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Louis XVIII, roi de 1815 à 1824; Charles X, de 1824 jusqu'à son expulsion en 1830; Louis-Philippe, de 1830 à son expulsion en 1848 par la république provisoire : sur le trône d'Espagne, Charles IV ou plutôt sa femme, de 1788 à 1808; Ferdinand VII, pendant trois mois; Joseph Bonaparte, de 1808 à 1815; Ferdinand VII, de 1815 à 1833; sa fille Isabelle avec la guerre civile: sur le trône de Portugal et du Brésil, Marie Ire, de 1777 à 1816; Jean VI, de 1816 à 1826; Pedro ou Pierre Ier, empereur du Brésil, de 1822 à 1831, et remplacé par son fils Pierre II; Miguel, roi de Portugal, de 1826 à 1834, puis Marie II: sur le trône de Naples et de Sicile, Ferdinand IV ou plutôt sa femme Caroline, de 1759 à 1825; Joseph Bonaparte, roi de Naples, de 1805 à 1808; Joachim Murat, roi de Naples, de 1808 à 1815; François Ier, roi de Naples et de Sicile, de 1825 à 1830, puis son fils Ferdinand V : sur le trône de Stamboul, Sélim III, de 1789 à 1807, où il fut déposé, puis étranglé; Mustapha IV, de 1807 à 1808, où il fut déposé et étranglé comme il avait fait étrangler son cousin Sélim; Mahmoud II, de 1808 à 1838, puis son fils Abdul-Medjid : sur le trône du nouvel empire d'Anam, Tonquin et Cochinchine, Djia-Laong, de 1787 à 1820; Minh-Menh, de 1820 à 1841; son fils Thieu-Tri, de 1841 à 1847 sur le trône de Chine, Kia-Khing, de 1796 à 1820, ensuite son fils Toa-Kouang: sur le trône de Russie, l'empereur Alexandre, par la déposition et l'assassinat de son père, de 1801 à 1825; son frère Constantin un moment, puis Nicolas : sur le trône de Suède, après l'assassinat de Gustave III, son fils Gustave IV, de 1792 à 1809, où il fut détrôné au profit de son oncle Charles XIII, roi de 1809 à 1818, qui adopta pour son fils et successeur le soldat français Bernadotte, au préjudice de son petit-neveu sur le trône d'Angleterre, les Hanovriens Georges III, de 1760 à 1820; Georges IV, de 1820 à à 1830; Guillaume IV, de 1830 à 1857, puis sa nièce la reine Vietoire sur le trône de Sardaigne, Charles-Emmanuel, de 1796 à 1802; Victor-Emmanuel, de 1802 à 1821; Charles-Félix, de 1821 à 1831, puis Charles-Albert: sur le trône de Danemarck, Christian VII, de 1766 à 1808; Frédéric VI, de 1808 à 1848, puis Christian VIII, deux fois marié et deux fois divorcé sur le trône de Prusse, Frédéric-Guillaume III, de 1797 à 1840; son fils FrédéricGuillaume IV: sur le trône impérial d'Allemagne, puis d'Autriche, François II, puis Ier, de 1792 à 1835, ensuite son fils Ferdinand II: sur les débris de l'empire germanique, les trônes secondaires de Bavière, de Wurtemberg, de Saxe, de Hanovre, de Westphalie, de Belgique, de Hollande : trônes et royaumes qui risquent beaucoup en ce moment, août 1848, de s'amoindrir et de s'annuler dans

[Livre 91. la refonte constitutionnelle de l'unité allemande; sur les débris des colonies anglaises et espagnoles du Nouveau-Monde, une dizaine de républiques indépendantes, dont la principale, les EtatsUnis, marche de pair avec les premières puissances de l'univers.

Par son concordat avec le pape Pie VII, conclu en 1801, publié en 1802, Napoléon Bonaparte avait réconcilié la France avec le centre de l'humanité chrétienne et avec elle-même. C'était raffermir l'humanité entière sur les bases du christianisme. Car un ancien a dit : Ce que savent deux Français, tout le monde le sait, tant les Français sont communicatifs. Aujourd'hui, ce que font les Français, tout le monde veut le faire. Napoléon Bonaparte comptait bien profiter de cela pour son compte : mais la Providence y pourvoira.

La France de 1802 était plus grande que celle de Louis XIV: elle allait de l'Océan aux Alpes et au Rhin dans toute sa longueur: la république ligurienne, capitale Gênes, la république cisalpine, capitale Milan, et d'autres républiques ou principautés italiennes en étaient des appendices. Napoléon eut l'idée d'étendre la France du côté de l'est, comme au temps du grand roi Dagobert, sous lequel l'Austrasie, l'ost-ric ou la France de l'est, capitale Metz, allait de l'Auvergne jusqu'aux frontières de l'empire grec, y compris Vienne en Autriche, ost-ric, c'est-à-dire en la France de l'est, par distinction d'avec Vienne en la France du sud. Il comptait, du côté de l'ouest, l'étendre par l'Océan et par l'île SaintDomingue jusqu'en Amérique. L'Angleterre, qui dominait sur les eaux, s'aperçut de ce projet, et y mit obstacle.

Napoléon était premier consul, lorsqu'un émissaire secret du ministre anglais Pitt se présenta d'abord à son oncle, le cardinal Fesch, puis à lui-même. L'émissaire était Corse de nation, nommé Marseria, et capitaine au service de l'Angleterre. Il dit à Napoléon : < Vous vous faites une idée exagérée, injuste, des prétentions de l'Angleterre à votre égard; l'Angleterre n'a rien contre vous personnellement. Elle ne tient pas à la guerre qui la fatigue et lui coûte ses richesses. Elle en achettera même volontiers la fin au prix de maintes concessions que sans doute vous n'espérez pas; mais, pour vous donner la paix, elle vous impose une seule condition; c'est que vous l'aidiez à l'établir chez elle. Moi, répliqua Napoléon, eh! qu'ai-je à faire en Angleterre? Ce n'est pas mon rôle, je suppose, d'y mettre la concorde; d'ailleurs je ne vois pas comment j'y serais propre. Plus propre que vous ne pensez, continua Marseria en pesant ses paroles : l'Angleterre est déchirée de discordes intestines. Ses institutions se minent peu à peu, une sourde

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lutte la menace et jamais elle n'aura de tranquillité durable tant qu'elle sera divisée entre deux cultes. Il faut que l'un des deux périsse; il faut que ce soit le catholicisme. Et pour aider à le vaincre, il n'y a que vous. Etablissez le protestantisme en France, et le catholicisme est détruit en Angleterre. Etablissez le protestantisme en France, et, à ce prix, vous avez une paix telle assurément que vous la pouvez souhaiter.- Marseria, répliqua Napoléon, rappelez-vous ce que je vais vous dire, et que ce soit votre réponse : je suis catholique et je maintiendrai le catholicisme en France, parce que c'est la vraie religion, parce que c'est la religion de l'Eglise, parce que c'est la religion de la France, parce que c'est celle de mon père, parce que c'est la mienne enfin; et, loin de rien faire pour l'abattre ailleurs, je ferai tout pour la raffermir ici. Mais, remarquez donc, reprit vivement Marseria, qu'en agissant ainsi, en restant dans cette ligne, vous vous donnez des chaînes invincibles, vous vous créez mille entraves. Tant que vous reconnaîtrez Rome, Rome vous dominera; les prêtres décideront audessus de vous; leur action pénétrera jusque dans votre volonté; avec eux, vous n'aurez jamais raison à votre guise; le cercle de votre autorité ne s'étendra jamais jusqu'à sa limite absolue, et subira au contraire de continuels empiétements. - Marseria, il y a ici deux autorités en présence: pour les choses du temps, j'ai mon épée, et elle suffit à mon pouvoir; pour les choses du ciel, il y a Rome, et Rome en décidera sans me consulter; et elle aura raison! c'est son droit. Mais, reprit de nouveau Marseria, vous ne serez jamais complètement souverain, même temporellement, tant que vous ne serez pas chef de l'Eglise, et c'est là ce que je vous propose; c'est de créer une réforme en France, c'est-à-dire une religion à vous. Créer une religion! répliqua Napoléon en souriant; pour créer une religion, il faut monter sur le Calvaire, et le Calvaire n'est pas dans mes desseins. Si une telle fin convient à Pitt, qu'il la cherche lui-même; mais pour moi je n'en ai pas le goût 1. >>

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On le voit, ce qui fait peur à l'anglican Pitt, c'est la force et l'influence prodigieuse que donne à la France l'unité du catholicisme. S'il pouvait la diviser par le protestantisme comme l'Angleterre, il n'en aurait plus peur. Napoléon n'eut garde de donner dans ce piége. Le ministère anglais lui en tendit un autre: ce fut de le faire assassiner. Certains royalistes de Bretagne acceptèrent d'être les séides de l'Angleterre. C'est un écrivain royaliste qui nous garantit

Vie du cardinal Fesch, par l'abbé Lyonnet, t. 2, p. 760 et seqq.

le fait. Michaud, fondateur et principal rédacteur de la Biographie universelle, nous dit en parlant de Pierre Robinaut SaintRejant, Supplément, tome quatre-vingt, page 599: « Ce fut Georges Cadoudal qui, vers la fin de l'année 1801, le chargea d'une mission aussi difficile que périlleuse : ce fut d'aller secrètement à Paris pour y tenter par tous les moyens de faire périr le consul Bonaparte, récemment arrivé au pouvoir souverain, et dont les succès et les ambitieux projets, dès-lors compris par le ministère britannique, l'inquiétaient vivement sur l'avenir de la puissance anglaise. Cette étonnante mais incontestable prévision du célèbre Pitt eut une grande influence sur les événements de cette époque, on ne peut en douter; et ce fut surtout cette profonde et prévoyante pensée qui décida la terrible entreprise de la machine infernale. Il n'est que trop vrai que, dans cette occasion comme dans beaucoup d'autres, les royalistes français, croyant servir leur noble cause, ne furent que les aveugles instruments des vengeances et de la cupidité britanniques. Témoin de cet événement et bien placé pour en observer les causes et les conséquences, nous pouvons affirmer que c'est ainsi que nous le comprimes dès le premier jour. Tout ce qui s'est passé depuis n'a fait que nous confirmer dans cette opinion. Ce fut dans le mois d'octobre 1801 que Saint-Rejant partit de Londres avec Georges Cadoudal et son ami Limolan. Ce dernier le suivit dans la capitale. Georges resta en Bretagne, où il fut l'intermédiaire des conjurés avec l'Angleterre. » Voilà ce que dit l'écrivain royaliste. Le résultat fut un effroyable instrument de destruction, que l'on a très-bien nommé la machine infernale, placé sur une charrette au milieu de la rue. Le vingt-quatre décembre 1801, Saint-Rejant y mit le feu, au moment que le premier consul passait dans une voiture. L'explosion se fait avec un horrible fracas. Les maisons voisines en sont ébranlées, renversées. Beaucoup de passants furent atteints. Il y en eut douze de tués sur place, et une trentaine de grièvement blessés. La charrette et le cheval furent mis en pièces, ainsi que la petite fille de douze ans à qui SaintRejant avait donné dix sous pour tenir le cheval, la vouant ainsi à une mort inévitable. Le premier consul échappa comme par miracle, son cocher, qui était ivre, ayant forcé le passage et gagné deux secondes sur l'explosion. Dans la nuit du vingt-trois au vingtquatre mars de la même année, un ami de Napoléon, l'empereur Paul de Russie, avait été étranglé par ses officiers, avec la connivence de son fils Alexandre. Le coup contre Napoléon, manqué en 1801, fut repris en 1803. Le même écrivain royaliste nous dit en la biographie de Napoléon, tome soixante-quinze, page 142: « Pressés

et sollicités par les ministres anglais, les deux personnages alors les plus remarquables de ce parti (le parti royaliste), Pichegru et Georges Cadoudal, ne craignirent pas de venir clandestinement à Paris, avec une cinquantaine d'anciens Vendéens ou émigrés, comme eux dévoués à la cause des Bourbons, pour renverser le gouvernement existant. Ils y bravèrent pendant plusieurs mois les plus grands périls, décidés à attaquer ouvertement, à immoler sous leurs coups la personne du premier consul, persuadés qu'ils étaient que les conséquences de ce meurtre seraient le rétablissement de l'ancienne monarchie, et que, pour cela, ils se verraient secondés par le ministère anglais. » Les conjurés s'associèrent le général Moreau; mais ils furent découverts et arrêtés tous les trois. Pour mettre fin à ces complots royalistes contre sa vie, Napoléon usa de terribles représailles. Il fit arrêter le duc d'Enghien dans le pays de Bade, transférer à Paris, juger par une commission militaire, qui le fit fusiller dans les fossés de Vincennes, la nuit du vingt au vingt-un mars 1804. Napoléon dit à ce sujet dans son testament de mort : « J'ai fait arrêter et juger le duc d'Enghien, parce que cela était nécessaire à la sûreté, à l'intérêt et à l'honneur du peuple français, lorsque le comte d'Artois entretenait, de son aveu, soixante assassins dans Paris. » Le royaliste Michaud cite cette accusation contre le comte d'Artois, depuis Charles X, sans la démentir. L'exécution du duc d'Enghien mit fin aux complots homicides des royalistes. L'empereur Alexandre de Russie ayant fait de grandes plaintes de ce que le gouvernement français avait violé le territoire de Bade, le gouvernement français lui fit cette demande Lorsque, à l'instigation de l'Angleterre, certains individus complotaient le meurtre de l'empereur Paul, ne se seraiton pas efforcé en Russie de saisir les auteurs du complot, si on les avait sus à une lieue de la frontière ? Cette demande était un terrible argument pour Alexandre, complice du meurtre de son père.

Napoléon, en disciplinant l'énergie révolutionnaire de la France, la tournait à de grandes choses, se rendre lui et elle souverain de l'Europe, et par là même du monde. Car, avec l'unité politique et militaire de la France et de l'Europe, jointe à l'unité intellectuelle et religieuse de l'Eglise universelle, rien ne pouvait plus résister. La France, devenue l'Europe, pouvait saisir, d'un bras, l'Afrique et l'Amérique, de l'autre, l'Asie jusqu'à la Chine et au Japon, et former l'univers entier à son image et sa ressemblance.

'Menzel. Hist. des Allemands, t. 12, seconde section, p. 445.

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