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faire, s'étant précipité sur une bat terie ennemie, son cheval est tué. Il s'élance alors sur une pièce; les canonniers ennemis le sabrent: deux de ses chasseurs volent vers lui, et, avec leur secours, il prend et emmène la pièce de canon. Ces actions d'éclat fixèrent l'attention du général Bonaparte, qui lui donna le commandement de ses guides. Ce corps, qui fut le premier noyau de la garde impériale, commençait alors cette haute renommée de bravoure à laquelle il est parvenu, toujours sous les ordres de son digne chef. Colonel des guides pendant l'expédition d'Égypte, Bessières se signala devant Saint-Jean-d'Acre et à la bataille d'Aboukir. A Marengo, le général Bessières, jaloux de donner à la troupe d'élite qu'il commande, l'honneur de la dernière charge, s'élance sur l'ennemi, le fait plier, et détermine sa retraite générale en portant le trouble et l'effroi dans ses rangs. (Rapport du maréchal Berthier.) Le général Bessières fut compris dans la promotion des maréchaux de l'empire, du 19 mai 1804, et élevé à la dignité de duc d'Istrie, en mars 1808. Il fut envoyé, cette même année, en qualité d'ambassadeur et ministre plénipotentiaire, près la cour de Wurtemberg, à l'occasion du mariage du prince Jérôme. Constamment attaché à la garde impériale, chargé toujours de son commandement, le maréchal y joignit celui d'un corps de cavalerie de l'armée. Pendant la campagne de 1805, en avant de Brum, sur la route d'Olmutz, la tête de la cavalerie de la garde et de la division des cuirassiers

d'Hautpoul, il culbuta et mit en déroute 6,000 cavaliers russes, qui formaient l'arrière-garde de Kutuzow, enfonça la garde noble russe, et perça le centre de l'armée ennemie, qui perdit dans cette charge 27 pièces de canon. Pendant la campagne de Russie, le maréchal, commandant le 2e corps de réserve de cavalerie, composé de 5 divisions, servit de la manière la plus brillante aux fameuses batailles de Iéna, Heilsberg et Friedland. A Biezem, en avant de Thorn, il enleva aux Prussiens 5 pièces de canon, 2 étendards et fit 800 prisonniers. A la bataille d'Eylau, la cavalerie de la garde, commandée par le maréchal, jointe aux divisions Milhaud, Klein, Grouchy et d'Hautpoul, avait exécuté, sur l'aile droite de l'armée russe, une charge terrible, qui culbuta 20,000 hommes d'infanterie, et leur fit perdre leur artillerie. Le maréchal eut un cheval tué au milieu de cette charge. En 1808, le maréchal Bessières reçut le commandement de l'une des armées qui entrèrent en Espagne, et qui prit le nom de 2me corps. Il établit d'abord son quartier-général à Burgos. Bientôt, par son activité, ses bonnes dispositions, et surtout par une administration douce et paternelle, il eut calmé ou dissipé les insurrections qui éclataient dans ces provinces. Cependant Cuesta, qui était parvenu à organiser une armée espagnole, forte de 40,000 hommes, marchait pour couper la communication de Madrid avec la France. Quoique le maréchal n'eût pas plus de 13 à 14,000 hommes, il se porta au-devant de

Cuesta, attaqua son armée rangée en bataille sur les hauteurs de Medina-de-rio-Secco, et défendue par 40 pièces en batterie. Les Espagnols furent mis dans une déroute complète, et laissérent sur le champ de bataille 900 hommes tués, 6,000 prisonniers, leur artillerie, les munitions, etc.; le coup d'œil et les dispositions du maréchal assurèrent le succès de cette victoire, qui fut assez vivement disputée mais la gloire qu'il venait d'acquérir fut complète par les ordres qu'il donna pour sauver des horreurs du pillage une ville qui venait d'être enlevée de vive force. Il poursuivit l'ennemisur Benavente, Léon, etc., où il prit une quantité considérable de fusils anglais, de munitions, etc. On assure qu'à la nouvelle de cette victoire, l'empereur dit: C'est une seconde bataille de Villaviciosa; Bessières a mis mon frère Joseph sur le trône d'Espagne. Le maréchal fit avec une très-grande activité la fin de cette campagne (de 1808); et, à la tête de la cavalerie, il exécuta des charges très-brillantes, à la bataille de Burgos et au combat de Sommosierra. La nature de son service forçait le duc d'Istrie à se transporter successivement sur chacun des théâtres de guerre où se dirigeait Napoléon et par cela il fut souvent privé des commandemens d'armées agissant isolément, auxquels il avait acquis de si justes droits. Il fit la campagne d'Allemagne, en 1809, comme commandant la cavalerie de la garde, avec une réserve des troupes de la même arme. Après avoir culbuté un gros corps de ca

valerie vers Landshut, il contribua puissamment aux avantages obtenus devant cette ville. L'empereur le chargea de suivre les 5 et 6 corps autrichiens dans leur retraite sur l'Inn, avec deux divisions d'infanterie et la brigade Marulaz. Le général Hiller était supérieur en forces: le maréchal, par des dispositions habiles et une attitude vigoureuse, contint le général ennemi, lui disputa le terrain, et le frustra des avantages que sa position et sa supériorité pouvaient lui faire espérer. Le maréchal Bessières contribua également aux succès obtenus par le corps du maréchal Masséna à Ebersberg. A la bataille d'Esling, l'archiduc Charles menaçait le centre de l'armée française, à peu près dégarni de troupes entre Esling et Aspern: il était de la plus haute importance qu'il ne pût y pénétrer. Le maréchal Bessières, à la tête de la cavalerie de l'armée, chargea les colonnes autrichiennes. Il dut déployer sur ce point le plus brillant courage, car cette charge était une sorte de dévouement. Il fallut se préci⚫ piter tête baissée sur l'ennemi, et à tout prix empêcher qu'il ne s'établît au milieu de notre centre. Le général d'Espagne, plusieurs colo nels, un grand nombre d'officiers y périrent; mais les Autrichiens furent repoussés, et mis dans un tel désordre, qu'ils ne purent recommencer cette attaque. Le maréchal contribua puissamment à la mémorable victoire de Wagram, en chargeant avec toute la cavalerie de l'armée, sur le flanc des colonnes autrichiennes. Au milieu de cette charge il fut atteint

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d'un boulet qui le renversa de cheval. L'empereur lui dit : Bes sières, voilà un beau boulet : il a fait pleurer ma garde. En effet, ces braves n'avaient pu retenir leurs larmes en voyant tomber un chef qu'ils adoraient. Le duc d'Istrie remplaça le prince de Ponte-Corvo dans le commandement de l'armée du Nord, chargée de reconquérir Flessingue sur les Anglais. Par la sagesse de ses mesures, et par son activité, il hâta le moment de la reddition de cette place. Les difficultés de la guerre d'Espagne réclamaient la présence du maréchal : il y avait laissé de nobles et de touchans souvenirs. Il y fut envoyé, en 1811, comme gouverneur de la Vieille-Castille et du royaume de Léon, et comme commandant en chef l'armée du Nord. Son retour dans ce pays fut un véritable triomphe pour lui, et causa une grande joie aux habitans. Là, il put déployer toute la générosité et toute la fermeté de son caractère, ainsi que la bonté de son cœur et ses connaissances dans la haute administration. Lorsque l'armée anglaise s'approcha de ces contrées, il seconda autant qu'il fut en lui les efforts du maréchal Masséna, et se rendit même auprès de lui pendant la bataille de Fuente d'Onoro. Le duc d'Istrie fit la campagne de Russie avec la garde, et comme commandant en chef un grand corps de cavalerie. La facilité des triomphes obtenus pendant notre marche victorieuse sur Moscow, laissa peu à faire à ce corps d'élite. Mais au retour, lorsque la garde se trouva conservée presque seule, au milieu des débris

de cette armée frappée de tous les fléaux, le maréchal Bessières, comme tous ses compagnons d'ar. mes, eut de fréquentes occasions de déployer une force et une activité admirables. A l'ouverture de la campagne de 1813, le duc d'Istrie se trouvait appelé à un commandement qui devait montrer, dans leur vrai jour, toutes les ressources de ses talens mili taires : il commandait en chef toute la cavalerie de l'armée. Le 1o mai, la veille de la bataille de Lutzen, le maréchal pressait l'attaque du défilé de Rippach, et se portait, selon sa coutume, au plus fort du danger, à la tête de nos tirailleurs à pied. Au moment où ce défilé était emporté, le maréchal fut frappé dans la poitrine, d'un boulet qui le laissa sans vie. Sa mort fut cachée à l'armée, jusqu'à ce qu'elle eût reçu une sorte de compensation dans l'importante victoire du lendemain. Le duc d'Istrie retenu auprès de l'empereur, par son service de colonel-général de la garde, a attaché son nom à tout ce qui s'est fait de grand et de merveilleux dans le temps de nos triomphes. Il

porta à la cour les vertus du vrai citoyen; il s'y fit distinguer entre ses rivaux de gloire, par la fidélité, la franchise, la loyauté, et surtout par une qualité trop rare, celle d'oser dire la vérité à ceux qu'on cherche toujours à tromper, et de persister dans des conseils sages que le dévouement inspire quelquefois, mais qu'il ne fait pas toujours pardonner. On admirait dans le duc d'Istrie cette inépuisable bonté, cette simplicité antique, et cette douce fami

liarité avec les héros de cette immortelle garde, d'où il se glorifiait d'être sorti familiarité touchante, qui rendait populaire la plus illustre dignité des armées! Par la douceur et la vigilance de ses soins administratifs, il ne se fit pas moins chérir des peuples vaincus que de ses propres soldats, et à sa mort, au milieu d'une guerre envenimée, l'Espagne en donna une preuve bien touchante les villes et villages des provinces du nord, non occupés par nos troupes, firent célébrer des services funèbres en son honneur; irrécusables témoignages de sa conduite et de leur reconnaissance! Le maréchal les avait protégés et secourus autant que le permettaient ses devoirs dans le commandement militaire. Dès son arrivée à Valladolid, il avait ouvert les prisons, et rendu à la liberté tous ceux que des mesures arbitraires ou trop rigoureuses y retenaient; il avait fait restituer aussi aux familles beaucoup d'objets confisqués. A la suppression des couvens, il avait mis tous ses soins à la conservation de leur argenterie, qui fut déposée dans les autres églises. Ses diverses campagnes, en Autriche, en Prusse, en Pologne, furent toutes marquées par des traits de désintéressement et de bienfaisance. Sa famille en a retrouvé des souvenirs bien profonds dans ces mêmes lieux, qu'elle a parcourus depuis. A Moscow, pendant l'incendie, une foule d'habitans mourant de faim, se réfugia dans son palais, comme dans un lieu d'asile, sous la protection de sa renommée. Le maéchal était au moment de se met

tre à table: touché de tant de misère, il dit à son état-major, Messieurs, allons chercher un dîner ailleurs, et il ordonna de faire asseoir à sa table cette foule affamée, en se dérobant à sa reconnaissance. Pendant la retraite de Russie, il sauva la vie à plusieurs personnes. Autant occupé de secourir ses soldats, que de s'opposer aux poursuites de l'ennemi, il se chargea d'un enfant dont la mère venait de mourir au passage de la Bérézina. Il est une foule de traits pareils de bienfaisance, bien plus touchans encore, étant alliés à tant d'héroïsme. Sa modestie les cachait avec une sorte de pudeur; ce n'est que du hasard ou de la reconnaissance qu'on a pu en apprendre quelques-uns. Le duc d'Istrie a laissé une famille sans fortune, et accablée de dettes occasionées par cet appareil de grandeur dans laquelle sa dignité l'obligeait à vivre. Sa veuve est un modèle accompli de toutes les vertus. Son fils a reçu, dans la dignité de pair, une juste récompense de cette gloire que le maréchal avait si noblement et si chèrement acquise.

BESSIERES (BERTRAND, BARON), frère du maréchal, né en 1775, à Cahors. Il entra de bonne heure dans la carrière des armes, et après avoir fait les campagnes d'Italie et d'Égypte, sous le général en chef Bonaparte, il passa à l'armée d'Allemagne commandée par le général Moreau, et se distingua à la bataille d'Hohenlinden. Le courage qu'il montra à Austerlitz, lui mérita le grade de général de brigade, qu'il reçut le 24 décembre 1805. En 1808, il

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