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ciant l'importance de ses travaux, l'a nommé chanoine titulaire de sa cathédrale. Il remplacera M. l'abbé Thomine-Desmazures, cet autre prêtre distingué, que nous avons vu quitter une position brillante pour s'en aller en Chine, gagner des esprits à la vérité, des enfans à l'Église, des âmes à Jésus-Christ. Heureux les évêques qui, comme Mgr Robin, ont ainsi des hommes éminens pour combler les grands vides qui se font dans leur clergé ! Plus heureux encore, lorsqu'ils savent se les attacher par des liens forts et puissans!

L'abbé V. H. D. CAUVIGNY.

Linguistique.

QUESTION

DE L'UNITÉ DES LANGUES.

Portée du livre Foi et Lumières.

- Important travail sur les idiomes. Elle prouve avec plus de force l'unité primitive des langues et de l'espèce humaine.

Face nouvelle de la question.

Les Annales ont signalé, lors de sa publication ', le livre de la société Foi et Lumières, solide manuel d'apologétique moderne, où non-seulement se résume, à l'usage des zélateurs du christianisme complet et romain, la substance de deux cents volumes, mais qui, puissant d'ordinaire par sa richesse, l'est aussi quelquefois par sa pauvreté volontaire; s'étant fortifié de tout ce qu'il perd, à l'aide d'un judicieux triage, qui a supprimé de son répertoire les argumens de faux aloi, les preuves même simplement douteuses.

Depuis lors, de graves autorités ont confirmé nos recommandations quant à cet ouvrage. De l'avis des connaisseurs, sa nature l'appelle à prendre place dans la bibliothèque de quiconque, tenant à se rendre pleine raison de la foi de Jésus-Christ, veut pouvoir, en la propageant, réfuter les objections qu'il entend journellement opposer. L'un de nos prélats les plus éclairés, monseigneur Parisis, évêque de Langres, a dit que toute nouvelle défense de la Religion lui semblait devoir désormais prendre pour point de départ, le livre composé par les Catholiques de Nancy, et qu'il en regardait l'apparition comme un événement pour l'Église de France 2.

A la suite des Considérations sur les rapports de la science et

'Cahier de décembre 1845, tom. xtt, p. 457 (3o série).

Foi et Lumières, vol, grand in-8°. Prix, 6 francs. Paris, chez Waille, rue Cassette, 8.

de la croyance, qui forment la partie principale du volume, se trouvent placés, pour échantillon des travaux de la société Foi et Lumières, quelques-uns des morceaux lus dans les séances de cette Académie chrétienne. On peut y remarquer, entre autres, à cause de l'importance du sujet, un mémoire duquel nous avons promis dans le tems à nos lecteurs de les entretenir.

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En traitant de l'histoire des idiômes, chose si grave au point de vue religieux, l'auteur a voulu surtout quitter le terrain mouvant des conjectures pour le ferme sol des réalités; il a voulu, peut-être plus encore, essayer de porter le flambeau d'une discussion claire, précise, intelligible, au sein de matières abstruses où régnaient des mal-entendus, et dont les champions de la foi, s'escrimant parfois au hasard, ne se rendent pas toujours assez bien compte. Aussi, après avoir lu le travail nancéïen, on comprend, du moins beaucoup mieux qu'auparavant, sur quoi il s'agit de prononcer, et d'après quels éléments on a droit de le faire. Là, du reste, quelque avis qu'on veuille choisir sur la manière de résoudre les questions d'unité ou de diversité linguale, on les y sent nettement posées, on en voit les conditions et les bornes.

UNITÉ ou DIVERSITÉ : Ces deux mots sont la devise de deux bannières bien opposées. Pour l'un, combattent les Chrétiens, rangés autour du témoignage de l'Écriture sainte, et pour l'autre, les incrédules, s'armant de théories empruntées à quelques naturalistes. Des deux côtés, on cherche à se renforcer d'argumens fournis par la glossologie.

Or, le mémoire de Foi et Lumières, écartant une foule de notions confuses, pour les remplacer par des idées distinctes et positives, établit deux choses:

Que les Chrétiens, au fond, ont parfaitement raison, sur ce chapitre comme sur le reste;

Mais qu'à l'égard de l'unité des langues, ils plaident assez mal leur cause, et que la vérité de leur assertion, là-dessus, ressort de preuves tout autres que celles qu'ils se plaisent d'ordinaire à employer.

L'auteur, en effet, ne regarde pas, à beaucoup près, comme décisifs pour l'unité, les rapprochements verbaux (les uns forcés, et les autres insuffisants) dont on a coutume de se prévaloir. Les contrôlant

à la lumière d'une critique puissamment renseignée, il les dépouille du droit de prêter force aux tranchantes conclusions que l'on tire; que l'on tire, selon lui, faute d'en savoir assez long.

A le voir renverser sans pitié certains échafaudages regardés jusqu'à présent comme des étais, on éprouve quelque surprise, et l'on est presque tenté de se demander, non sans une sorte d'inquiétude, si l'apologétique religieuse n'y perdra rien. A l'entendre professer avec tant de nerf et de vigueur, que les idiômes ne se ressemblent tout de bon QU'EN DEDANS DE LEURS PROPres groupes, et qu'ainsi (sauf quelques mots exceptionnels, médailles de l'ordre de choses originaire), les familles de langues sont profondément, sont essentiellement distinctes; à le suivre, lorsque épluchant chaque système formé pour les enchevêtrer et les confondre, il montre que ces tentatives, fût-ce les plus ingénieuses, ne sauraient supporter un examen approfondi: on ne devine pas trop comment il va pouvoir, non-seulement admettre,, mais tenir pour indubitable (indubitable en dehors même de la Révélation), L'UNITÉ PRIMITIVE DES LANGUES.

Il y est ramené, pourtant, à cette unité primitive, et il y ramène ses lecteurs. Il y arrive par une série de déductions légitimes, étonnamment serrées, dont l'impression est d'autant plus forte qu'elle était plus inattendue. On demeure stupéfait, de voir qu'une étude qui d'abord, dans le but d'accorder à la saine linguistique tout ce que cette science a droit d'exiger, avait semblé, pour un moment, perdre de vue les autorités saintes, et presque les mettre en péril; qu'une telle étude, disons-nous, se trouve tout-à-coup, par simple marche logique, rentrer à pleines voiles dans le fleuve des traditions orthodoxes. On s'émerveille de reconnaître que, confirmant le récit de Moïse, avec un degré d'exactitude dont l'hypothèse vulgaire n'approchait pas (car, en croyant se mieux attacher à la Genèse, on en contredisait plusieurs points), pareille étude vienne justifier, comme toujours, « que la foi n'a rien à craindre de la raison, pourvu que » la raison aille assez loin. »

Les Annales n'entreprendront point d'exposer les idées de ce sérieux labeur de philologie catholique : quelque soin que nous mîssions à en faire comprendre l'enchaînement, notre analyse ne remplacerait qu'avec peine un mémoire ex professo, dont il faut lire

soi-même d'un bout à l'autre l'argumentation, si l'on veut être assuré de la bien saisir. Mieux vaut donc, pour les gens désireux de s'instruire, recourir au livre de Foi et Lumières, et s'y pénétrer du travail dont il s'agit. Nous les y renvoyons avec d'autant moins de scrupule, que le morceau, quoique traitant de la question à fond, et l'épuisant pour ainsi dire, ne remplit pas 40 pages.

Il suffit d'indiquer que toutes les recherches rassemblées là, et dont la force collective est entraînante, convergent de façon à rendre certaine « la monanthropie, mais une monanthropie brisée par des événemens postérieurs et surnaturels. On y voit que l'Huma» nité, monoglotte d'abord, doit être devenue polyglotte par des circonstances extraordinaires, dont l'explication ne se rencontre point dans la série des analogies terrestres. »

<< Eh bien ! Messieurs (dit le Mémoire), cette conclusion, où nous venons d'arriver par voie scientifique et purement rationnelle, se trouve coïncider de point en point avec la donnée biblique.

>> Et si nous voici amenés à une démonstration de plus de la constante exactitude des Livres saints, ce n'a pas été par le sentier d'une factice et problématique unité, péniblement arrangée entre les familles de langues; mais au contraire, par le sincère aveu de la diversité que l'examen fait remarquer entre elles. Notre système finit donc par être le meilleur, de toutes manières. Quoique fondé sur la simple observation du vrai, sans qu'on y ait rien forcé ni torturé par préoccupation religieuse, il se trouve confirmer plus complétement la Religion que ceux qui, en imposant à la Raison de très-inutiles sacrifices, n'en avaient pas moins voilé, et comme effacé, d'importans passages de la Bible.

"

» C'est qu'il n'en est pas, Messieurs, de la révélation judaïco-chrétienne, laquelle peut attendre de pied ferme, braver et confondre la critique, comme il en est des révélations bouddhiques ou musolmanes, fantasmagories qui ont besoin des ténèbres, et que le grand jour fait disparaître. C'est que nul progrès de l'esprit humain ne peut prévaloir contre l'esprit de Dieu, ni affaiblir l'autorité de la parole de Celui qui est.

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Chaque fois que les sciences, en faisant un pas nouveau, ont l'air d'ébranler quelques-unes de nos doctrines..., laissons les impies se

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