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à la promenade; il est introduit par lui dans pluşieurs bureaux d'esprit, et nommément chez une femme qui se charge en passant d'achever son éducation; il est admis aux diners philosophiques ; il assiste à une assemblée solennelle où l'on délibère sur tous les intérêts du corps encyclopédique ; cette assemblée, qui n'eut jamais lieu que dans la tête de M. l'abbé de Cril lon, on la gratifie du beau nom de saturnales; et tout cela prouve que les philosophes sont une peste d'état, et que tous leurs efforts tendent à miner les fondemens du trône et de l'autel.

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Quelque violentes que soient les accusations intentées par l'auteur contre les philosophes, il faut lui rendre justice, il y a une sorte de modé ration dans les moyens qu'il propose pour les détruire. Il veut qu'on leur accorde une tolérance presqu'entière; qu'on leur laisse la liberté d'écrire tout ce qu'ils voudront; qu'on les oblige seulement à se nommer à la tête de leurs écrits, et que tous ceux qui auront déshonoré leur plume par des ouvrages contraires aux mœurs, à la reli gion, au gouvernement, soient simplement exclus de tous les honneurs et de toutes les récompenses littéraires; qu'on les couvre de ridicule ce qui est la chose du monde la plus aisée ; et si l'on n'y réussit pas, qu'on les enferme aux PetitesMaisons, ce qui nous paraît à nous beaucoup plus commode et beaucoup plus facile. Voilà tout. La seule objection qu'on pourrait faire à

M. l'abbé de Crillon, c'est qu'il n'y a rien de neuf dans son projet; que tous les moyens qu'il indique ont été mis en usage, et que l'Encyclopédie subsiste encore.

Quelque faible que soit le livre de M. le chambellan, il a fait une sorte de sensation. Serait-ce parce qu'il a paru sous une forme un peu plus adroite que la plupart des ouvrages de ce genre? Serait-ce parce qu'il est mieux écrit, parce qu'il tient même un peu de ce ton qui a si bien réussi à la doctrine qu'on se propose de rendre odieuse? Tout cela peut y avoir contribué; mais la meilleure raison de l'espèce de faveur qu'il a pu mériter, c'est sans doute la décadence trèssensible du crédit philosophique. Ce siècle sera toujours un siècle de génie et de lumière; mais on ne peut se dissimuler que la philosophie et les philosophes n'aient perdu beaucoup dans l'opinion publique depuis quelque temps, soit que ces messieurs aient compromis dans plusieurs circonstances leur protection et leur dignité, qu'ils se soient avilis eux-mêmes par des intrigues et des querelles, scandaleuses, qu'ils aient trahi imprudemment des principes qu'il fallait cacher, ou que leur empire, comme tous les autres, ait subi les vicissitudes naturelles du temps et de la mode, Le désordre et l'anarchie qui ont régné dans ce parti depuis la mort de mademoiselle de Lespinasse et depuis la paralysie de madame Geoffrin, prouve combien la sagesse de leur gouvernement avait prévenu de maux, combien elle avait

dissipé d'orages, et sur-tout combien elle avait sauvé de ridicules. Jamais, sous leur respectable administration, nous n'eussions vu toutes les scènes auxquelles la guerre de la musique a donné lieu; jamais.

Ce qui pourrait bien avoir nui plus sérieusement encore à la considération de nos philosophes, c'est la publication du Système de la Nature, sans compter que cet ouvrage a révolté le plus grand nombre des lecteurs, qu'il a déplu à beaucoup d'autres qui ont été fâchés de voir qu'on prodiguait un secret qu'ils voulaient garder pour eux et pour leurs amis ; il y a eu le grand inconvénient de rendre toutes les recherches relatives à cet objet parfaitement insipides, parfaitement indifférentes. Que dire après le Système de la Nature, qui ne paraisse tout simple et par conséquent très-plat? Le moyen d'être encore neuf, piquant, hardi ! Rien n'est plus embarrassant. Quelque opinion qu'on puisse avoir sur le bien ou le mal que cet ouvrage a pu faire à l'humanité, il paraît évident qu'il a gâté à tout jamais le métier de philosophe. C'est un charlatan qui dit son secret; il se ruine lui-même et ses confrères avec lui. D'ailleurs cet excès d'audace a donné à toute la secte un caractère dont beaucoup d'honnêtes gens craignent de porter l'affiche, et par-là même il a jeté dans le parti un germe de division très-pernicieux aux intérêts du corps. Il y a peu d'hommes qui ne soient ravis d'être comptés dans la classe des esprits forts, des esprits qui

pas

le

pensent librement; mais tout le monde n'a courage de passer pour athée. Il est résulté de là que beaucoup de gens confondus sous la même catégorie, et qui formaient ainsi un parti trèspuissant, se sont divisés et ont fait bande à part. En faut-il davantage pour affaiblir la puissance la mieux établie? Ainsi fut renversé l'empire du fanatisme et de la superstition; ainsi tombera celui de la philosophie moderne, et le monde n'en suivra pas moins sa marche accoutumée.

EPIGRAMME sur les Gazons nouvellement établis dans la cour du Louvre, aux portes de l'Académie.

2 I

Des favoris de la muse française,
D'Angivillier rend le sort assuré;
Devant leur porte il a fait mettre un pré
Où désormais ils peuvent paître à l'aise.

On vient de donner au théâtre de la Comédie Italienne deux opéra qui n'ont guère eu plus de succès l'un que l'autre, Ernestine et Laurette. Le premier n'a vécu qu'un jour; si l'autre s'est traîné jusqu'à la cinquième ou sixième représentation, ce n'est pas sans beaucoup de peines; on l'a tenu pour mort dès le premier jour.

Les paroles d'Ernestine sont de M. de La Clos, capitaine d'artillerie, connu par une certaine Epitre à Margot qui fit quelque bruit sous le règne de madame la comtesse du Barri; elles ont

été retouchées par M. Desfontaines, auteur de l'Aveugle de Palmire, du Mage, etc. La musique est de M. de Saint-George, jeune Améri cain plein de talens, le plus habile tireur d'armes qu'il y ait en France, et l'un des coryphées du Concert des Amateurs.

Le sujet de ce malheureux drame est tiré du joli roman de madame Riccoboni, intitulé Ernestine. On ne pouvait guère choisir un sujet plus agréable, on ne pouvait guère le défigurer d'une manière plus maussade. Messieurs de La Clos et Desfontaines ont jugé que le fond de ce sujet, plus intéressant que comique, avait besoin d'être égayé par un épisode; ils y ont ajouté un rôle de valet, qui est le chef-d'oeuvre de la platitude et du mauvais goût. Le talent de Pergolese même n'aurait pu soutenir un pareil ouvrage, et la composition de M. de Saint-George, quoique ingénieuse et savante, a paru manquer souvent é d'effet. On y a trouvé de la grâce, de la finesse, máis peu de caractère, peu de variété, peu d'idées nouvelles.ing trola lap er go xună crasilnik

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Laurette est prise du conte de M. Marmontel, connu sous le même titre. Les paroles sont d'un soldat; la musique de M, Méreaux, à qui nous sommes redevables du Retour de tendresse, de la Ressource comique et de plusieurs oratoires exécutés au Concert Spirituel.

"

Toute l'industrie du soldat auteur s'est bornée à estropier dé conte, à en prendre le commencement et la fin et à en oter le milieu. Un jeune

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