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Gluck est susceptible, et le joue avec une intelligence peu commune. Le rôle d'Oreste est fort bien rendu par le sieur Larrivée ; on désirerait cependant qu'il ne mît pas une agitation si forcée et si continue dans la terrible scène des Euménides, dont il fait un vrai spectacle d'horreur. Les sieurs Le Gros et Moreau ont mérité les plus grands applaudissemens dans le rôle de Pylade et dans celui de Thoas.

Il faut mettre au nombre des ouvrages peu faciles à lire, mais pleins de philosophie, les Recherches historiques et critiques que vient de publier M. Dumont, sur l'administration publique et privée des terres chez les Romains (1). Les premiers chapitres traitent du partage des terres, et en donnent une idée plus juste que celle qui a prévalu jusqu'ici. On prouve que la fameuse répartition de deux journaux par tête ne fut jamais considérée comme un lot suffisant à l'entretien d'une famille, mais seulement comme la plus petite portion de terre qu'un citoyen pouvait posséder. On retrouve dans les plus anciens temps de la république, et même sous les rois, les notions les plus saines et les plus précises du droit de propriété. On examine les encouragemens accordés à l'agriculture, et les prohibitions qui devaient en arrêter les progrès. On ne dissimule ni le nombre des corvées et des prestations de toute espèce, qui étaient exigées des gens de campagne, ni l'autorité arbitraire de ceux qui gouvernaient les provinces, et l'on ne craint pas d'assurer que le despotisme le plus intolérable est celui des magistrats chargés, dans les républiques, du pouvoir exécutif.

(1) 1779, in-8°.

La seconde partie de l'ouvrage de M. Dumont contient une foule de détails curieux sur les différentes productions qui faisaient l'objet de l'agriculture romaine, sur l'emploi de plusieurs sortes de blés, sur leur culture et sur celle des légumes et des herbes potagères, sur celle de la vigne, de l'olivier, etc, etc. Au commencement du septième siècle de la république, les Romains ne connaissaient guère d'autres fruits que les figues, les noix, les pommes, les poires, les coings et les châtaignes. Mais un grand objet de commerce pour eux, c'était les fleurs: il y avait des champs entiers destinés à la culture des roses et des violettes, et les fleurs ne servaient pas seulement pour les parfums et pour la parure, mais encore pour la cuisine; on les employait à parfumer le vin et l'huile, et on les faisait entrer dans plusieurs ragoûts.

M. Dumont ne discute pas avec moins d'exactitude et d'érudition tout ce qui regarde le commerce des bestiaux, les piscines ou viviers, les abeilles, etc.

La dernière partie de son livre offre des vues plus générales. On y examine quelles furent les causes des progrès et de la décadence de l'agriculture chez les Romains. On observera qu'au commencement de la république, en moins de cent ans, ce peuple éprouva huit grandes famines. On fait voir que dans les premières époques de sa prospérité, la guerre, dont il fut sans cesse occupé, ne lui permit pas de donner plus d'essor, à l'agriculture; que ce n'est que lorsque ses conquêtes hors de l'Italie lui eurent procuré à la fois de grandes richesses et de grandes ressources pour sa subsistance, par les denrées qu'il fit venir des provinces soumises, que l'agriculture alors se tourna vers les objets qui ne pouvaient venir de l'étranger, tels que les fourrages, les bestiaux et tout ce

qui en est le produit, l'éducation des animaux qui servent à la cuisine, le jardinage, etc. M. Dumont fait voir ensuite que le luxe, qui avait perfectionné d'abord l'agriculture, ne tarda pas à la détruire, parce que les richesses et l'industrie ne subsistent pas long-temps ensemble, et que l'Italie, devenue indépendante de l'étranger, retomba dans la misère dès qu'elle perdit son empire sur les provinces de l'Afrique et de l'Asie. Il prouve encore d'une manière invincible que, dans quelque état de prospérité qu'ait jamais été l'agriculture des Romains, celle des modernes la surpasse infiniment. Ce qui scandalisera sans doute encore plus les enthousiastes de l'antiquité, c'est qu'il ose soutenir, par les preuves les plus frappantes, que l'influence de l'agriculture sur le gouvernement et sur les mœurs des Romains ne fut que très-faible et presque insensible, et que ce peuple, à qui nous prodiguons depuis si long-temps notre admiration, dut bien moins sa célébrité au bonheur qu'il s'est procuré, qu'au malheur dont il a accablé les autres nations... Cette opinion n'est pas nouvelle, et personne ne l'a développée avec plus d'esprit que l'ingénieux auteur de la Félicité publique (1).

JUIN.

Paris, juin 1779.

UN nouveau spectacle, établi l'année dernière à la Foire Saint-Laurent, vient d'attirer depuis deux mois et la ville et la cour, grace au prodigieux succès d'une es(1) Le marquis de Chastellux.

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La seconde partie de l'ouvrage de M. Dumont contient une foule de détails curieux sur les différentes productions qui faisaient l'objet de l'agriculture romaine, sur l'emploi de plusieurs sortes de blés, sur leur culture et sur celle des légumes et des herbes potagères, sur celle de la vigne, de l'olivier, etc, etc. Au commencement du septième siècle de la république, les Romains ne connaissaient guère d'autres fruits que les figues, les noix, les pommes, les poires, les coings et les châtaignes. Mais un grand objet de commerce pour eux, c'était les fleurs: il y avait des champs entiers destinés à la culture des roses et des violettes, et les fleurs ne servaient pas seulement pour les parfums et pour la parure, mais encore pour la cuisine; on les employait à parfumer le vin et l'huile, et on les faisait entrer dans plusieurs ragoûts.

M. Dumont ne discute pas avec moins d'exactitude et d'érudition tout ce qui regarde le commerce des bestiaux, les piscines ou viviers, les abeilles, etc.

La dernière partie de son livre offre des vues plus générales. On y examine quelles furent les causes des progrès et de la décadence de l'agriculture chez les Romains. On observera qu'au commencement de la république, en moins de cent ans, ce peuple éprouva huit grandes famines. On fait voir que dans les premières époques de sa prospérité, la guerre, dont il fut sans cesse occupé, ne lui permit pas de donner plus d'essor à l'agriculture; que ce n'est que lorsque ses conquêtes hors de l'Italie lui eurent procuré à la fois de grandes richesses et de grandes ressources pour sa subsistance, par les denrées qu'il fit venir des provinces soumises, que l'agriculture alors se tourna vers les objets qui ne pouvaient venir de l'étranger, tels que les fourrages, les bestiaux et tout ce

qui en est le produit, l'éducation des animaux qui servent à la cuisine, le jardinage, etc. M. Dumont fait voir ensuite que le luxe, qui avait perfectionné d'abord l'agriculture, ne tarda pas à la détruire, parce que les richesses et l'industrie ne subsistent pas long-temps ensemble, et que l'Italie, devenue indépendante de l'étranger, retomba dans la misère dès qu'elle perdit son empire sur les provinces de l'Afrique et de l'Asie. Il prouve encore d'une manière invincible que, dans quelque état de prospérité qu'ait jamais été l'agriculture des Romains, celle des modernes la surpasse infiniment. Ce qui scandalisera sans doute encore plus les enthousiastes de l'antiquité, c'est qu'il ose soutenir, par les preuves les plus frappantes, que l'influence de l'agriculture sur le gouvernement et sur les mœurs des Romains ne fut que très-faible et presque insensible, et que ce peuple, à qui nous prodiguons depuis si long-temps notre admiration, dut bien moins sa célébrité au bonheur qu'il s'est procuré, qu'au malheur dont il a accablé les autres nations... Cette opinion n'est pas nouvelle, et personne ne l'a développée avec plus d'esprit que l'ingénieux auteur de la Félicité publique (1).

JUIN.

Paris, juin 1779.

Un nouveau spectacle, établi l'année dernière à la Foire Saint-Laurent, vient d'attirer depuis deux mois et la ville et la cour, grace au prodigieux succès d'une es(1) Le marquis de Chastellux.

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