est l'ouvrier qui l'avait posée qui m'en a fait la » déclaration. J'ai fait ouvrir ce matin cette armoire, et j'ai » parcouru rapidement ces papiers. Je crois qu'il est néces»saire que l'assemblée nomme une commission expresse » pour en prendre connaissance. »

Goupilleau se plaignit de ce que le ministre n'avait pas fait ouvrir cette armoire en présence des commissaires qui, chargés de l'inventaire des papiers trouvés aux Tuileries, travaillaient au même moment dans un appartement voisin.

Tallien demanda si le ministre avait fait dresser un procèsverbal de ces pièces. Cambon prit la défense du ministre; il dit que Roland avait eu raison de s'empresser d'apporter ces pièces directement à l'Assemblée nationale. Il demanda qu'il fût nommé à l'instant une commission pour en faire l'inventaire.

vention. Il se conduisit en homme probe et sans défiance; il n'agit point en politique qui prévoit tout et ménage les amours-propres. Roland n'a point de tort réel dans cette affaire; mais il y a une faute de conduite et de précaution. Ajoutez que, parmi les membres de la commission au château, était un certain Calon, personnage que Roland méprisait, avec lequel il avait quelquefois des difficultés, parce que ces députés commissaires voulaient étendre leur pouvoir et bouleverser le château à leur gré, tandis que Roland, naturellement rigide, et fort de sa responsabilité, s'opposait souvent à leurs entreprises.. On jugera ce Calon, lorsque j'aurai dit qu'il était public et reconnu tel, qu'il s'était associé avec une

Sa proposition fut adoptée; mais on n'en renouvela pas moins plusieurs fois, dans l'Assemblée, le reproche fait à Roland d'avoir soustrait des papiers qui, disait-on, pouvaient compromettre ses amis les Girondins, Amar, dans son rapport, en parlait ainsi : « Roland, de son autorité pri»vée, avait osé disposer des papiers trouvés dans l'armoire » de fer des Tuileries; il les avait enlevés seul, sans témoins,' » sans inventaire, en fuyant les regards des députés qui » étaient occupés dans le même lieu, par les ordres de la » Convention, à des recherches semblables. Roland en a sous» trait à loisir tous ceux qui pouvaient révéler les attentats » de la faction. »

Ces papiers, recueillis en deux volumes, seront, au reste, souvent cités par nous dans le cours de cette entreprise, et particulièrement lors de la publication prochaine des Mémoires de Ferrières. (Note des nouveaux éditeurs.)

femme, sa maîtresse, pour établir, à communauté de profits, un café-buvette auprès de l'Assemblée.

On voit maintenant l'origine de tout ce tapage sur l'armoire de fer; on sent combien les divers ennemis de Roland se saisirent des apparences pour le faire soupçonner, et combien de petites passions concoururent à élever des nuages sur cette circonstance. De quel prix n'est-elle pas devenue pour ceux qui, voulant accuser de conspiration les députés, amis de Roland, trouvent si commode de faire croire que l'armoire renfermait des pièces que le ministre aura soustraites! Mais rapprochez les temps, calculez les faits, et vous arrêtant à celui-là seul, voyez donc que, si Roland avait voulu faire une soustraction, il aurait commencé par une ouverture furtive, après laquelle il en aurait fait faire une bien authentique, à laquelle aucune forme n'eût manqué. Sa marche rapide et non précautionnée, en l'exposant aux inculpations, prouve son innocence, pour quiconque veut réfléchir. Heurtier existe; c'est un homme d'âge, et généralement estimé : Gamin existe aussi ; ils ont dressé leur petit procès-verbal de l'opération, et cette pièce, comme ces détails, ne seront pas perdus pour l'histoire. Je ne relèverai point l'accusation faite contre Roland de protéger les partisans de l'aristocratie, et de tendre les bras aux émigrés : Roland était, dans son administration, d'une justice impartiale et sévère; il ne tendait les bras qu'à la loi ; il ne voyait qu'elle, et ne pronon

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