1871. Les houilles anthraciteuses des Alpes, restreintes aux usages locaux par la difficulté des transports, deviennent l'objet de travaux plus nombreux à mesure que les voies de communication se perfectionnent. Enfin sur les pentes des Maures et de l'Esterel, les nombreux îlots de terrain houiller donnent lieu de croire à l'existence de son prolongement sous les assises plus récentes. Sur le pourtour et même sur la surface du plateau central, quelque rapide qu'ait été l'accroissement des exploitations au Creusot, à Blanzy, à Épinac, à Montchanin, les travaux semblent devoir prendre encore de nouveaux développemens, soit par l'approfondissement des puits, soit par l'extension latérale des galeries. Les bassins de Decize, de Commentry et d'Ahun donneraient lieu aux mêmes observations; elles s'appliqueraient mieux encore au Puyde-Dôme et au Cantal, où les affleuremens houillers de Champagnac paraissent présager un riche avenir. Le bassin de la Loire, si bien étudié par M. Grüner, renferme encore de puissantes réserves, quoiqu'il ait été, depuis une époque reculée et surtout depuis le siècle dernier, l'objet d'une exploitation active dont la création de nos premiers chemins de fer a décuplé l'essor. Dans le Gard, le terrain houiller, plus continu qu'on ne l'avait cru longtemps, alimente l'extraction chaque jour plus abondante d'Alais, de la Grand'Combe, de Bességes... Peut-être pourra-t-on plus tard poursuivre, sous les couches calcaires et à des distances aujourd'hui inconnues, cette vaste formation houillère, qui, adossée au plateau central, paraît s'être largement étendue sous le midi de la France. Rappelons encore quelques concessions dans le Lot, celle de Carmaux dans le Tarn et les affleuremens signalés dans les Pyrénées. Quant aux lignites, les gisemens, nombreux dans le sud et le sud-est, n'ont donné lieu longtemps qu'à des exploitations restreintes ; ils prennent aujourd'hui une importance nouvelle, comme aussi les marais tourbeux de la Somme, de la vallée de la Seine, etc., soit par suite de la hausse du prix des combustibles, soit en raison d'une meilleure utilisation dans des fours spéciaux. Quelque rapides que soient ces indications, elles suffisent à montrer quelles puissantes ressources minérales renferme le sol de la France et combien de riches conquêtes peuvent être réalisées par des efforts dirigés avec habileté, soutenus avec persévérance. Pour aider à ce développement du travail national, il y a lieu d'insister ici sur deux points essentiels : étendre ou améliorer le réseau des voies de communication dans la plupart des districts miniers, compléter les relevés de la topographie souterraine, les recherches statistiques et les cartes géologiques, qui fournissent aux exploitans les plus sûrs et les plus précieux renseignemens. Cette double préoccupation se fait jour également dans le rapport de M. Ducarre, et quelques efforts ont déjà été tentés pour y faire droit. Sur le premier point et en ce qui concerne les voies navi gables, le rapport si complet présenté par M. Krantz (i) au nom d'une commission parlementaire se résume en un projet de travaux qui donneraient pleine satisfaction à des besoins trop légitimes. Sur le second point, les premières feuilles que vient de publier la commission de la carte géologique détaillée de la France montrent avec quel soin scrupuleux ce vaste travail a été conduit, et combien nos intérêts industriels doivent souhaiter qu'une administration éclairée ne soit pas obligée, par des nécessités budgétaires et malgré les exemples que nous donnent à ce sujet l'Angleterre et les États-Unis, de restreindre aujourd'hui les ressources nécessaires au complet développement et au rapide achèvement d'une œuvre nationale si bien commencée. Toutefois ces deux conditions ne seront pas sans doute jugées suffisantes, et notre loi des mines devra subir en outre une révision qui la mette en harmonie avec les nécessités du présent et avec les enseignemens de l'expérience. Déjà un projet avait été élaboré dans les dernières années du précédent gouvernement. En ce qui concerne les surfaces concédées par exemple, il résulte du rapport de M. Ducarre que, sur la Loire comme dans le nord, les concessions houillères d'une superficie moyenne, d'un millier d'hectares environ, sont les plus productives. La grande extension des périmètres est surtout nuisible dans les exploitations métallifères; des travaux préparatoires trop disséminés gaspillent en effet le plus souvent les ressources de l'entreprise qui, discréditée à l'avance, avorte ou végète, sans que la déchéance de la concession soit prononcée. Peut-être y aura-t-il lieu de rattacher à la propriété de la surface les gites métalliques ainsi que les mines de fer, et de ne conserver le régime des concessions que pour les vastes gisemens de combustibles. En tout cas, lorsque ces questions si importantes viendront utilement en discussion, l'ouvrage de M. A. Caillaux fournira le recueil le plus instructif de renseignemens techniques et de faits soigneusement constatés. En attendant, il ne saurait être trop étudié par tous ceux qui, au point de vue de la production, du commerce ou des transports, veulent se rendre compte de nos ressources minérales, du développement que peut recevoir l'industrie extractive, et des débouchés qu'il convient de lui créer. ALEXIS DELAIRE. drame en quatre actes, en vers, de M. HENRI DE BORNIER. Il n'y a pas à en douter, nous avons soif de boire aux sources pures, un ardent désir de nous retremper au feu de l'idéal. Voilà pourquoi (1) Voyez notamment le Résumé, annexe no 2474; séance du 13 juin 1874. nous sommes si reconnaissans aux poètes qui tentent de nous enlever aux sublimes sommets de l'inspiration, qui s'efforcent d'évoquer devant nous les ombres des temps héroïques, des souvenirs de gloire, de force et de vertu. Celui qui entreprend une pareille tâche est sûr que beaucoup lui sera pardonné en faveur de la bonne intention. A défaut de génie, nous sommes assez disposés à nous contenter d'aspirations élevées et d'un honnête talent. Le drame de M. Henri de Bornier s'est donc présenté sous de bons auspices et a profité du courant qui nous ramène vers les œuvres sérieuses, sincères, vers les choses fières et hautes. Heureusement conçu, rempli de sentimens généreux et virils, il fait vibrer la corde nationale, et de temps en temps des vers pathétiques, sonores et bien frappés, remuent jusqu'au fond tous les cœurs. Malheureusement ce grand souffle n'arrive que par bouffées intermittentes; d'interminables tirades, pendant lesquelles l'action languit et l'intérêt s'en va, trahissent parfois que le poète s'est endormi et que le versificateur s'est glissé à sa place. On s'impatiente alors et l'on en veut au poète d'avoir le sommeil si facile, car il est des sujets qui obligent. M. de Bornier a pris le sien dans l'une de ces vieilles chansons de geste où résonne un cliquetis d'armes et la voix d'airain de l'oliphant. Ce ne sont pas les preux que connaît l'histoire, ce sont les héros à demi légendaires de la Chanson de Roland qui se meuvent dans son drame, et on ne saurait lui en faire un reproche, car le poète est assurément libre de violer l'histoire, pourvu que les figures qu'il nous présente soient humainement vraies. M. de Bornier suppose encore que Roland a laissé une fille qui a été adoptée par l'empereur Charlemagne. De même il suppose que le traître Ganelon, le beau-frère de Charlemagne, qui a causé le désastre de Roncevaux, a échappé, grâce à un moine charitable, au supplice qui lui était destiné, et que, dévoré de remords, il vit sous le nom du comte Amaury dans un château des bords du Rhin, où il élève dans les principes de l'honneur et de la vertu son fils Gérald, un futur paladin. Gérald ignore le passé de son père, il partage l'horreur qu'inspire à tous le nom de Ganelon; mais le hasard lui fournit l'occasion d'arracher des mains des Saxons l'aimable Berthe, la fille de Roland, et l'amour envahit son cœur. Son père, instruit de ses projets, lui ordonne d'y renoncer, quand Berthe elle-même, à la façon de Chimène, vient dire à Gérald qu'elle l'aime, et le faux comte Amaury ne trouve plus rien à répliquer lorsqu'il apprend que son fils veut partir afin de mériter par ses exploits la main de la nièce de Charlemagne. Cette exposition, beaucoup trop longue, bien qu'elle soit semée d'incidens dramatiques tirés de la poignante situation du père de Gérald, remplit les deux premiers actes. Le troisième nous conduit à Aix-laChapelle, à la cour de Charlemagne, où un prince more, possesseur de la fameuse Durandal, l'épée de Roland, vient défier au combat les ba rons français. Il a déjà couché dans la poussière trente adversaires, et le vieil empereur va lui-même descendre dans l'arène quand retentit la cloche d'argent qui annonce l'arrivée d'un chevalier sans peur et sans reproche. C'est Gérald, Gérald que Berthe attendait, et qui vient relever le gant du Sarrasin. L'empereur lui prête Joyeuse, sa propre épée, la seule qui puisse se mesurer avec Durandal, et, appuyé sur Berthe, il assiste au combat du haut d'un balcon. Gérald revient vainqueur, l'empereur lui accorde la main de sa nièce. Là éclate le drame prévu. Le comte Amaury, mandé à la cour, est venu, et l'empereur l'a reconnu; touché de son repentir, Charlemagne lui a permis d'aller chercher la mort en Palestine. Malheureusement pour lui, un Saxon dont il a jadis tué le père l'a reconnu aussi et va lui jeter son nom à la face; la seule grâce qu'il obtient, c'est qu'il dira tout lui-même à son fils. Dans une scène navrante, il se confesse à Gérald, que cette révélation écrase, mais qui pourtant ne maudit point son père; seulement il sait ce qui lui reste à faire. Au quatrième acte, nous voyons s'assembler le tribunal d'honneur auquel sera soumis le cas du jeune paladin. Les survivans de Roncevaux et les héritiers des morts déclarent tous qu'il a racheté la faute de son père, et que rien ne s'oppose à son mariage. Gérald refuse, et Berthe, qui a le cœur haut placé, le laisse s'éloigner pour aller combattre les infidèles, armé de Durandal, que l'empereur place dans ses mains. Tel est en peu de mots le fond de ce drame, qui renferme de belles scènes, nous ne citerons que le banquet où Gérald dit la chanson qui célèbre Joyeuse et Durandal, et l'entrevue suprême entre Ganelon et son fils, à côté de bien des faiblesses et des banalités. Ce n'est pas Shakspeare qui eût fait de Ganelon, subitement converti, un père de famille vertueux, monotone et larmoyant de telles transformations n'ont rien d'humain, et le poète y perd l'occasion de fouiller un caractère. De même Charlemagne joue dans la pièce de M. de Bornier un rôle bien effacé; c'est un vieillard impotent dont les lamentations fatiguent et qui n'intervient au fond que pour se ranger à l'avis du dernier opinant. Voilà quelques-unes des réserves qu'on ne peut s'empêcher de faire après avoir constaté le succès très franc du drame nouveau dont les alexandrins sonores font retentir en ce moment les échos de notre première scène. Au reste l'interprétation, si elle est généralement suffisante et souvent remarquable, ne fait peut-être pas assez valoir certains rôles qui gagneraient sans doute à être joués avec plus de verve et de vigueur. Le directeur-gérant, C. BuLoz. Au bout de trois heures, j'avais tout lu, même les lettres de Mme de Flamarande, cachées dans un tiroir particulier avec un secret ad hoc. J'avais compté tout l'argent de M. de Salcède, vingtcinq mille francs en billets de banque et en traites sur l'étranger, cinq mille francs en monnaies d'or et d'argent françaises et étrangères. Un pareil en cas monétaire abandonné ainsi dans la maison du désert témoignait de la moralité du pays ou de l'insouciance du propriétaire. Pourtant Salcède devait tenir à cette bourse, elle était évidemment en réserve pour une éventualité imprévue qui le forcerait de passer soudainement à l'étranger avec l'enfant, peut-être avec la comtesse. Cette réserve n'était pas destinée à payer l'achat de sa terre et la construction de sa maisonnette; je trouvai toutes les factures acquittées, ainsi que le contrat de vente passé avec la commune. Une partie de la forêt qui garnissait les pentes du PuyGriou était comprise dans le marché. L'acquisition des terrains datait de 1847; la bâtisse avait été terminée en 1848. Il y avait donc environ deux ans que M. de Salcède était installé là sous le simple prénom de M. Alphonse, comme le témoignaient toutes les lettres à lui adressées poste restante à Saint-Cirgues de Jordanne, et je ne l'avais pas su, et M. le comte ne s'en était pas douté! et le monde entier, sauf Mmes de Flamarande et de Montesparre, le croyait fixé en Amérique! Ses lettres d'affaires ou de famille, venant de Paris ou d'Espagne, lui étaient parvenues par l'intermédiaire de la fidèle (1) Voyez la Revue des 1er, 15 février, et du 1er mars. TOME VIII. - 15 MARS 1875. 16 |