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larmes. Un pacha voulut aussi concourir à rehausser l'éclat de cette solennité, et, comme témoignage de sa prédilection pour notre culte, il envoya ses musiciens à la procession de Constantinople. Daigne le Seigneur favoriser de si beaux commencements, et hâter les jours de consolation que l'Orient semble promettre à l'Eglise! >

Voilà ce qu'écrivait en 1840, sur l'état du mahométisme en Turquie, le supérieur actuel des missionnaires et des sœurs de saint Vincent de Paul.

Le brahmisme et le bouddhisme, qui règnent depuis l'Inde jusqu'au Japon, peuvent être regardés comme deux religions philosophiques, dans ce sens que ce sont les philosophes de l'Inde et d'au-delà, les brahmes, les samanéens et autres qui les soutiennent et les exploitent. Ce qu'elles ont de commun, c'est l'unité de l'Etre suprême, c'est une idée informe de trinité divine, qui va se reproduisant, sans fin et sans terme, jusque dans les moindres créatures, en sorte que tout est Dieu et que tout doit être adoré par la plus grossière des idolâtries. C'est l'incarnation de la seconde personne divine, répétée déjà jusqu'à dix fois, à la dernière desquelles cette personne incarnée fut Bouddha.

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Ce que le brahmisme a de particulier, c'est de poser, comme un point fondamental de dogme, de morale et de politique, la distinction de quatre castes les brahmes ou savants, parmi lesquels les prêtres se nomment gourous; les guerriers, les marchands, les artisans. Ceux qui sont excommuniés, et qui dès-lors ne peuvent appartenir à aucune caste, sont appelés parias. Il y a des provinces où ils forment la plus grande partie de la population.

Le bouddhisme repousse les castes, et il paraît même que c'est pour cela qu'il a rompu avec le brahmisme. Au gouvernement civil et religieux des castes, qui continue dans l'Inde, le bouddhisme a substitué pour la religion une hiérarchie de personnes. Il suppose que Bouddha, la divinité incarnée, renaît par la métempsycose dans chacun des pontifes qui lui succèdent. Ces pontifes, qui se fixèrent au Tibet dans le treizième siècle, empruntèrent alors tout l'extérieur de l'Eglise romaine la subordination des patriarches au Pape, des archevêques aux patriarches, des évêques aux archevêques, etc.; les monastères, les processions, et jusqu'à la tonsure cléricale. Ils apprirent tout cela, non-seulement des diverses sectes chrétiennes répandues dans l'Asie, mais des missionnaires catholiques que le Pape et le roi saint Louis envoyaient à l'empereur des Mogols, alors maître de toute l'Asie occidentale; ils purent l'apprendre en particulier de l'archevêque catholique qui résidait

alors à Péking et qui exerçait publiquement son culte. Voilà des choses que le savant Abel Rémusat a mises hors de doute.

Or, ce que le bouddhisme a fait dans le treizième siecle, il a pu le faire, aussi bien que le brahmisme, dans les siècles antérieurs, em→ prunter aux juifs et aux chrétiens quelques vérités et quelques pratiques, pour s'en glorifier ensuite comme de leur invention. On suppose volontiers que dans les plus anciens temps il n'y avait point de communication de l'Occident avec l'Inde et la Chine. Nous voyons le contraire par l'Ecriture sainte et par les auteurs profanes. Le livre d'Esther nous montre l'Inde, faisant une des provinces de l'empire persan, à une époque où la religion des juifs était connue et célébrée partout. Hérodote, de son côté, indique la route terrestre et les stations que suivaient les marchands pour aller du Pont-Euxin à la Chine; et le savant Heeren a prouvé que ces indications sont exactes, et que cette route par terre et ces stations sont encore les mêmes aujourd'hui. Klaproth a trouvé que, dans le siècle qui précède et dans le siècle qui suit la naissance du Christ, l'empire chinois et l'empire romain se touchaient sur les bords de la mer Caspienne, et qu'ils se connaissaient bien l'un l'autre. Vers le milieu du quatrième siècle, Ammien Marcellin, qui accompagnait Julien l'Apostat dans son expédition contre les Perses, dit posititivement que l'empire des Perses comptait alors la Chine parmi ses provinces. Rien n'a donc été plus facile au brahmisme et au bouddhisme que d'emprunter aux juifs et aux chrétiens, comme il a été facile aux protestants modernes d'emprunter au catholicisme. Mais comme, dans le brahmisme et dans le bouddhisme, non plus que dans les protestantismes d'Europe, il n'y a aucune autorité divinement assistée pour discerner le vrai du faux et fixer le langage avec la doctrine, les idées y sont dans un irrémédiable chaos. On y reconnaît cet empire où il n'y a nul ordre, mais une confusion éternelle. Sous ce rapport, le brahmisme ressemble au protestantisme allemand, et le bouddhisme au protestantisme anglican. Dans le premier, il n'y a d'hiérarchie que les savants ou les brahmes; dans le second, il y a une hiérarchie, mais qui n'est qu'une contrefaçon morte de la hiérarchie vivante de l'Eglise de Dieu. Nous avons vu les protestantismes d'Allemagne et d'Angleterre commencer à tourner leurs regards vers l'Eglise catholique, d'où ils se sont détachés. On croirait que la Providence divine prépare quelque chose de semblable pour le brahmisme de l'Inde et le bouddhisme de la Chine.

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Dans le Tibet et l'Indoustan, il y a deux évêques catholiques, un évêque et son coadjuteur, résidant tour à tour dans les villes d'Agra

ou de Delhy, avec douze missionnaires. Un séminaire y a été fondé par une princesse indienne convertie au catholicisme, en même temps que le royaume de Lahore, par l'estime qu'y ont inspirée des généraux français, ouvre aux conquêtes évangéliques une nouvelle carrière. En 1844, le vicaire apostolique d'Agra comptait vingt prêtres; de plus, une colonie de sœurs lui était arrivée de Lyon et avait établi un pensionnat.

Dans le Bengale, un évêque catholique à Calcutta; un à Bombay, avec un coadjuteur; un à Madras, avec un coadjuteur; un à Pondichéry; un dans le Malabar, avec un coadjuteur; un dans l'île de Ceylan, avec deux cent mille catholiques. Il y a quarante ans, sous la domination hollandaise, le catholicisme était persécuté dans l'île de Ceylan, et le boudhisme favorisé. Depuis que cette île appartient aux Anglais, le catholicisme y fait des progrès merveilleux. En 1820, sur son lit de mort, le roi Gia-Long, d'Anam, empire qui comprend le Tong-King et la Cochinchine, défendait étroitement à Minh-Menh, son fils et son successeur, de jamais persécuter la religion chrétienne. Or ce fils, qui, dans son père, doit le trône aux chrétiens de France et aux chrétiens de son empire, se montrera, une grande partie de son gouvernement, le persécuteur cruel des uns et des autres, et cela sans autre motif que sa haine contre la religion chrétienne. Cette haine perça dès les premières années de son règne : son capitaine des gardes, qui était chrétien, en fut une des premières victimes. Elle éclata surtout le six janvier 1833, par un sanglant édit de persécution. Tous les chrétiens, dont la nombre s'élève dans ce royaume à plus de cinq cent mille, devaient fouler aux pieds la croix pour marque de leur apostasie, ou bien mourir dans les plus cruels tourments. Et depuis sept ans, cet édit s'exécute par la prison, par la torture, par la mort. Les principaux martyrs sont deux évêques, Ignace Delgado et Dominique Hénarès; un grand nombre de prêtres, tant européens qu'indigènes, parmi eux cinq prêtres français, MM. Gagelin, Jaccard, Marchant, Cornay, Doumoulin-Borie. Quant aux fidèles de tout âge et de tout sexe qui ont souffert pour Jésus-Christ, le nombre n'en est pas

connu.

L'âge le plus tendre a ses héros. « Mandarins, dit un enfant de dix ans, donnez-moi un coup de sabre au cou, afin que je m'en aille dans ma patrie. Où est-elle, ta patrie? - Elle est au ciel. - Où sont tes parents? Ils sont au ciel; je veux aller auprès d'eux : donnez-moi un coup de sabre pour me faire partir. » Les mandarins eurent pitié de sa jeunesse, et lui refusèrent le coup de sabre qu'il appelait de tous ses désirs.

Ce ne fut pas le seul fait de ce genre. En la même année, 1838, on arrêta trois chrétiens: Jacques Nam, prêtre anamite, Antoine Dich, riche propriétaire, chez qui le prêtre était caché, et Michel Mi, maire de la commune et gendre d'Antoine. Comme ce dernier était un vieillard de soixante-neuf ans, fort sensible à la douleur, son gendre demanda et obtint de souffrir la torture et pour luimême et pour son vieux père. Michel reçut ainsi, dans l'espace de quarante jours, cinq cents coups de verges, qui chaque fois mettaient sa chair en lambeaux, sans que jamais il poussât un soupir. Antoine Dich reçut encore de sa famille les plus pressantes exhortations à persévérer jusqu'à la mort dans la fidélité au Seigneur. L'un de ses huit enfants alla se présenter au grand-mandarin, lui promettant huit barres d'argent, s'il consentait à le laisser souffrir et mourir à la place de son père. Le mandarin donna des élogesà son dévouement, mais n'osa pas souscrire à sa demande. Michel Mi éprouva aussi de bien douces consolations de la part des siens : sa femme l'alla voir plusieurs fois avec son dernier enfant encore à la mamelle, l'exhorta à ne point s'inquiéter d'elle, à se tenir tranquille sur le sort de ses quatre petits enfants, ajoutant qu'avec la gráce de Dieu, elle espérait pouvoir les nourrir et les élever, quoique seule. La fille de Michel Mi, âgée de onze ans, s'échappa un jour furtivement de la maison paternelle pour aller voir le saint confesseur dans sa prison. Elle fit toute seule une demi-journée de chemin, traversa sans crainte les soldats et les gardes, et pénétra jusqu'à son père, qu'elle encouragea à mourir plutôt que de fouler la croix aux pieds. Un de ses petits garçons, nommé Thang-Tuong, à peine âgé de neuf ans, lui fit dire aussi, par ceux qui allaient le voir, de ne point abandonner la religion, de souffrir plutôt le martyre, afin d'aller tout droit au ciel; de ne pas être en peine de ses enfants, que le bon Dieu, qui les avait fait naître, saurait bien en prendre soin.

Enfin les persécuteurs, las de lutter contre une constance qui s'affermissait dans les épreuves, rendirent un arrêt de mort contre les saints confesseurs. Peu de jours après, un décret royal confirma la sentence, et le lendemain ils furent conduits au supplice. Cette fois, les mandarins redoublèrent de précaution pour contenir la foule avide de recueillir le sang des martyrs; car leur amour-propre était piqué de voir qu'on respectât comme des saints ceux qu'ils frappaient comme des malfaiteurs. Mais plus ils voulaient inspirer de crainte, plus la foule se pressait sur le passage des condamnés, afin d'applaudir à leur dernier combat. Les éloges qu'on donnait à leur courage, les larmes d'attendrissement qui mouillaient tous les

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