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réjouir et les poltrons se déconcerter. Quant à nous, demeurons tranquilles; au lieu de nier la découverte, mettons-nous à l'examiner. - Bientôt, Dieu, si nous le prions, nous fera la grâce d'apercevoir comment les choses nouvellement trouvées sont compatibles avec l'enseignement de son Église; et souvent il arrivera qu'à la place d'une quasi- preuve, dont nos justes persuasions s'étayaient assez mal, nous y aurons gagné une autre preuve, logiquement bien supérieure. Telle sera la récompense de notre fidélité. Au raisonnable et courageux aveuglement dont il nous aura fallu pour un instant nous armer, succédera le retour de la lumière, et d'une lumière plus vive qu'auparavant.

» Vous venez, Messieurs, d'en avoir un frappant exemple, dans le nuage passagèrement formé par les progrès de la linguistique : ce sont, vous le voyez, ces progrès mêmes, qui, bien étudiés, le dissipent, et avec grand avantage sur le passé. Ainsi en est-il arrivé dans tous les tems.

>> Encore une fois, enfans de Dieu et de Rome, ne craignez rien, ne vous troublez jamais; non turbetur cor vestrum, neque formidet. Au risque de passer pour ignorans, voire pour imbécilles, attachez-vous avec vigueur à la parole, à la tradition divine, toujours finalement justifiée. La Providence peut vous laisser fortement assaillir, mais vous abandonner, non, non. Ah ! qu'à l'aspect de votre foi robuste, foi patiente au milieu des épreuves, consolante comme l'espérance et l'amour, impérissable comme la vérité, les mondains soient forcés, dans leur étonnement, de se rappeler les paroles du Psalmiste: : «< Avec la confiance au Seigneur, on est ferme comme » la montagne de Sion; et rien ne peut ébranler l'homme qui s'est choisi pour demeure l'enceinte de Jérusalem. »

Revue de Livres nouveaux.

HISTOIRE DE L'ESCLAVAGE DANS L'ANTIQUITÉ

PRÉCÉDÉE

D'UNE INTRODUCTION SOUS LE TITRE

DE L'ESCLAVAGE DANS LES COLONIES,

PAR M. H. WALLON,

Professeur suppléant à la Faculté des Lettres de Paris'.

La loi de Moyse change la nature de l'esclavage. - Rigueur de l'esclavage chez les divers peuples. — Vie de l'esclave, ses occupations; prix qu'il coûtait, - L'esclavage approuvé de Platon et d'Aristote.

Les lecteurs sérieux trouveront dans cet ouvrage un sujet grave et important, des connaissances solides et étendues, un jugement droit, et dans la forme, un plan facile à saisir, un style toujours clair, simple, entremêlé avec sobriété de réflexions justes. L'auteur, dans l'avertissement, marque ainsi lui-même la division de son ouvrage :

« Les deux premières parties présentent dans un ordre analogue, » les origines, les conditions et les effets de l'esclavage: 1o en Orient » d'abord et surtout en Grèce ; à Rome et dans les pays de l'occident. » Dans la 3o partie, nous décrivons les influences qui, dès les pre> miers siècles du Christianisme et de l'Empire, en attaquent le droit » et l'usage, et commencent à le transformer ou à le réduire. »

Si haut que l'on remonte vers l'origine des peuples, on retrouve quelque forme de servitude parmi les élémens de leurs constitutions. Ce n'est pas que cette loi si dure ait été placée par Dieu lui-même dans les conditions de la vie humaine. La dépendance de la femme est écrite, il est vrai, aux premières pages de la Genèse, comme une loi établie de Dieu; mais cette loi, c'est, dit l'auteur, « la peine du

* 4 vol. in-8, prix: 28 fr., à Paris, chez Désobry.

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péché et la suite de sa faute. La femme fut soumise, elle ne dut » pas être pour cela esclave. » C'est l'abus du pouvoir, l'abus de la force qui a transformé cette dépendance et la subordination de l'enfant au père en esclavage, et fait du mari et du chef de la famille un maître dans toute la rigueur de ce mot.

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L'esclavage se montre dans l'histoire des patriarches avec son » double caractère de perpétuité et de mobilité; perpétuité ét héré» dité dans l'obligation de servir, mobilité dans la position du servi» teur qui passe d'un maître à un autre. » Mais sous l'empire de ces mœurs simples, il était loin d'être aussi rigoureux qu'il était absolu. C'est ce qui paraît évident dans l'histoire des patriarches et d'Abraham en particulier, qui pouvait « armer sans danger plus de trois cents jeunes et robustes serviteurs nés sous des tentes. >>

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M. Wallon qui ne laisse rien passer, nous montre l'esclavage établi sous des formes plus ou moins dures chez tous les peuples nomades de l'Asie. L'esclavage est donc un fait ancien, et sanctionné nonseulement par la coutume, mais encore par les lois. Moïse lui-même l'a maintenu. Est-ce à dire pour cela que l'esclavage soit une institution divine?

Montesquieu, dit M. Wallon, a répondu : « Quand la sagesse divine » dit au peuple juif je vous ai donné des préceptes qui ne sont pas bons, cela signifie qu'ils n'avaient qu'une bonté relative, ce qui est l'éponge de toutes les difficultés qu'on peut faire sur les lois de Moïse. »

Nous croyons que l'exposé lumineux fait par M. Wallon, de la législation mosaïque touchant l'esclavage, sera plus satisfaisant pour l'esprit que cette réponse.

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L'esclavage se perpétuait chez les Juifs par tous les modes en usage parmi les nations, la guerre, la naissance, la vente. Il y avait donc chez eux des esclaves juifs et des esclaves étrangers : des esclaves juifs, car la loi permettait au Juif de se vendre lui-même comme de vendre ses enfans. »

Voilà le droit reconnu; mais voici les réserves:

Le maître qui a tué son esclave, juif ou étranger, la loi ne distingue pas, est puni de mort. « Car la loi qui défend de verser le sang "humain compte l'esclave parmi les hommes (p. 11). » — La loi or

donne encore de mettre en liberté l'esclavé, sans distinction de Juif ou d'étranger, que son maître aura blessé. Il en est de même de la femme prise à la guerre que le Juif pouvait épouser, mais qu'il était obligé de renvoyer libre, sans pouvoir ni la vendre, ni la retenir en puissance, quand elle cessait de lui plaire. « Ainsi la vie de l'esclave » était assurée, et sa personne garantie contre l'outrage (p. 12). »

Première différence qui sépare par une intervalle immense l'esclavage tel que le tolérait la loi des Juifs de l'esclavage autorisé et reconnu par tous les autres législateurs,

Mais voici une autre restriction qui transformait l'esclavage ou >> plutôt le supprimait. En effet, l'essence même de ce droit est d'être » perpétuel; or il était limité pour le Juif (p. 13). » Moïse en fixait le terme à la 7° année. « Ce n'était donc plus l'esclavage, mais une » domesticité passagère. » Et pendant ce séjour dans la maison du maître, la loi veillait sur lui. C'est pour lui comme pour toutes les misères qu'était institué le chômage du 7o jour et celui de le 7e année. « La fête de Pâques, celle du 50° jour, celle des Tabernacles, la con» sécration des prémices, toutes les fêtes religieuses avaient le même » but et la même sanction... Ainsi le repos du Seigneur était le repos » de l'esclave et du panvre, repos sacré, que de nos jours on a voulu >> proscrire au nom de la liberté ! Le législateur qui imposait au maître, » sous les peines les plus sévères, cette suspension périodique de ses » droits, lui recommandait en outre, sous la sanction des menaces et » des bénédictions célestes, la pratique de la charité envers son frère » esclave; car cet esclave était son égal devant la religion qui était la » loi (p. 14)... »

« Les enfans d'Israël sont mes esclaves, dit le Seigneur (mei enim » sunt servi filii Israel). Voilà le secret de ce droit remarquable, qui tout en semblant respecter l'institution de l'esclavage en sup» primait la rigueur, et en changeait la nature, digne précurseur » d'une loi nouvelle qui devait étendre à tous, ce que Moïse restrei» gnait aux Juifs ou aux esclaves de Juifs (p. 17).

Nous avons cité ce passage, parce qu'il nous a semblé qu'il pouvait bien mieux que toutes les réflexions, donner une idée juste de l'importance des questions.

M. Wallon ne se prononce pas sur la question de savoir si l'esclave

étranger devenu Juif par la circoncision, participait aussi comme le Juif lui-même, au bienfait de la loi qui faisait cesser l'esclavage à la fin de la 7° année, ou au moins à l'année jubilaire. Quoi qu'il en soit, il est certain que tous les esclaves étrangers étaient soumis à la circoncision. L'ordre en avait été donné à Abraham ', et il n'obligeait pas seulement ce patriarche, mais tous ses descendans. L'ordre fut donné de nouveau à Moïse la veille de la sortie d'Égypte.

Or, la circoncision était le signe propre de l'alliance que Dieu avait contractée avec Abraham et sa postérité. L'étranger qui portait dans sa chair le signe sacré, était par là incorporé à la nation sainte, et devenait avec les autres enfans d'Israël, le serviteur de Jehova. Après cela, comment, pour nous servir de la belle expression de M. Wallon (Introduction, p. 71) « comment posséder comme des brutes des » êtres marqués du sceau divin? » La circoncision lui donnait droit de participer à toutes les fêtes, à tous les sacrifices des Juifs, à tous les bienfaits et à toutes les consolations que la religion offre à ceux qui la pratiquent.

Quand des hommes se trouvent réunis de la sorte aux pieds des autels, dans des fêtes religieuses et dans le service du même Dieu, les uns pour se rappeler qu'ils ont été esclaves eux-mêmes dans une terre étrangère, les autres pour se réjouir avec leurs maîtres du grand événement qui a brisé les fers de ceux-ci, tous pour bénir et adorer celui qu'ils reconnaissent pour leur maître commun et pour leur souverain Seigneur, ils ne sont pas bien éloignés de se traiter en frères, et de se regarder comme étant tous égaux.

M. Wallon a donc eu raison de dire que la loi de Moïse changeait la nature de l'esclavage, et le supprimait. Le Juif n'était pas le maître de son esclave, même étranger, ou s'il en était maître, c'est comme il l'était de la terre qu'il possédait, sous le bon plaisir de Dieu. Jehova, voilà le seul vrai maître de la terre et des habitans; or, là où Dieu règne, là règne aussi la liberté, et cela est tellement vrai, que quand un esclave quelqu'il fût venait dans cette terre bénite, c'était pour y

• Tam vernaculus quam emptitius circumcidetur, et quicumque non fuerit de stirpe vestrå. Gen. xvII. 12.

• Exod. xII. 44.

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