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et c'était à ces conclusions que je m'étais attaché, pour montrer qu'elles ne ressortaient nullement des faits que vous apportiez. Voilà purement et simplement la question que je soulevai par ma lettre, et il me semble que vous l'aviez compris lorsque vous disiez que j'avais cru devoir remarquer que quelquesunes de vos expressions avaient une portée trop générale (p. 172). D'ailleurs je m'étais expliqué clairement à la page 178 en disant que mon but était de relever quelques inexactitudes et quelques conclusions dans votre article.

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Mais, Monsieur le Directeur, je suis heureux de le reconnaître et de le dire, et je vous en remercie sincèrement, vous vous êtes suffisamment expliqué sur ce point pour enlever ce que vos paroles précédentes pouvaient avoir de trop général et de trop absolu. Vous dites (p. 175): « Nous n'avons point attaqué » la science, la foi, la croyance catholique du 13° siècle et surtout de ses plus >> fameux docteurs'... Nous avons parlé seulement de quelques erreurs pro» fessées dans les écoles et qui se sont continuées jusqu'à nous, (p. 183). » On nous fait dire ce que nous n'avons pas dit, on exagère nos paroles pour » y trouver à redire. Le pape expose différentes erreurs inseignées par quel» ques docleurs : à la suite de sa lettre nous disons : Tels étaient les enseigne>>ments de ce 13° siècle. Il est clair qu'il s'agit seulement des enseignemens, signalés par le pape et dans le degré où il les signale. « A la page 194: Notre opinion est celle de l'auteur que cite ici M. l'abbé Espitalier : l'évêque de • Paris s'apperçut en 1240, qu'avec des intentions droites, parmi les professeurs » qui tenaient les chaires de théologie 2 dans l'université. la subtilité des re>> cherches avait été pour plusieurs une occasion de chute etc. » Enfin à la page 203: « Personne ne nie que le 13° siècle ne fût un siècle de foi vive, de » dévouement à la religion. de conviction profonde, de croyance forte et sin» cère. » Encore une fois, M. le Directeur, je vous remercie de ces explications; elles enlèvent à la discussion un point important : c'est que si durant le cours du 13° siècle diverses erreurs ont apparu; ces erreurs, en tant qu'erreurs, n'appartiennent pas à la scholastique prise dans son ensemble, qui fut une époque de foi vive, de croyance profonde et sincére, de dévouement à la religion;

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'Je reviendrai bientôt à la pensée exprimée par le membre de phrase que j'omets ici.

2 ll est bon néanmoins de remarquer que l'évêque Tempier ne dit pas des professeurs de théologie, mais quelques étudiants de la faculté ès-arts. Voir sa lettre de condamnation dans les Annales t. xvr p. 366. Ce n'est pas nous

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qui avons parléjdes professeurs, c'est l'auteur de l'histoire de l'Église Gallicane qui cite l'histoire de l'université, disant expressément que ces professeurs étaient des dominicains et des franciscains; et nous croyons qu'il a raison.

elles appartiennent à quelques professeurs et à quelques étudians, qui s'égarèrent par l'abus des anciens et de leur methode.

Nous sommes nous-mêmes satisfaits de l'interprétation que M. l'abbé Espitalier donné à nos paroles. Seulement nous devons faire remarquer que ces expressions dont il est ici satisfait, sont le plus souvent la répétition des paroles mêmes que nous avions consignées dans notre article. Et cependant nous lui ferons remarquer qu'il y a une expression bien amphibologique, et offrant, comme dirait un scholastique, un sophisme assez caractérisé. Il dit en effet : a Si durant le cours du 13° siècle diverses erreurs ont apparu ; ces » erreurs en tant qu'erreurs, n'appartiennent pas à la scholastique » prise dans son ensemble, qui fut une époque de foi vive, etc. » Ces termes-là s'excluent et forment confusion; une méthode ne peut pas former une époque; le mot époque s'applique à un tems, à un siècle et non à une méthode en tant que méthode, il fallait dire n'appartiennent pas aux tems de la scholastique, pris ( ces tems) dans leur ensemble. Nous faisons cette distinction, parce que c'est à la méthode scholastique, qui est essentiellement une méthode sortie des livres de philosophie naturelle, qu'il faut rapporter la plupart des reproches que nous avons faits à l'enseignement. La foi vive, la croyance profonde et sincère, doivent être uniquement rapportés à l'enseignement de la religion, enseignement donné par la méthode traditionnelle qui, grâce à Dieu, n'a jamais cessé de fonctionner, comme on le dirait. Il ne faut pas embrouiller de nouveau les choses même que nous voulons distinguer.

Maintenant il nous reste à examiner un point beaucoup plus important c'est le principe de toutes les erreurs, dont vous faites solidaire toute la scholasliqne et c'est en ce sens que vous prétendez maintenir toute l'étendue des conclusions contre lesquelles je me suis élevé. Selon vos paroles, M. le Directeur, le principe de ces erreurs est que la scholastique laissa introduire dans son enseignement les livres de philosophie naturelle d'Aristote. Vous dites à la page 201 : « Nous répondons par le fait non constestable que de 1228 à 1277 » tous les livres d'Aristote forment la base unique de l'enseignement philosophique et qu'ils s'étaient introduits dans la théologie; et plus bas : « Aristote » a-t-il ou n'a-t-il pas regné dans les écoles de théologie ? «à la page 203:» Pour» quoi cette défense à outrance de la méthode scholastique fondée sur les livres » de philosophie naturelle? « à la page 197 » On s'efforçait de prouver » qu'Aristote était chrétien ou que le Christianisme était Aristotélicien. «Vous

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n'exceptez pas même saint Thomas d'avoir adaple Aristote à la théologie (p. 197).

Ainsi vous ne considérez pas les erreurs mentionnées ci-dessus comme des faits isolés, mais plutôt comme le résultat de la methode scholastique, qui, depuis cette époque, aurait pris pour principe, ponr fondement, -pour base, les livres de philolophie naturelle, méthode que les scholastiques auraient tous généralement suivie. Je comprends, maintenant, comment en partant de ce principe, vous avez pu conclure que la doctrine de la scho lastique, du siècle de saint Bonaventure, était pleine de dangers. Mais alors s'élève une difficulté considérable.

C'est bien là à peu de chose près notre pensée. Qu'on le remarque, nous faisons à cette Méthode philosophique les mêmes reproches que M. l'abbé Espitalier fait sans aucun doute à la Méthode cartésienne: elle s'est glissée de fait plus ou moins dans la philosophie et la théologie, et elle y était remplie de dangers et grosse du rationalisme actuel. C'est là un fait à peu près reconnu aujourd'hui, seulement nous croyons et nous prouvons que cette Méthode cartésienne était contenue dans les livres de philosophie naturelle, proscrits sévèrement par les papes. Voyons la nouvelle difficulté qu'annonce M. l'abbé Espitalier.

Si réellement l'enseignement de la scholastique est base, fonde sur Aristole et ses commentateurs, il me semble qu'on ne peut et qu'on ne doit plus dire que cet enseignement est gros de rationalisme, mais que purement et simplement il est rationaliste, puisque cette méthode se fonde sur des principes purement naturels ; il faut donc dire que la plupart de ces person nages vénérés que l'Eglise décore du titre de ses docteurs ont eu une méthode d'enseignement rationaliste, et que par conséquent ils sont eux-mêmes des rationalistes; car enfin leur enseignement prend et donne pour principe, pour base, fondement, Aristote et sa philosophie. Il n'y a pas deux pierres fondamentales pour élever l'édifice de la doctrine chrétienne, JésusChrist seul avec son enseignement est la pierre angulaire, et quiconque ne bâtit pas sur cette pierre, détruit au lieu d'édifier. Telle est la conséquence inévitable de cette proposition que la scholastique est fondée sur les livres de philosophie naturelle. Vous ne pouvez pas l'admettre, j'en suis sûr, vous ne l'avez pas admise, puisque vous dites que le 13° siècle fut un siècle de foi vive, de dévouement à la religion, de conviction profonde, de croyance forte et sincère. Mais aussi comment y échappez-vous? Comment pouvez-vous faire accorder cette proposition: « La méthode scholastique était fondée sur les livres de philosophie naturelle », c'est-à-dire,

était rationaliste, avec ce que vous venez d'avouer que le 13° siècle fut un siècle de foi vive, de croyance forte et sincère? Vous avez senti la difficulté et vous avez essayé de la résoudre par un principe que je ne puis admettre et que je crois inadmissible aux yeux de tout catholique.

Il est vrai, nous avons dit que « la Méthode scholastique était » fondée sur les livres de philosophie naturelle d'Aristote. » En effet, j'ouvre Aristote, je vois ses définitions, divisions, expressions, etc.; j'ouvre les scholastiques, je trouve les mêmes définitions, divisions, expressions, avec la citation des livres d'Aristote d'où elles sont extraites, et j'en avais conclu, que la méthode scholastique est fondée sur ces livres. En disant cela, je croyais avoir dit une de ces choses communes qui frappent tous les yeux et sont admises par tout le monde. Pour le nier il fallait dire ce qui constitue la méthode scholastique et la méthode aristotélicienne, il fallait prouver que les scholastiques ne se sont pas servis de ces définitions, expressions, divisions........, c'était là la marche directe et loyale. Malheureusement M. l'abbé Espitalier n'entre pas dans cette question, refuse de nous donner son opinion, met ce fait et la réalité de côté, et que fait-il? Il cherche à prouver que cela n'est pas vrai, et que cela n'est pas vrai parce que si cela était, les Scholastiques auraient été Aristoteliciens, c'est-à-dire rationalistes.... M. l'abbé Espitalier est prêtre et en cette qualité, obligé plus que nous d'expliquer les difficultés et apparentes contradictions de l'enseignement des écoles; puisqu'il ne nie pas et ne peut nier les faits, nous pourrions lui demander de les expliquer lui-même, et cela était digne de son talent, de sa mission. Au lieu de cela, c'est nous qu'il interroge, et il entoure sa demande de toutes les difficultés qui peuvent rendre la réponse douteuse ou impossible, en fondant très-habilement les principes très-distincts et que nous avons profondément distingués; nous allons essayer de débrouiller encore cette difficulté.

1o. Il confond ici l'enseignement donné par la scholastique avec la Méthode suivie dans cet enseignement, l'un est très différent de l'autre. Les docteurs scholastiques enseignaient le symbole, l'écriture, la foi pure et entière. Mais ils se servaient pour y conduire d'un moyen, d'une voie, d'un chemin tout naturel. Autre chose est la croyance catholique, autre chose est le moyen naturel par lequel on y arrive. Jésus-Christ est le fondement unique, la porte unique de la bergerie,

la pierre angulaire, mais pour connaître ce fondement, pour arriver à cette porte, pour s'asseoir sur cette pierre, n'y a-t-il pas plusieurs chemins? Qui peut le nier? Qui peut dire aussi que ces chemins ne soient plus ou moins sûrs, plus ou moins semés de précipices, et dangereux ? Ainsi M. Espitalier suppose que nous appliquons à la foi même, ce que nous disons des moyens, des méthodes naturelles que nous avons d'y arriver. Car nous avons distingué expressément la méthode de l'enseignement lui-même. M. Espitalier les confond et fait semblant de ne pas voir qu'il condamne les Cartésiens, les Malebranchistes, dans un même anathême. Nous avons donc pu parfaitement dire, 1° que, la méthode scholastique était fondée sur les livres de philosophie naturelle ; c'est-à-dire que les docteurs scholastiques se ser vaient de cette méthode (qui pourrait le nier?); et que le 13° siècle était un siècle de foi etc., parce que ses docteurs enseignaient toutes les vérités de foi, les professaient eux-mêmes, malgré la méthode naturelle.- Nous avons sans doute mis en soupçon leur perspicacité, leur logique, mais non leur foi, leur croyance. Nous disons la même chose des Cartésiens et des Malebranchistes passés et actuels; et nous ne croyons pas dépasser en cela la critique permise des opinions philosophiques.

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Vous dites (n.

) de mars ci-dessus p. 183: « Quant à ce que nous ⚫ trouvons à redire à la direction générale de la méthode introduite dans les études, nous devons faire remarquer que les papes, non plus que l'Eglise » n'ont presque jamais demandé compte aux fidèles de la manière dont ils » arrivaient à la foi. Pourvu que quelqu'un croie sincèrement et compléte⚫ment le symbole catholique, il est vrai croyant. L'un croit pour un motif, » l'autre pour un autre tout différent. Les cartésiens, par exemple, et la philosophie traitent de préjugé toute croyance qui n'a pas été déposée, puis >> reprise et approuvée par la raison. L'Eglise seule ne repousse pas la foi » non raisonnée, la foi du charbonnier. Aussi nous convenons que la foi du » 13e siècle était pure ».

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La première phrase de ce passage me paraît ambiguë, elle offre deux sens bien distincts. L'Eglise ne demande pas compte aux fidèles de quelle manière ils sont arrivés à la foi surnaturelle, c'est-à-dire qu'elle s'inquiète peu des moyens même naturels dont la grâce s'est servie pour éclairer leur intelligence, en considérant ces moyens comme moyens ou occasion, mais non comme cause, principe, fondement, motif de la foi. Ainsi elle ne demande pas à l'infidèle qui se convertit quels sont les motifs de crédibilité, pour me ser

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