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AU MINISTRE ROLAND.

• 21. Mai, 1792.

• On peut m'étonner; mais on ne peut m'inspirer aucune crainte, et jamais maîtriser mon ame par ce moyen. Je fais que le parti dont vous me vantez le patriotifme, la puiffance, et la grande influence, eft capable de tout ofer: mais je fais auffi que le parti qui lui eft opposé eft plus nombreux, moins exalté; il fe compofe d'une majorité de gens de bien, qui doivent enfin montrer de l'audace, et ufer du courage de la vertu. Je fais que je puis fuccomber; que les méchans font capables de tout, que le peuple égaré croit à leur patriotifme, à leur défintéreffement: mais, monfieur, j'ofe prédire que le triomphe de ces gens là ne fera pas de longue durée. Si je fuccombe, ils voudront partager mes dépouilles. Ce partage amenera de funeftes divifions: les gens de bien pourront alors refpirer un moment : c'eft alors qu'ils retrouveront leur courage: leur caufe eft jufte : ils triompheront; les Français feront vengés. Un jour peut-être ils daigneront juftifier ma mémoire. Monfieur, je ne verrai point ces gens là; et jamais je ne pourrai tranfiger avec eux. Voilà ma réfolution; elle eft immuable. Louis.'

In the next letter, which we fhall quote, Lewis describes the circumstances of a public outrage to which he was fubjected.

A MONSIEUR.

17. Juillet, 1792.

Il faut, mon frère, vous donner une idée d'une fcène bien fcandaleufe. Je vous ai parlé de certaines propofitions qui m'ont été faites par deux partis, qui fouvent votent ensemble aux Jacobins. Ces hommes, qui fe déteftent cordialement, qui déjà paraiffent se méfier les uns des autres, et qui finiront par fe faire une guerre à outrance, voudroient, je ne fais pas trop pourquoi, me ranger fous leurs bannières. Infenfible à leurs promeffes, à leurs menaces, fourd à leurs invitations, j'ai constamment refusé de fervir leurs projets. Ils ont voulu me faire peur. Une députation de l'assemblée m'avait été envoyée pour des objets importans. On a réuffi à compofer cette députation d'hommes exaltés, de ces têtes mal organifées qui brufquent les convenances, et qui fe croient les égaux des rois, et les êtres libres par excellence, parce qu'ils ont de forts poumons, qu'ils reçurent en partage le don des injures, et qu'ils ne favent jamais refpecter le malheur.

La députation eft introduite. Un certain Genfonné portait la parole. Il parle bien, même avec quelque modération. Cependant des tournures fingulières, des expreffions hazardées, défigurent fon difcours. J'ai repondu: j'ai fait parler le cœur à la place de l'efprit: j'ai oublié que j'étais roi; et je me fuis exprimé avec franchife.

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La reine était préfente. Un jeune homme à tête ardente, l'air très étourdi, a pris la parole: il a gourmandé la reine. C'est vous, Madame,' a-t-il dit, qui perdez le roi: ce font vos confeils: vous n'êtes entourée que de royaliftes; et vous eloignez les patriotes.' La reine a repondu avec dignité: il a haufsé les épaules. Je voulais appaifer le courroux de ce cenfeur indifcret. Il a repris la parole avec effronterie,

et

et a daigné m'assurer que j'étois un brave homme, mais induit en erreur par des traîtres, des ennemis de la patrie. Que repondre, pour défabufer cet homme? Garder le filence, adreffer la parole à l'orateur de la députation, voilà ma conduite. J'ai apperçu que plufieurs des députés prefens partageaient le délire, appelloient cela du courage, et applaudiffaient ce jeune audacieux, que l'on m'affure fe nommer M... . n de

Th....... e.

J'ai raconté cette anecdote à plufieurs membres du côté droit. Ils m'ont affuré que le lendemain, dans une des allées du jardin des Feuillants, ce jeune député s'était vanté de fon audace, et qu'il s'était cru le digne rival de Caton, parce qu'il avoit manqué d'égards à une princeffe. Voilà quels font les hommes qui prétendent gouverner la France. O mon frère, plaignez moi!

LOUIS.

We approach now the first scene of thofe horrors, which, in the hiftory of man, civilized or favage, have never been furpaffed. During the night that fucceeded the 10th of Auguft, the Royal family were thruft into a wretched apartment adjoining to the hall of the Affembly. Next morning, the King addreffed this note to the Prefident.

• Monfieur le Prefident,

A M. VERGNIAUD.

11. Août, 1792, 10 Heures du Matin. Dans le tumulte d'une féance auffi orageuse, fi déchirante pour ma fenfibilité, fi outrageante pour la dignité de la représentation nationale, je pense que le corps légiflatif s'occupera des moyens de calmer l'effervefcence populaire. Je ne demande point juftice du grand attentat qui m'a forcé de venir avec ma famille me placer avec confiance fous l'égide des délegués du peuple. Il y aurait trop de coupables à punir pour penfer qu'un grand exemple intimidât les pervers. Que le mal qui eft fait foit oublié que la paix renaiffe des cendres du palais de mes pères! Je ne croirai pas encore que le facrifice égale la douleur profonde que je reffens de la violation des loix, et de la fubverfion de l'ordre public.

Les travaux de l'affemblée exigent qu'on me choififfe un afile où je puiffe trouver la fûreté de ma famille, et jouir moi-même d'un bien que Puniverfalité des Français attendent de votre folicitude.

On the fame day, he wrote to his brother.

A MONSIEUR.

• LOUIS. '

11. Août, 1792. Dans le fein de l'Affemblée Nationale.

Le fang et le feu ont tour-à-tour fignalé l'affreufe journée d'hier, mon cher frère. Contraint de quitter mon palais avec ma famille, de - chercher un afile au milieu de mes plus cruels ennemis, c'eft fous leurs yeux même que je vous trace, peut-être pour la dernière fois, mon affreuse pofition. François Premier, dans une circonftance périlleuse, écrivit, tout eft perdu, hors l'honneur: ' moi, je n'ai plus d'autre efpoir que dans la juftice de Dieu, dans la pureté des intentions bienfaifantes que je n'ai jamais cessé d'avoir pour les Français. Si je fuccombe, comme tous porte

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porte à le croire, fouvenez-vous d'imiter Henri IV. pendant le fiége de Paris, et Louis XII. lorfqu'il monta fur le trône.

• Adieu! mon cœur eft opprefsé: tout ce que je vois, tout ce que j'entends, eft fait pour m'affliger. J'ignore quand et comment je pourrai déformais vous écrire. LOUIS.'

Two days after, juft as he was about to be configned to the cuftody of Santerre in the Temple, he addreffed another letter to this brother, which he intrusted, concealed in a piece of bread, to a friend who did not quit him till the last moment. As he de livered it into his hands, he is faid to have shed a tear: 'c'est un éternal adieu' (he faid) que j'adresse à mon frère.' But the perfon who undertook this fervice, was arrefted upon the frontiers; and the paper was depofited among the archives of the commune, where it remained till after the destruction of Robespierre.

• Paris, ce 12. Août, 1792, 7 heures du matin.

• Mon frère, je ne fuis plus roi. Le cri public vous fera connaître la plus cruelle catastrophe.... Je fuis le plus infortuné des époux et des pères!.... Je fuis victime de ma bonté, de la crainte, de l'efpérance. C'eft un mystère inconcevable d'iniquité. On m'a tout ravi; on a massacré mes fideles fujets. On m'a entraîné par rufe loin de mon palais; et l'on m'accufe! Me voilà captif; on me traîne en prifon. La reine, mes enfans, Madame Elifabeth, partagent mon trifte fort. Je n'en puis plus douter! je fuis un objet odieux aux yeux des Français prévenus.... Voilà le coup le plus cruel à fupporter. Mon frère, bientôt je ne ferai plus. Songez à venger ma mémoire, en publiant combien j'aimais ce peuple ingrat. Un jour rappelez lui fes torts, et dites lui que je lui ai pardonné. Adieu, mon frère, pour la dernière fois! LOUIS.'

None of our readers can have forgotten the letter, in which Malesherbes, from his retirement, and at the age of eighty, intimated to the Prefident of the Convention, that, having been twice called to the council of him who was then his Master, at a time when the fituation was envied by all, he felt himself bound to offer the fame fervice now that it was regarded as dangerous, Lewis wrote to Malefherbes, from his prifon.

A M. DE MALESHERBES.

• Du Temple.

Je n'ai point de termes, mon cher Malefherbes, pour vous exprimer ma fenfibilité pour votre fublime dévouement. Vous avez été au devant de mes vœux votre main octogénaire s'eft étendue vers moi pour me repouffer de l'échafaud; et, fi j'avais encore mon trône, je devrais le partager avec vous, pour me rendre digne de la moitié qui m'en refterait. Mais je n'ai que des chaines, que vous rendez plus légères en les foulevant. Je vous renvoye au ciel et à votre propre cœur, pour vous teit lieu de recompenfe.

'Je

Je ne me fais pas illufion fur mon fort. Les ingrats qui m'ont détrôné ne s'arrêteront pas au milieu de leur carrière: ils auraient trop à rougir de voir fans ceffe fous leurs yeux leur victime. Je fubirai le fort de Charles Premier; et mon fang coulera, pour me punir de n'en avoir jamais versé.

Mais ne ferait-il pas poffible d'ennoblir mes derniers momens ? L'affemblée nationale renferme dans fon fein les dévastateurs de ma monarchie, mes dénonciateurs, mes juges, et probablement mes bourreaux ! On n'éclaire pas de pareils hommes; on ne les rend pas juftes; on peut encore moins les attendrir: ne vaudrait-t-il pas mieux mettre quelque nerf dans ma défense, dont la faibleffe même ne me fauvera pas? J'imagine qu'il faudrait l'adreffer, non à la convention, mais à la France entière, qui jugerait mes juges, et me rendrait, dans le cœur de mes peuples, une place que je n'ai jamais mérité de perdre. Alors mon rôle à moi fe bornerait à ne point reconnaître la compétence du tribunal où la force me ferait comparaître. Je garderais un filence plein de dignité; et, en me condamnant, les hommes qui se disent mes juges, ne feraient plus que mes affaffins.

Au refte, vous êtes, mon cher Malesherbes, ainfi que Tronchet qui partage votre dévouement, plus éclairé que moi: pefez dans votre fageffe mes raifons et les vôtres : je foufcris aveuglement à tout ce que vous ferez. Si vous affurez cette vie, je la conserverai pour vous faire ressou venir de votre bienfait: fi on nous la ravit, nous nous retrouverons avec plus de charmes encore au féjour de l'immortalité.

• Signé,

LOUIS.'

Will it be credited, that a woman-once a woman of England, could be roufed to no ftronger language, by fuch a catastrophe of fuch a man, than to lament that his country was not spared the offence of his death?' We did once intend to have irritated and difgufted our readers with fome fpecimens of her remarks on the letters that we have extracted. But we refpect their feelings. At the present moment, we willingly fpare fuch a violence to our own. When the tragic spectacle closes, it is most pleasing to leave the scene altogether; to repofe upon our forrow, undisturbed by coarfer objects; and indulge the beft emotions of nature, unchecked by any recollection of the prejudiced and unfeeling portion of mankind.

ART. XVIII. Remarks on Currency and Commerce. By John Wheatley, Efquire. 8vo. pp. 262. London. Cadell & Davies. 1803.

THIS

HIS work, Mr Wheatley informs us, was undertaken to elucidate the principles of national wealth; which, notwithftanding the Inquiry of Dr Smith, are ftill, it seems, very imperfectly understood. We may add, that it appears to have originated in none of thofe party motives, or other temporary

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views,

views, which give rife to the greater number of pamphlets publifhed upon topics connected with national policy. The conduct of the work, as well as its fubject, is purely fpeculative; and it is delivered to the public, we are told, rather as the profpectus of a larger book, than as a separate treatise.

to

Such being the defign of this tract, and fo high its pretenfions, notwithstanding that diffidence which has dictated the hint about a future work, our attention is naturally directed to examine whether any thing is performed by Mr Wheatley to justify his hopes of effecting thofe reforms in political economy which the celebrated writings of Smith, Hume, and the French economists, have failed to accomplish. We will venture to predict, that after our readers fhall have confidered the abstract which we purpofe to fubmit, they will participate in our disappointment, and agree with us in awarding to Mir Wheatley's errors and inaccuracies alone the praise of originality. The general character of the work, indeed, is eafily given. Our author has learned the language, and treafured up the refults of thofe investigations which, during the laft fifty years, have effected fo great an improvement in political fcience; but he has failed in forming himfelf diftinct views of the principles upon which thefe new and enlightened doctrines depend, and has not always followed out the line that feparates them from the errors to which they fucceeded. He has conceived, that, in order to recommend these improvements to practical statesmen, nothing more than a new defcription of them is required; and, for the purpose of varying the light in which they fhould be viewed, he has partially involved them in obfcurity. His work is thus a mixture of unquestionable conclufions, and falfe or doubtful demonftrations. In fo far as it expofes thofe errors of the mercantile fyftem, which were demonftrated by Smith, its reafoning is irrefiftible; but the other departments embrace conclufions as full of error as any which that fyftem prefents. The manner, too, in which the most received doctrines are delivered, favours of a confidence in their originality, often bordering upon the ludicrous, and leads us conftantly to imagine that Mr Wheatley forgets the very existence of the works from whence he derived his inftruction. He attacks the errors of the mercantile theory, as if no one but himself had ever doubted of its truth; and propofes the very principles upon which all well informed men have long ago rejected it, in the fame language of discovery that might have been used had no fuch writers as Hume or Smith ever exifted. Thus, while the introduction of each fucceeding fubject promifes fome novelty, and the deception is kept up by the occurrence of topics not immediately perceived to be erroneous, a little attention is always

fufficient

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