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le 13 juillet. J'y ai reconnu le style, la finesse et la gaieté de Louvet: c'est la raison en déshabillé, se jouant avec le ridicule, sans perdre de sa force ni de sa dignité (1).

LAZOWSKI.

LAZOWSKI, Polonais d'origine, venu en France on ne sait comment, sans fortune, mais protégé par le duc de Liancourt, soit qu'il fût parent de quelque personne à son service, ou qu'il lui appartînt de quelque autre manière; Lazowski avait été fait inspecteur des manufactures.

(1) Proscrit au 31 mai, mis hors de la loi, après s'être réuni dans le Calvados à ses collègues, errant en France sous divers déguisemens, redevable de la vie au dévouement et à la présence d'esprit de sa femme, il fut rappelé à la Convention après la révolution du 9 thermidor. Il y défendit la mémoire de ses amis qui n'étaient plus, comme il avait parlé, comme il avait souffert pour eux. Nommé au conseil des Cinq-Cents, il soutint, à la tribune et dans les journaux, la cause à laquelle il resta toujours fidèle ; ses forces, qui ne répondaient pas à son courage, se trouvaient épuisées par de cruelles épreuves; il mourut, en 1799, quelque temps avant le 18 fructidor.

On verra dans ses Mémoires un des plus intéressans tableaux que puisse offrir un homme luttant contre l'infortune et dérobant sa tête à la proscription.

(Note des nouveaux éditeurs. )

C'était une de ces places d'administration trèssecondaires, qui ne donnait point d'autorité, dont les appointemens étaient modestes, pour les devoirs desquelles il suffisait d'avoir de l'honnêteté, du mé ́rite, et qui, dès-lors, parurent convenir à tout le monde, ou pour lesquelles du moins chacun se croyait propre. Elles étaient à la nomination du Conseil du Roi, sur la présentation du ministre des finances, et subordonnées aux intendans du commerce, petits magistrats à grandes prétentions, qui se faisaient passablement valoir, et qu'on avait la bonté de croire, comme tant d'autres, sur leur parole, mais qui, véritablement, par le nombre des affaires qu'ils étaient dans le cas de traiter, avaient beaucoup de relations, et donnaient des audiences où de grands seigneurs prenaient quelquefois la peine d'aller.

Lazowski, vif, entreprenant, qui s'offrait lui-même comme un homme d'esprit, avait persuadé à son protecteur qu'il ne devait pas rester simple inspec>teur des manufactures. Il est vrai que, pour l'employer, on avait créé une inspection à Soissons où il n'y avait guère que des manufactures de prêtres, et d'objets à inspecter que des religieuses; c'était une ville de couvens sans industrie, sans autre commerce que celui des objets de première nécessité. M. de Liancourt, qui mettait à l'avancement de son protégé la vanité ordinaire chez les gens de la cour, y joignait de plus la loyauté de sa bonhomie ; il pres

sait le ministre, et surtout les intendans du commerce; car les seconds agens sont toujours les vrais faiseurs. Calonne était contrôleur-général, il avait l'esprit inventif et facile à saisir les idées ingénieuses. On imagina de créer une inspection ambulante; ce n'était pas un effort de génie : ce genre de place avait déjà existé; l'inutilité en avait été reconnue; mais on conviendra que sa seconde création n'était pas sans motif; elle fournissait le moyen d'obliger un homme en crédit, et le nombre des places, porté à quatre, donnait à l'opération un air ministériel, sans compter l'avantage de trois places restantes pour la faveur et l'intrigue. Elles furent bientôt remplies. On leur attribua 8,000 livres d'appointemens ; la résidence de Paris durant quatre mois de l'année; des voyages dans les provinces durant l'autre partie du temps; le droit de remplacer les inspecteurs-généraux à leur décès, et la permission de solliciter des gratifications, en raison de la nature des déplacemens et de l'importance des services. Il est bien vrai qu'on sappait ainsi par la base une institution dont l'esprit était excellent; on ôtait aux inspecteurs des généralités l'espoir de parvenir à l'inspection générale, par rang d'ancienneté et de mérite; on les décourageait encore, en envoyant, dans leurs départemens respectifs, des hommes étrangers à la chose pour la plupart, et l'on s'ôtait la faculté d'être bien informé sur l'état des arts, des manufactures, du commerce, enfin de tous les objets d'industrie, des

quels devaient pouvoir mieux rendre compte des hommes fixés dans chaque généralité à cet effet, que les oiseaux de passage chargés de les parcourir toutes. Mais l'ancien régime ne portait pas si loin ses vues; et l'on sait si, dans le nouveau, les individus en ont de plus étendues, et surtout de plus désintéressées.

Ceci se passait au printemps de 1784. Je me trouvais à Paris pour des affaires de famille: j'entendis parler de changemens dans les inspections; j'appris que celle de Lyon, abandonnée par l'ambitieux Brisson pour l'ambulance, était donnée à un trèsjeune homme. Je réfléchis que Roland rêvait toujours sa retraite, et se proposait de la demander, après avoir terminé son entreprise encyclopédique, pour aller dans son pays oublier Paris et les bassesses qu'il fallait y faire pour un avancement refusé au mérite (1); je trouvai qu'il serait meilleur d'aller chez soi avec une place qu'autrement : j'imaginai de demander l'échange de celle d'Amiens, où nous étions, contre celle de Lyon, qui le mettrait chez lui; et qu'il ne devait pas être difficile d'accorder ce léger plaisir à un vieux serviteur dont les intendans de commerce redoutaient assez le savoir, et surtout le caractère, pour goûter son éloignement. Les commissions étaient déjà expédiées; je fis valoir mes raisons avec l'avantage qu'une femme avait encore,

(1) Voyez tome premier, page 278.

dans ce temps-là, près de gens qui se piquaient de politesse; on me fit valoir les difficultés que j'appréciai librement ce qu'elles valaient, et j'obtins le changement presqu'en même temps que l'annonce faite à mon mari de la demande que j'avais imaginé d'en faire.

Je rencontrai dans les bureaux Lazowski, alors élégant, bien coiffé, mis avec soin, arrondissant un peu les épaules, marchant sur le talon, faisant jabot, se donnant enfin ce petit air d'importance que les sots d'alors prenaient pour des titres de considération et dont se moquaient les gens de bon sens.

L'Assemblée constituante ayant renversé les nobles, supprimé les inspecteurs, ravit à Lazowski sa place et son patron; n'osant espérer une pension qui devait se réduire à zéro, eu égard au peu de temps qu'il avait été employé, il se trouvait sans le sou, devint patriote, prit des cheveux gras, brailla dans une section, et se fit sans-culotte, puisqu'aussi bien il était menacé d'en manquer.

Vigoureux, jeune encore, criant bien et intriguant de même, il fut bientôt distingué et devint capitaine de quartier dans la garde nationale; il servit en cette qualité au 10 août, et se prévalut beaucoup des dangers de cette journée, à l'instar de tant de gens qui se mêlaient du mouvement pour y trouver quelque profit, et qui venaient fièrement ensuite se présenter comme les sauveurs de la patrie. Mais ses exploits datent du 2 septembre, et de l'activité qu'il

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