Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

bris de l'armée prussienne; là, il se livra un combat très-sanglant, à la suite duquel les Français entrèrent de vive force dans la ville, que les généraux français, malgré leurs efforts, ne purent entièrement garantir du pillage. La prise d'un nombre considérable de drapeaux, de soldats, d'officiers et de généraux, parmi lesquels on distinguait le duc de Brunswick-Oels et le général Blucher, furent le résultat de cette victoire. Le 8 du même mois, le boulevart de la monarchie prussienne, Magdebourg, fut obligé de se rendre; et le maréchal, prince de Ponte-Corvo, reçut l'ordre de marcher sur la Pologne, audevant des Russes, qui arrivaient, un peu tard, au secours de la Prusse. Les généraux russes avaient formé le projet de couper l'empereur et la division Ney du reste de l'armée française, et ils s'avancèrent en force dans la plaine en avant de Mohrungen. Bernadotte avait reçu, la veille, l'ordre de se retirer sur le petit Strasbourg, à 7 ou 8 milles de Thorn; mais étant mieux instruit du mouvement des Russes qu'on ne l'était au quartier-général, il prit son parti en grand capitaine. Comme il n'y avait pas de temps à perdre, il réunit, de minuit à midi, tout son corps d'armée sur les plaines avant Mohrungen, où bientôt arriva la colonne russe, qui fut complétement battue. Parcette résolution, il sauva le quartier - général de l'empereur et la division du maréchal Ney; et ce qu'il y a de remarquable, c'est seulement dans les journaux étrangers qu'on lui a décerné le juste tribut d'éloges

que méritait un service si important. Le 26 février, le maréchal Bernadotte assura, par la victoire remportée à Braumberg, la posi tion de l'armée française. Des négociations avaient été entamées; mais ayant été ròmpues, deux colonnes russes tentèrent de passer la rivière à Spandau; Bernadotte les repoussa, après un combat meurtrier, dans lequel il fut grièvement blessé, et, obligé de se retirer, il prit, en 1808, le commandement d'un corps considérable de Français, d'Espagnols et de Hollandais, cantonnés dans les environs de Hambourg, et qui passèrent ensuite dans la Fionie et le Jutland. On sait comment le général espagnol La Romana s'échappa, à l'aide des Anglais, avec 10,000 hommes. Il n'emmena que ceux qui étaient en Fionie. La division Kindelan, qui se trouvait dans le Jutland, ne vonlut pas se rendre aux ordres de La Romana. La modération du prince de Ponte-Corvo dans son gouvernement, la sagesse de son administration, ses efforts pour réparer les malheurs qui accablaient depuis long-temps ces contrées, lui concilièrent l'affection et l'estime de tous leurs habitans. Nous verrons bientôt le résultat de l'impressión que la justice, l'humanité, les talens du général français, produisirent sur ces peuples. La guerre que l'Autriche déclara à la France, au commencement de 1809, ramena le prince de Ponte-Corvo sur le champ d'honneur. Il reçut le commandement du 9 corps, presque entièrement composé de Saxons; le 17 mai, il engagea et battit les ?

Autrichiens en avant du pont de Lintz. Ayant ensuite opéré sa jonction avec la grande-armée, il assista à la bataille de Wagram, où il était placé à l'aile gauche, contre laquelle le prince CHARLES dirigea des forces considérables. L'attaque fut des plus vives; les Saxons se battirent avec un courage admirable. Wagram fut pris et repris par eux. Pendant deux heures ils arrêtè rent les Autrichiens au milieu du village enflammé. Leur perte é tait considérable. Une division française, commandée par le général Dupas, faisait partie du 9me corps. Le prince de Ponte-Corvo lui ordonna d'avancer pour soutenir les Saxons. Le général Dupas répondit qu'il avait ordre de garder sa position; cetté réponse inattendue, de la part d'un général qui appartenait au corps d'armée à sa disposition, le frappa de surprise et d'indignation. Il s'occupa d'abord à sauver ce qui restait de Saxons, et après avoir acquis la certitude que le général Dupas avait en effet reçu des ordres supérieurs, contraires aux siens, il se rendit en hâte au quartier-général pour informer l'empereur de ce qui venait de se passer. Il se plaignit énergiquement de cette violation des règles militaires, et dit, entre autres choses, « que si c'était dans la vue » de le faire périr, on avait des >> moyens moins odieux que celui » de sacrifier avec lui tant de bra» ves gens. » Ce n'était ni de l'empereur, ni de son armée qu'il se plaignait, mais de celui ou de ceux qui, par haine ou par jalousie, s'étaient portés à ce qu'il

considérait comme un véritable guet-à-pens. L'empereur le jugea ainsi, et chercha à le calmer, en lui disant « que c'était une de >> ces erreurs ou de ces méprises »inévitables dans un si grand mou. »vement. » Mais Bernadotte ne voulant plus s'exposer à de pareilles chances, demanda et obtint son congé. Cette anecdote a été dénaturée dans plusieurs Biographies. Nous la tenons, telle qu'elle vient d'être racontée, d'un témoin oculaire. Il y avait quinze jours que Bernadotte était de retour à Paris, lorsqu'on recut la nouvelle du débarquement des Anglais à Walcheren. Il fut chargé, par le conseil des ministres, de repousser cette agression.. Malgré le mauvais état de sa santé, il n'écouta que la voix du devoir, et accepta sans hésiter cette nouvelle mission. Cependant les moyens de défense manquaient totalement. Le maréchal eut besoin de toute son activité pour créer des ressources. En un moment les gardes nationales furent organisées; la multiplicité des marches et des contre marches trompa l'ennemi, qui crut que le général français avait à sa disposition des forces considérables. Dès le mois de septembre, Bernadotte força les Anglais d'évacuer l'île de Sud-Bévéland, et, le 30 du même mois, celle de Walcheren. L'ennemi retiré. et la paix conclue avec l'Autriche, le prince de Ponte-Corvo remit son commandement au maréchal Bessières, et revint à Paris, où le roi de Saxe, alors dans cette capitale, lui conféra la décoration de l'ordre de Saint-Henri. Il vivait

dans la retraite, ne s'occupant que du rétablissement de sa santé, lorsque la mort funeste du prince de Sleswig Augustenbourg, arrivée le 28 mai 1810, vint l'arracher à sa vie paisible. Les Suédois sentaient qu'ils avaient besoin d'un prince qui sût manier l'épée, et qui eût assez d'habileté dans l'administration pour réparer les maux qu'ils avaient soufferts. Le souvenir de ce qu'ils devaient au prince de Ponte-Corvo était encore présent à leur pensée; ils lui connaissaient toutes les qualités qu'ils pouvaient désirer. Les états furent assemblés après la mort du prince d'Augustenbourg, pour assurer la succession au trône; ce furent ces états, composés des quatre ordres représentant la nation, qui, d'une voix unanime, après deux mois de recherches et de délibérations, proclamèrent le maréchal Bernadotte prince royal. Jamais légitimité n'eut une source plus pure. Le roi Charles XIII l'adopta pour son fils. On a beaucoup parlé de ce qui se passa alors entre Bernadotte et Napoléon. Voici à ce sujet des faits curieux et positifs. Lorsque la diète suédoise s'assembla à Orebro pour l'élection d'un prince royal, l'empereur, ne se doutant pas que l'on songeât au prince de Ponte-Corvo, qui luimême ne savait encore rien à cet égard, témoigna le désir que le choix de la diète tombât sur le roi de Danemark. Ilparut même, dans le Journal de l'Empire, qui était alors semi-officiel, un petit article de cinq à six lignes, qui indiquait ce choix. Le chargé d'affaires de France à Stockholm, Dé

saugiers, qui avait épousé une Danoise, prit cet article pour un indice certain de l'intention de l'empereur, et se hasarda même de donner une note dans ce sens. Mais dans l'intervalle, il était arrivé à Paris trois personnages marquans de la diète, chargés de sonder les dispositions du prince de Ponte-Corvo, dans le cas où il serait nommé. Il répondit qu'étant sujet de l'empereur, il ne pouvait disposer de lui-même sans son autorisation. Les députés obtinrent une audience de Napoléon, qui leur assura qu'il ne s'opposerait en rien à une élection libre de la diète; qu'il n'y voulait avoir aucune influence; mais que si leur choix tombait sur le prince de PonteCorvo, il consentirait à son élévation Le jour même, il ordonna le rappel de Désaugiers. Il est donc certain que Napoléon. ne fit aucun usage de son influence dans cette occasion. Le choix de la diète officiellement connu, le prince de Ponte-Corvo fit profession pu blique de la religion réformée dans laquelle il avait été élevé, et prit, le 2 octobre 1810, congé de l'empereur, qui lui promit différentes concessions en faveur de la Suède. Malgré ces assurances, leur liaison n'en devint pas plus intime. Nous voici parvenus à la partie la plus importante de la vie de Bernadotte, et qui a été diversement envisagée selon les intérêts ou les passions des divers historiens. Nous allons rapporter des faits qu'on ne peut contester, et qui peuvent servir de base à l'opinion des contemporains comme au jugement de l'avenir. Les relations entre la Suède et la

France, après l'élection du nouveau prince royal, furent d'abord très-amicales. Les demandes réir térées de Napoléon n'éprouvèrent aucun refus. Le prince royal alla même juqu'à obtenir que la Suè de, contre ses intérêts les plus manifestes, déclarât la guerre à la Grande-Bretagne. Napoléon commença bientôt à traiter le prince royal de Suède avec aussi peu de ménagement que les rois qu'il avait placés lui-même sur divers trônes, et qu'il considérait comme ses lieutenans. Mais Bernadotte n'était pas dans la même position que le roi Murat ou le roi Jérôme; il tenait son rang de la volonté librement exprimée de le nation suédoise, et les intérêts de cette nation devaient l'emporter chez lui sur les intérêts de Napoléon, même sur ses propres affections. Les Suédois se plaignaient des corsaires français qui saisissaient leurs bâtimens; les décisions mêmes du conseil des prises n'avaient plus d'autorité lorsqu'elles se trouvaient favorables aux Suédois. L'occupation, imprévue de la Pomeranie, sans que Napoléon daignât s'expliquer sur les motifs de cette agression, exalta le mécontentement de la Suède, mécontentement que l'am bassadeur Alquier, très- fidèle à ses instructions, ne cherchait nullement à affaiblir. Ces circonstances amenèrent l'entrevue du prince royal avec l'empereur Alexandre dans la ville d'Abo, en mars 1812, et le traité qui en fut. la suite. Ainsi tombe le reproche. que quelques biographes ont fait au prince royal de ne s'être déclaré contre Napoléon qu'après

les revers de la campagne de Russie. La correspondance entre le prince et Napoléon qui a été publiée en 1815, divers documens authentiques que nous avons sous les yeux, prouvent que ce n'était point contre la France, mais seulement contre le despotisme de Napoléon, que le prince royal de Suède croyait avoir pris les armes. Cette distinction était classique à cette époque pour les ennemis de la France; elle était plus naturelle à Bernadotte. On assure que pendant la désastreuse campagne de 1813, il engagea l'empereur à conclure la paix. Ce n'était pas un motif pour l'y décider. Bernadotte aurait-il été trompé par les alliés dans tous les événemens postérieurs au passage du Rhin? on l'ignore jusqu'à présent; quoi qu'il en soit, ce prince a été jugé avec une grande sévérité, et a dû s'atten; dre à l'être ainsi, par les Français. Peut-être a-t-on trop oublié qu'il avait une nouvelle patrie, et qu'u ne nation généreuse et indépendante lui avait confié sa défense et le soin de son honneur. Rien n'avait plus mécontenté la Suède que la perte de la Finlande que Napoléon avait abandonnée àl'em. pereur, Alexandre sans compensation. Peut-être aussi le prince. royal de Suède s'était-il, trop pressé de faire cause commune avec les nouveaux garans de sa future royauté: il le fit avec éclat, on ne peut en disconvenir.. Le 18 mai 1813, il débarqua à Stralsund avec 30,000 Suédois. C'est là que Moreau, dont la position était tout-à-fait différente de celle de Bernadotte, le vit à son. arrivée d'Amérique. Il serait à dé

sirer que l'histoire pût recueillir l'entretien qu'ils eurent ensemble. Le prince royal de Suède entra en campagne après avoir réu, ni sous ses ordres une armée de 100,000 hommes, tant Suédois que Russes et Prussiens, qui formait sous le nom d'armée du Nord la droite de la grande-armée alliée. Il se mit en marche, et après avoir obtenu un succès à Gros-Beeren, il gagna, le 6 septembre 1813, la bataille de Dennewitz sur les maréchaux Ney et Oudinot. Cette victoire sauva Berlin, et décida du succès de la campagne en empêchant Napoléon de profiter des avantages considérables qu'il avait remportés à Dresde. Le prince royal se dirigea ensuite à marches forcées sur Leipsick, dans le dessein de couper la retraite de l'empereur. Il arriva assez à temps pour attaquer les 16, 17 et 18 octobre, et eut une part assez importante au succès de ces journées, dont les résultats ont été si déplorables pour la France. Le 17, il entra dans Leipsick avec l'empereur de Russie et le roi de Prusse. Après la bataille de Dennewitz, le prince royal écrivit au maréchal Ney une lettre qui se terminait ainsi : «Quoi» que les intérêts que nous ser»vons soient différens, j'ai du >> plaisir à penser que nos senti» mens sont toujours restés les mê» mes, et je saisirai avec le plus » vif empressement toutes les oc»casions de vous assurer que je suis constant dans ceux que » vous m'avez connus pour vous. >> Depuis long-temps nous rava»geons la terre, et nous n'avons Dencore rien fait pour l'humanité,

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

>> La confiance dont vous jouissez »à si juste titre auprès de l'em» pereur Napoléon, pourrait, ce ine semble, être de quelque poids » pour le déterminer à accepter en» fin la paix honorable et généra→ »>le qu'on lui a offerte, et qu'il a »repoussée. Cette gloire, prince, » est digne d'un guerrier tel que » vous; et le peuple français rangerait cet éminent service au »nombre de ceux que nous lui »rendions, il y a vingt ans, sous » les murs de Saint-Quentin, en »combattant pour son indépen>> dance.» Dans le mois de décembre 1815, il arriva à Lubeck, et continua ensuite sa marche sur le Rhin; mais arrivé près de ce fleuve il hésita quelque temps à le passer. Enfin il entra dans Cologne, et publia une proclamation explicative de ses motifs, dont les derniers passages prouvent qu'en remplissant ses devoirs envers la Suède, il n'avait pas oublié son ancienne patrie. On sait qu'il était entièrement opposé au projet d'une invasion en France, qu'il fit tous ses efforts pour déterminer l'empereur Alexandre à s'arrêter sur le Rhin, et qu'il ne prit aucune part à la campagne, qui se termina par l'entrée des alliés à Paris; cette inaction lui a été vivement reprochée par le parti anti-libéral, ou plutôt anti-français, Ce ne fut qu'après l'abdication de Napoléon, que le prince royal vint à Par ris. On a prétendu que des raisons politiques l'empêchèrent de faire un long séjour dans ceite capitale. En effet, il ne tarda point à reprendre la route de la Suède, où la réception la plus flatteuse

« PreviousContinue »