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avec la haine de gens actifs qui avaient, auprès du peuple, la réputation de patriotes du 10 août, destructeurs de la tyrannie. Joignez-leur ceux que Danton, déprédateur, suscitait à un collègue dont l'austérité le gênait (1), qui, d'ailleurs, avait dénoncé les attentats de septembre, autre ouvrage d'une partie de la Commune, de Santerre, etc. : joignez-y encore ceux que le jaloux Robespierre préparait contre toutes les relations de Brissot, et vous trouverez une foule considérable, ou de gens coupables qui avaient besoin de renverser leur surveillant et leur dénonciateur, ou d'hommes exagérés qui se prévenaient pour les patriotes du 10 août, sans voir le fond du sac, ou d'intéressés à les soutenir, ou d'ignorans gagnés par eux, et de quelques conducteurs envieux, habiles à saisir le moyen de renverser un homme en crédit. Voilà l'origine d'un parti qui s'est grossi de tous les débarquans à la Convention, trop étrangers à Paris ou aux affaires pour bien juger des choses, et de tous ceux

(1) A cette époque du second ministère, Roland était sourdement desservi par Danton, et publiquement déchiré par Marat. Ce dernier avait publié plusieurs affiches contre lui. Roland fit une réponse courte, mais noble et ferme, aux calomnies dont il est l'objet (Q). Dans aucun de ses écrits, peut-être, il n'a mieux peint la franchise de son caractère, l'austérité de ses principes, son dévouement pour le bien public, et sa haine contre l'anarchie.

(Note des nouveaux éditeurs.)

dont l'amour-propre s'est irrité contre les députés marquans qui étaient naturellement liés avec Roland, parce que des hommes de la même étoffe doivent se voir avec plaisir. Avec plus de temps, je suivrais ce parti dans toutes ses ramifications, et je mettrais le doigt sur ses entreprises: mais c'en est assez pour conduire sur la voie de rechercher et de s'éclairer.

Maintenant il est clair que ce parti, aujourd'hui dominant, et dont Amar est l'organe, appelle libelles les écrits où Roland rendait compte de l'état de Paris, demandait des comptes à la Commune, dénonçait à l'indignation publique les attentats de septembre, et prêchait l'ordre à établir pour gagner tous les cœurs à la Révolution; ce qui est plus difficile que de tuer les gens comme le font ces Messieurs. On n'indique pas ces prétendus libelles, car ce serait se brûler les doigts; mais on déclame sur la distribution de libelles quelconques, et le public croit qu'il faut être fondé à pareille accusation pour la faire aussi hautement; il applaudit à la force de la déclamation et se croit vengé quand on assassine ses défenseurs.

L'intelligence avec les Prussiens est une extravagance qu'on ne sait comment caractériser, et Brunswick doit bien rire de voir accuser d'être ses amis des gens qui lui faisaient si bonne guerre. Il n'y a qu'à lire la lettre où l'on prétend que Roland avoue le projet de quitter Paris, et l'on verra ce qu'il faut

en eroire, surtout avec le but d'ouvrir un passage à Brunswick. Je sais que, dans la supposition que les Prussiens s'approchaient beaucoup de Paris, on mit une fois en question ce qu'il conviendrait de faire, et s'il serait sage de faire quitter cette ville à la représentation nationale qui intéressait tout l'empire ; mais la discussion fut légère, hypothétique, plus même qu'elle n'eût dû l'être; il n'y eut point de menaces faites par aucun des ministres à ses collègues; c'est Danton qui a imaginé, après l'événement, de bâtir cette dénonciation, tant pour s'en faire un mérite que pour nuire à Roland. J'ai ces choses-là très-présentes pour en avoir entendu parler à mon mari en sortant du Conseil qui se tenait alors chez lui. Quant à ce grand mouvement des citoyens de Paris, on sait qu'il servit de voile aux attentats de septembre, et que ce fut l'affaire de Kellermann, du 20 du même mois, qui sauva la République.

Il n'est pas moins ridicule de voir accuser le gouvernement d'alors d'affamer le peuple ; jamais, sous le ministère de Roland, les subsistances ne furent rares et difficiles comme elles le sont devenues depuis sa sollicitude, à cet égard, était extrême, et l'on peut voir ce qu'il a dit de la mauvaise administration particulière à la Commune de Paris sur cet objet.

C'est une infâme et absurde calomnie que d'avancer que Roland ait employé à soudoyer des écri

vains, les fonds qui lui étaient donnés pour les subsistances. Premièrement, ces fonds-là ne venaient jamais dans ses mains; il ne pouvait les employer que par des mandats sur la trésorerie, en indiquant leur emploi ; en second lieu, il a fourni les comptes de ces fonds; il les donnait chaque mois; il les a répétés à sa sortie, le tout appuyé de pièces justificatives; et il n'a cessé de demander qu'on en fît le rapport. Ils ont été examinés; mais il n'y avait que du bien à en dire, jamais la Montagne n'a voulu souffrir que le rapport fût fait. Il n'y a qu'à le demander à Dupin, député, l'un des commissaires chargés de l'examen; il n'y a qu'à le demander à Saint-Aubin, commissaire à la comptabilité, dont les commissaires de la Convention s'étaient aidés dans ce travail qui a duré deux mois, qui a été suivi avec minutie et désir de trouver des fautes, sans pouvoir y parvenir. Troisièmement enfin, il n'y eut de donné à Roland, pour des impressions et des écrits, que cent mille livres, sur lesquelles, en six mois, il a dépensé seulement trente-quatre mille livres, dont il a également fourni les comptes; le reste étant demeuré au trésor public, ainsi qu'il est prouvé par l'état de ce qui en est sorti.

Il faut une mauvaise foi, qu'on a peine à croire, pour débiter ces insignes mensonges! Roland n'avait point formé chez lui de nouveaux bureaux ; il avait affecté à quelques commis le soin d'expédier les envois qu'il était chargé de faire, et jamais ne donna

à rien le nom de Formation d'esprit public; ce sont ses ennemis qui ont commencé par inventer la chimère, et qui la baptisèrent ensuite à leur guise. Je défie de prouver que je me sois jamais mêlée de rien, et bien moins encore que j'aie rien dirigé. Roland n'avait rien de commun avec ses collègues pour la partie des finances, de même que ses collègues ne se mêlaient de l'envoi d'aucun écrit ; il est impossible d'en citer un, expédié par Roland, qui n'eût pour but d'attacher à la révolution du 10 août, loin de chercher à la flétrir. Roland n'avait point d'action sur l'administration des postes pour lui rien faire intercepter, et jamais les administrateurs n'eussent pu, sans se perdre, se prêter à une si odieuse manœuvre : s'ils l'avaient seulement tenté, comment ne les en eût-on pas punis, eux tant persécutés, dont on a bien pris les places, mais dont on n'a pu compromettre les personnes?

Il est faux que Roland ait supprimé quoi que ce fût, dont l'envoi était ordonné; j'ai vu expédier les discours de Marat : il est également faux qu'aucun ait été tronqué, ni pu l'être; je l'ai dit plus haut; j'ai fait voir que c'était impossible comme invraisemblable, et qu'on n'aurait pas attendu jusqu'aujourd'hui à le dénoncer, si cela se fût pratiqué une seule fois; qu'enfin, aujourd'hui même, qu'on a l'audace de l'avancer, on n'ose ni ne peut citer. Mais quelle excellente précaution que celle d'accuser Roland et le Moniteur d'avoir fait, par le déplace

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