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seigneur avoit de coutume de l'aller voir à pareille heure. M. Millet y alla se concerter avec la Reine. De sorte que Monseigneur le Dauphin alla à la porte de la chambre de Madame et se tint derrière une petite tapisserie, sans entrer dans la chambre, et entendoit ce que l'on disoit. Madame se jeta à genoux devant la Reine et luy dit: Belle maman, je vous demande pardon pour mon petit papa, il ne sera plus méchant. Je vous prie de le voir. La Reine luy dit : Ma fille, je ne saurois voir ce meschant garson là, quy ne veut point apprendre ses leçons. Ne m'en parlez plus. Madame ne se rebuta point et, pour une seconde fois, se mit à genoux devant la Reine et luy dit : Belle maman, je vous demande encore pardon pour mon petit papa, quy ne sera plus meschant, et, en cas qu'il le soit, je m'offre d'estre fouettée pour luy. La Reine luy dit: Ma fille prenez garde à l'offre que vous me faites; car vous paierez pour luy : eh bien je le veux bien voir à cette condition. Monseigneur le Dauphin parut et, baisant la Reine, il pleura. Sur ses larmes, chascun fit sa cour. Le soir, à son estude, il fit bien. Madame la maréchale y fut présente, et, le soir, Monseigneur fut chez la Reine, assez mortifié. Il y fut peu. Il alla prendre congé du Roy quy lui dit : Tellement que je veux que vous soyez honneste homme et que vous ne le voulez pas. Nous verrons de nous deux celuy quy l'emportera. Oh bien! sy vous faites bien ce soir à votre catéchisme (quy estoit la leçon du lit qu'il faisoit tous les soirs) et demain matin à votre leçon, je verrai si vous vous enviendrez demain dans mon carrosse avec la Reine ou bien sy vous irez seul dans le vostre à S. Germain.

» Après le coucher de Monseigneur, je montai chez la Reine quy jouoit. Le Roy y vint et dit à la Reine: Eh bien, madame, nostre homme n'est-il pas bien mortifié. J'ay mis le voyage de demain en balance. La Reine dit: Ouy je l'ay trouvé tout retenu.

» Le lendemain, quy estoit le dernier du quartier, l'estude du matin fut assez bonne et Monseigneur s'en vint à S. Germain en carrosse avec Leurs Majestés.

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Marie DUBOIS,
Valet de chambre du Dauphin.

Elle avait quatre ans.

Science Oricutale.

DE

LA DÉCOUVERTES DE PLUSIEURS MANUSCRITS

RÉVÈLANT UNE PARTIE DE L'ANCIENNE ASTRONOMIE INDIENNE.

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Phénomène d'un grand peuple persévérant dans l'idolâtrie. — Nécessité pour éclairer les indiens de connaître leur astronomie et leur astrologie.-Heureuse découverte du plus important de leurs traités astronomiques. - Ils connurent la plupart des découvertes attribuées à Pythagore, Galilée, Descartes. Sur un alphabet français pour prononcer le sanscrit conforme à la prononciation brahmænique. - Table des chapitres.

Nous avons parlé dans notre compte-rendu de l'ouvrage sur l'astronomie indienne que va publier M. l'abbé Guérin, missionnaire français dans l'Inde. Nous avons dit comment la publication en était suspendue par la nécessité de former un atlas assez nombreux, qui doit contenir la plupart des documents astronomiques de l'Inde, de la Perse et de l'Égypte. Nous avons annoncé en même tems que nous avions l'ouvrage entre les mains, et que nous en publierions l'introduction. Voici cette pièce, avec la table de tous les chapitres du livre. Nous l'examinerons plus en détail, et ferons connaître les changemens qu'il doit opérer dans les idées reçues, lorsqu'il aura été publié. Cet échantillon, que nous en donnons, donnera à tous le désir de voir bientôt réaliser cette publication.

« Ce qui étonne le voyageur dans l'Inde, c'est de voir un peuple nombreux, un des grands peuples des tems anciens et modernes, persévérer dans l'antique idolâtrie; c'est de le voir attaché à son astronomie, prétendue divine et révélée, comme à ses mœurs patriarcales et à ses vêtemens à forme traditionnelle et immuable. Aussi plusieurs savans européens ont-ils essayé tour à tour de pénétrér dans les secrets religieux et scientifiques de ce peuple mystérieux et

phénoménal. On connaît les travaux des PP. Bouchet et du Champ, de Legentil, de Bailly, de Delambre, de Sir Jones, de Davis, de Colebrooke, de Bentley et de Warren sur l'astronomie indienne, les uns faits dans le but d'en montrer l'exactitude étonnante, les autres dans celui d'en expliquer l'origine par les connaissances astronomiques des Chaldéens ou par celles des fabuleux descendans d'Atlas. Cette science, quelle que soit son origine, joue un grand rôle dans l'Inde, et est peut-être le seul véritable instrument de la puissance morale des Brammes dans un pays si agité par les opinions philoso-phiques et religieuses, par les intérêts de caste, par les révolutions intérieures et les invasions multipliées des étrangers. Elle est la base de l'astrologie, une des sources de l'idolâtrie, et le plus solide appui du panthéisme védique et du polythéisme pouranique de plus de 130,000,000 d'Indiens'; sans parler du parti qu'en tirent les Bouddhistes de la Birmanie, du Tibet, de la Tartarie, de la Cochinchine, de la Chine et du Japon, dont le nombre n'est pas inférieur à 200,000,000.

>>Le Bouddhisme est, comme l'on sait, une branche du panthéisme védique; il doit son origine à plusieurs gymnosophistes qui prêchèrent avec plus ou moins d'éclat, en différents tems et en différents lieux, avant et après notre ère, une doctrine religieuse et phiosophique, aussi fausse et aussi extravagante que celle des Brammes. Ces novateurs, que Valmiki et Monou traitent d'athées dans leurs poëmes, ont été violemment persécutés dans toute l'Inde jusqu'au 6° siècle après J.-C. A cette époque les Brammes par leurs ruses, leurs supercheries, leur influence politique et leurs légendes établissaient, pour arrêter le progrès du spiritualisme des Bouddhistes, l'idolâtrie matérielle et grossière qui règne de nos jours et étouffe presque le panthéisme ancien, fondé sur les Védas.

» Arrivé dans l'Inde avec le désir d'y répandre la lumière évangélique, et de dissiper quelques-uns des nuages qui couvrent l'intelligence des malheureux Indiens, il ne me fut pas difficile de voir qu'il fallait d'abord connaître profondément la plus abstraite de leur

Voyez pour la population des Indiens, les belles tables géographiques de l'Inde de mon bon et savant ami J. B. Tassin, géographe distingué de Calcutta.

erreurs, c'est-à-dire leur astrologie et par suite, l'astronomie spéciale qui lui sert de base. Mais la lecture de la plupart des ouvrages composés par les Européens sur ces matières me prouva bientôt qu'une lacune immense existait dans cette étude, celle des livres originaux qui traitent de l'astronomie et de l'astrologie, et font autorité parmi les Brammes. Parmi ces livres, celui qui était indispensable, et que l'on croyait ou perdu ou inintelligible, est le Shoúrdjyo Shiddhanto. Je conçus le projet de le chercher, ou au moins d'en recueillir tous les débris, si l'ouvrage original était perdu. Pour ce livre mon succès a surpassé toutes mes espérances. J'en ai six copies, dont trois avec commentaires.

» Les Brammes que j'avais à mon service pendant presque tout le tems que j'ai passé dans l'Inde, me furent d'un grand secours pour atteindre le premier but que je me proposais ; ils m'accompagnaient dans les visites que je faisais aux tôls (colléges) les plus renommés des bords du Gange et des environs de Dacca; il me procuraient le communication des livres scientifiques de quelques familles renommées par leur richesse en ce genre, et de quelques pondits (savants) qui sont dans l'usage de former des élèves chez eux. Avec de l'argent, de la patience, du tems et des égards, j'obtenais tantôt les manuscrits eux-mêmes qui m'intéressaient, en en laissant une copie au propriétaire, tantôt une copie authentique de ces manuscrits, dont on ne voulait pas se dessaisir. Je passais ainsi en revue tout ce que l'on possédait sur l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, la trigonométrie, l'astrologie, l'astronomie, la médecine, la botanique, la philosophie et la grammaire. En peu d'années je pus réunir les livres fondamentaux et essentiels de toutes ces sciences, telles qu'elles sont enseignées actuellement dans le Bengale, soit au sein des familles, soit dans les tôls publics. La riche bibliothèque de la Société asiatique de Calcutta m'aida encore à compléter ma collection de livres astronomiques. Je parcourus pendant quelques jours tout ce qu'elle renferme sur l'astronomie, et je fis prendre copie des pouthis ou parties de pouthis qui me convenaient.

« MM. J. Prinsep et Csoma de Koros étaient mes introducteurs dans ce noble établissement, digne, par ses collections d'inscriptions et d'antiquités orientales, d'objets d'histoire naturelle, et surtout de

manuscrits, d'être mis au rang des premiers muséums du monde. Leur complaisance pour me servir dans mes recherches n'était surpassée que par leur amitié pour moi. L'un était le secrétaire de l'illustre Société asiatique, et l'autre en était le bibliothécaire. Mais j'aime à témoigner ici toute ma reconnaissance à M. S. F. Bouchez, bibliothécaire assistant, qui eut la bonté de surveiller les Brammes qui faisaient mes copies, à l'exactitude desquelles il savait que je tenais tant.

» Enfin, j'avais des textes précis et authentiques, une bibliothèque complète sur l'astrologie et l'astronomie traditionnelle de l'Inde ; une partie de l'ancienne science de l'Asie et de la Chaldée, peut-être, était à ma disposition et sous mes yeux. L'un de mes Brammes, principal du tôl astronomique de Rajkhara près Hossennabad, le savant Kalinath Biddyashagor, me faisait connaître, comme à un Bramme même, tous les mystères, tous les secrets de l'astronomie et de l'astrologie. Il me montrait comment ses aïeux et lui composaient le bel Almanach, ou plutôt la Connaissance des temps, qui paraît sous leur nom dans ces contrées, depuis plus d'un siècle. Aussi je le récompensais suivant ses désirs, pour ses soins et ses attentions, et je ne l'oublie pas en Europe dans mes souvenirs de gratitude.

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Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant dans ces livres que fort avant Descartes, Galilée et peut-être Pythagore, les Indiens appliquaient l'algèbre à la géométrie ; disputaient dans leurs écoles sur la question du mouvement de la terre provenant de sa rotation diurne sur son axe au milieu de l'espace; s'entretenaient de la cause de la chute des graves, et comparaient la terre à une pierre d'aimant ; calculaient des sinus et des cosinus, et en dressaient des tables; faisaient, comme chose ordinaire et toute simple, la somme du carré de chacun des côtés d'un angle droit, dans un triangle, égale au carré de l'hypoténuse!

» L'initiation dans la lecture des nombres hiéroglyphiques m'étonna davantage. Cette convention antique des Indiens, qui consiste à re présenter les chiffres par des noms de choses, et à lire les noms de droite à gauche, n'a-t-elle pas quelque rapport évident avec l'écriture des Égyptiens et le génie des langues sémitiques? Les orientalistes nè manqueront pas d'examiner cette question nouvelle, lorsque tous ces

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