Page images
PDF
EPUB

conciliable avec l'esprit de parti, mais c'est seulement dans les âmes élevées. Le général Barbanègre en trouva de ceite trempe dans le conseil d'enquête qui, convoqué à Strasbourg, en 1815, pour juger sa conduite pendant le siége d'Huningue, déclara, à l'unanimité, ce général et son conseil de défense, exempts de tout reproche. La défense d'Huningue n'a pas été moins glorieuse que celle de la tête du pont de la même ville, qui a immortalisé le général Abbatucci, à la mémoire duquel la France a consacré un monument que des étrangers ont aussi outragé, mais que tout ce qui est français en France, à commencer par les Princes, s'empresse en ce moment de relever. L'opinion publique n'est pas moins juste en vers le général Barbanègre; il vit pour le moment à Paris, sans emploi, mais amplement dédommagé par l'estime générale, d'une calomnie qui ne put obtenir de crédit que chez les ennemis de la gloire française, Français ou étrangers

BARBANÈGRE (JEAN), frère du précédent. Au moment où il achevait ses études, l'Europe coalisée menaçait d'envahir la France. Animé de l'amour de la patrie, il s'enrôla, en 1795, dans la légion nationale des Pyrénées: il se distingua aux batailles du Boulou et des Albères, et fut fait officier à la fin de la campagne, après avoir passé par tous les grades inférieurs. Il fut alors envoyé à l'armée des Alpes, et il partagea les travaux de la glorieuse campagne d'Italie; sa rare valeur le fit remarquer surtout à

Arcole, à Rivoli et à Crémone, où il reçut six coups de sabre ou de lance, et fut atteint d'une balle qui lui perça la poitrine. Le grade de lieutenant dans les guides du général en chef fut sa récompense. Bientôt l'expédition d'Égypte ouvrit une carrière nouvelle à tant de braves dont l'Orient gardera à jamais le souvenir; il sut se distinguer au milieu d'eux, et il obtint le grade de capitaine. Rentré en Italie avec la garde consulaire, il exécuta une charge à la tête des grenadiers à cheval à Marengo, et culbuta les Hongrois, qu'un succès momentané venait d'enhardir. Blessé dans cette mémorable affaire, le sabre d'honneur lui fut décerné, et il ne tarda point à être nommé chef d'escadron, premier aide-decamp du général Bessières. Il fit, en cette qualité, la campagne de 1805, si célèbre par la bataille d'Austerlitz. Colonel du 9me régiment de hussards, dans la campagne de Prusse, les champs d'Iéna virent ses derniers efforts. La bataille était gagnée; il venait d'enfoncer le corps de cavalerie qui avait fait la plus longue résistance, lorsqu'un boulet le frappa au cœur. Du moins ses yeux se fermèrent dans une journée heureuse, et il ne put même prévoir les désastres qui suivirent tant d'exploits. Mais le temps vint de déprécier en France et de punir la gloire française; les restes de Barbanegre, que i'empereur avait fait transporter à Paris et déposer à l'hopital militaire de la garde, situé au Gros-Caillou, pour être ensuite reçus dans un monument honorable, en ont été arrachés

en 1816, et scandaleusement exposés à tous les regards dans le cabinet d'anatomie de l'Ecole de Médecine. Le corps de Barbanègre y resta jusqu'en 1818; mais alors l'indignation publique se ma. nifesta si fortement, qu'on crut devoir le retirer et le rendre à sa famille.

BARBANTANE-PUJET (PAULFRANÇOIS HILARION – Bienvenu, MARQUIS DE), né à Paris le 20 mars 1754. Il embrassa la cause de la liberté, avec une ardeur qu'il manifesta dans quelques écrits, en 1789 et en 1791. En 1790, il avait été nommé maréchal-de-camp, et en 1792, employé dans la 8 division militaire; il se déclara en faveur des habitans de Marseille, dans la discussion qui s'éleva entre eux et le régiment suisse d'Ernest, au désarmement duquel on prétend qu'il contribua. Quoi qu'il en soit, le général Barbantane reçut les plus grands honneurs civiques des patriotes du midi; mais il fut destitué et traduit devant un conseil de guerre, qui l'acquitta. Il fut alors nommé commandant de la même division, et chargé de l'organisation du comtat d'Ăvignon, que divers commissaires royaux et nationaux avaient entreprise inutilement. Il y coopéra avec le plus grand succès, sans qu'il y eût une goutte de sang répandu, ce qui lui valut le grade de lieutenant-général. Il obtint ensuite le commandement d'une division à l'armée des PyrénéesOrientales. Il se distingua, dès le commencement de cette guerre, dans le commandement en chef de l'armée, qu'on lui confia provisoirement à la mort du général

Deflers. Les Espagnols étaient trèsforts, et l'armée française, faible et dépourvue de moyens; il sauva Perpignan par l'activité, le zèle et l'intelligence qu'il mit à organiser un nouveau corps d'armée à Salces; il illustra les armes françaises à la journée de Peirestorte, contint l'ennemi, et l'empêcha de se développer dans le midi de la France. Différentes contrariétés qu'on lui fit éprouver, soit comme noble, soit comme partisan d'Antonelle, le contraignirent à donner sa démission. Il fut incarcéré à Toulouse, et conduit à ́ Paris. Sauvé par le plus heureux hasard, il obtint sa liberté après le g thermidor, vécut long-temps 9 dans la retraite, eut enfin le commandement successif des 2, 9me et Sme divisions militaires. Partout, il montra les mêmes principes et le même zèle à contenir les partis, et à prévenir toute espèce de réaction. Mais également dégoûté de l'esprit machiavélique du directoire, et du des‐ potisme militaire de Napoléon, il se retira tout-à-fait des affaires, malgré les offres de places brillantes qui lui furent faites. En 1815, il fut témoin de la révolution du Midi, et après l'assassinat encore impuni du maréchal Brune, il dut abandonner sa retraite, située entre Avignon et Nimes, pour se fixer à Paris, où son patriotisme est sans doute moins exposé qu'il ne l'était au milieu des réactions furibondes qui ont si souvent ensanglanté les départemens méridionaux.

BARBARON (N.), né le 24 mai 1758, à Sauveterre, département de la Gironde, entra au

service en 1776, et obtint l'avancement que pouvait espérer alors un militaire qui n'avait pour recommandation que du courage, du zèle, et la connaissance parfaite de son état. En 1788, un congé lui avait permis de se retirer dans ses foyers; mais lorsque la France se vit menacée d'une invasion et d'une guerre générale, il se hâta de se joindre à ses défenseurs. Le 5 février 1792, il eut le commandement d'un bataillon de la Gironde, et se distingua, en 1792 et 1793, à l'armée du Nord, et ensuite, jusqu'en l'an 6, aux armées de l'Ouest et des côtes de l'Océan. Doué de talens réels, il donna des preuves de la valeur la moins équivoque, au milieu des difficultés d'une périlleuse retraite. Il faisait partie, en l'an 7, des armées d'observation du Danube et du Rhin; obligé de se retirer de Bruchsal devant un corps d'infanterie bien supérieur au sien, et soutenu par une nombreuse cavalerie, il opéra sa retraite dans le plus grand ordre sur Wisloch, malgré les attaques fréquentes et opiniâtres qu'il eut à repousser. Quelques jours après, dans une autre retraite sur Neker-Germind, il recut l'ordre de s'opposer au mouvement de l'ennemi, qui au moyen de forces supérieures, mancuvrait pour couper la colonne. Cet officier n'avait que quatre compagnies, elles lui suffirent pour déconcerter le plan de l'ennemi, par des attaques bien dirigées, dans lesquelles il lui fit perdre beaucoup de monde. Dans la campagne de Souabe, en l'an 8, il fut blessé, le 16 prairial, à l'affaire

de Sulminghen. C'est en l'an 12 qu'il fut nommé major d'un régiment d'infanterie, et ensuite officier de la légion-d'honneur.

BARBAROUX (CHARLES-JEANMARIE), né à Marseille, en 1767; un caractère ardent, une âme expansive, et des moyens énergiques, le déterminèrent à embrasser la cause de la révolution avec l'enthousiasme qu'un jeune homme prend souvent pour l'inspira. tion particulière de son génie. En 1792, il se trouvait à Paris en qualité de commissaire extraordinaire de la commune de Marseille, près de l'assemblée législative, quand le bataillon des Marseillais arriva dans cette ville. Une conspiration fut ourdie à Charenton : Bourdon de l'Oise, Moïse Bayle, Duprat et Santerre en étaient les principaux chefs, et Barbaroux, le secrétaire. Le plan était de marcher sur le château des Tuileries avec 30,000 Parisiens que Santerre avait promis de conduire à la rencontre des Marseillais, et de proclamer sur-le-champ la déchéance du roi. Le 29 juillet, les Marseillais firent leur entrée à Paris. Santerre manqua de parole, et la conspiration échoua. D'autres circonstances amenèrent la journée du 10 août. Barbaroux ne fut instruit de l'insurrection que lorsque l'attaque eut été commencée. Il n'y prit part que pour prévenir de plus grands malheurs, et sauva la vie à plusieurs Suisses. Il fut bientôt nommé président de l'assemblée électorale des Bouchesdu-Rhône. Élu membre de la convention nationale, Barbaroux, républicain par principes, ne tarda pas à se lier avec ceux des dépu

tés que distinguaient leurs talens et la franchise de leurs intentions, Condorcet, Brissot, Vergniaud, Guadet; malheureusement Robespierre, et d'autres hommes de son parti, avaient pris antérieure ment une espèce d'ascendant sur lui, à cause du zèle qu'on leur attribuait pour l'établissement d'une véritable république. Barbaroux mieux instruit ne tarda pas à rompre avec eux. Dès le 25 septembre, il accusa la commune de projets fédéralistes. De concert avec Rebecqui, il dénonça Robespierre comme aspirant à la dictature, et annonça que de nouveaux Marseillais étaient en route pour venir défendre la convention. Barbaroux ne manquait pas de talens oratoires; mais son éloquence tenait de la fougue de son caractère; il était plus véhé ment qu'habile, plus courageux qu'opiniâtre cependant, on le regarda comme un adversaire dangereux, et sa perte fut décidée. Le 10 octobre, il dénonça de nouveau la commune de Paris, et attaqua personnellement Pache, Tallien, Santerre, Deforges, Marat, Pétion, et Robespierre. Il les accusait d'avoir distrait, depuis le 10 août, une somme de 1,100,000 francs, et une grande quantité d'argenterie. Quelque temps après, il fut nommé secrétaire; il renouvela plusieurs fois l'accusation contre Marat, Robespierre, et en général contre les jacobins, auxquels il reprochait de s'être distribué neuf mille places. Il eut l'occasion de défendre le ministre Roland. Il avait proposé un comité judiciaire, pour examiner la conduite de Louis XVI, et

n'en fut pas moins un de ceux qui provoquèrent, avec le plus d'ardeur, le jugement de ce prince; il faut cependant observer que s'il vota pour la mort, du moins, il demanda l'appel au peuple. Quant au sursis, il l'adopta, en proposant l'exil de toute la famille des Bourbons. Cette impétuosité, qui lui était naturelle, ne l'égara pas toujours. Il poursuivit avec un courage infatigable les auteurs des massacres de septembre, qu'il regardait comme les chefs de l'anarchie. Le 31 mai et les journées suivantes terminèrent cette lutte courageuse; mais les députés de la Gironde et leurs amis succombèrent. La fermeté de Barbaroux fut inébranlable; on le somma de donner sa démission, il répondit qu'il ne lui appartenait pas de quitter le poste qu'on lui avait confié, et qu'il avait résolu d'y mourir. Lorsque son arrestation fut décidée, il conserva son sang-froid, et eut le bonheur d'échapper à la vigilance du gendarme qui le gardait. Il se réfugia dans le département du Calvados, où Gorsas, Buzot, Salles et d'autres proscrits organisèrent avec lui une armée pour délivrer la convention. Le général Custine ayant refusé de contribuer à leur entreprise, ils furent défaits à Vernon, et réduits à chercher une nouvelle retraite. C'est avec la plus grande difficulté qu'ils parvinrent à s'embarquer à Quimper. Ils espéraient trouver des défenseurs à Bordeaux; mais l'extrême sévérité des mesures de la convention, contre ceux qui donneraient asile aux proscrits, avait répandu un effroi général; forcés de quitter cette ville,

Guadet, Salles et Barbaroux furent arrêtés dans les grottes de Saint-Emilion, et exécutés à Bordeaux, le 25 juin 1794 (7 messidor an 2). Barbaroux conserva, dans ses derniers momens, toute son énergie. Pour ne point tomber au pouvoir de ses ennemis, il s'était tiré deux coups de pistolet. C'est à demi mort qu'il subit son interrogatoire, où sa fermeté ne l'abandonna pas. Il avait été lié avec le ministre Roland, dont la femme a rendu le nom célèbre. C'est chez ce ministre que souvent on s'occupait des questions qui devaient être agitées dans l'assemblée. Mme Roland avait eu occasion de remarquer les qualités brillantes de Barbaroux, qui d'ailleurs était d'une beauté remarquable; elle rendait justice à l'élévation de son caractère; mais, selon elle, il manquait de cette maturité, qui n'est que le fruit de l'expérience chez la plupart des hommes. Dans les mémoires qu'elle a écrits en prison, elle parle ainsi de Barbaroux «Son caractère ouvert et >> son ardent patriotisme nous inspirèrent de la confiance; raison»> nant du mauvais état des affai>> res et de la crainte du despotis>> me pour le Nord (du despotisme » de Robespierre), nous formâ>> mes le projet conditionnel d'une >> république dans le Midi. « Ce se>> ra notre pis-aller, disait en sou» riant Barbaroux; mais les Mar» seillais qui sont ici, nous dispen» seront d'y recourir. » Mme Roland était-elle bien exempte ellemême des illusions qu'elle reprochait à Barbaroux? Il existe de ce député une ode sur les vol

[ocr errors]

cans, dont quelques strophes sont d'une grand beauté; plusieurs discours vigoureux et bien écrits, d'excellens rapports sur des matières d'administration et de législation, et plusieurs fragmens de mémoires sur la révolution, qui répandent quelque lumière sur l'histoire encore si peu connue du 10 août.

BARBAULD (ANNA-LETITIA AIKIN), sœur du critique Aikin, l'une des femmes auteurs dont l'Angleterre s'honore le plus aujourd'hui, et que les auteurs du Dictionnaire historique placent au nombre des morts, bien qu'elle soit encore vivante. Née vers 1765, elle épousa le révérend Rochemont Barbauld, ministre dissident, maître d'école à Palgrave. Restée veuve quelques années après son mariage, elle continua d'habiter, malgré la haute réputation dont elle jouissait à Londres, la petite ville de Stokenington, où son mari était mort. Il y a dans tous les ouvrages de mistriss Barbauld de l'imagination, de la sensibilité, de la philosophie. Ses poésies, dont l'harmonie sonore rappelle quelquefois Claudien, ont eu cinq éditions successives. Parmi ses nombreux ouvrages sur la religion, l'éducation, et la politique, on distingue les Dialogues sur l'histoire naturelle, les pensées extraites de Job, et les Hymnes en prose pour les enfans. Elle a publié, en 1812, un poëme dans le genre de lord By

ron,

intitulé Mil huit cent onze, où la bizarrerie du cadre est rachetée par la force des pensées. Elle a en outre présidé à plusieurs éditions recherchées d'Akenside,

« PreviousContinue »