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<< Où est cette antique, bien-aimée et seule béatifiante croyance au gouvernement de Dieu sur la terre? où, cette céleste confiance des hommes les uns dans les autres? où, cette douce piété qu'exhale une âme inspirée de Dieu? où, cet esprit de la chrétienté, embrassant tout? Le christianisme est de trois formes. L'une est l'élément générateur de la religion comme plaisir à tout ce qui est religieux. Une seconde, la médiation en général, comme croyance que tout ce qu'il y a de terrestre peut devenir pain et vin de l'éternelle vie. Une troisième, la croyance en Jésus-Christ, à sa mère et aux saints. Choisissez celle que vous voulez, choisissez toutes les trois, c'est tout un, par là vous deviendrez chrétiens et membres d'une communauté unique, éternelle, ineffablement heureuse. Christianisme appliqué, vivant, voilà ce qu'était la vieille foi catholique, la dernière de ces formes. Son omniprésence dans la vie, son amour pour l'art, sa profonde humanité, l'inviolabilité de ses mariages, son affectueuse communicabilité, son plaisir à la pauvreté, à l'obéissance et à la fidélité ne permettent pas de méconnaître en elle la religion véritable et renferment les traits fondamentaux de sa constitution. De l'enceinte sacrée d'un vénérable concile d'Europe ressuscitera la chrétienté, et l'affaire de la résurrection religieuse se poursuivra d'après un plan divin, qui embrasse tout. Nul ne protestera plus contre une contrainte chrétienne et séculière, car l'essence de l'Eglise sera vraie liberté, et toutes les réformes nécessaires s'exécuteront sous sa direction comme des procédures pacifiques. A quelle époque, et à quelle époque plus rapprochée? Il ne faut pas s'en inquiéter. Seulement de la patience, il viendra, il viendra nécessairement le saint temps de l'éternelle paix, où la nouvelle Jérusalem sera la capitale de l'univers. Et jusque-là, soyez sereins et courageux parmi les périls du temps; vous qui partagez ma croyance, annoncez par la parole et par les œuvres le divin évangile, et demeurez fidèles jusqu'à la mort à la foi véritable, infinie. » Ainsi s'exprimait Novalis en 1799. Mais il mourut trop tôt pour que la constellation de jeunes littérateurs dont il était le centre réalisât complètement cette tendance vers le catholicisme. Malgré cela, l'Allemagne vit un grand nombre de conversions.

Avant d'entrer dans ce détail, le catholique peut faire encore, sur la masse des protestants de nos jours, une observation qui ne sera pas peu consolante. D'abord, il est certain que tous les enfants qui ont reçu le baptême et qui n'ont pas encore embrassé l'erreur avec

'Menzel, t. 12, c. 18.

connaissance de cause et avec opiniâtreté, appartiennent à l'Eglise catholique et non point à l'hérésie. Ce qui donne déjà à l'Eglise plus de la moitié de la population protestante.

Ensuite, ce qui est vrai des enfants, l'est aussi des personnes adultes qui en conserveraient la simplicité, l'humilité et la bonne foi, sans jamais embrasser l'erreur avec opiniâtreté et connaissance de cause. Dieu seul peut savoir combien il y a de ces personnes, et qui elles sont. Mais il y a lieu de croire que le nombre n'en est pas petit. Les protestants de nos jours ne sont plus les protestants du seizième siècle. Sauf quelques sectes nouvelles, la masse des populations protestantes est revenue de bien des préjugés. Par exemple, quel honnête protestant voudrait soutenir aujourd'hui que les bonnes œuvres sont des crimes? Rien que de le penser lui ferait horreur. Et cependant c'est un dogme capital de Luther et de Calvin. De plus, depuis que dans leurs prêches on ne crie plus tant contre l'Eglise romaine, les populations reviennent naturellement à plusieurs de ses usages, d'ailleurs si pieux et si consolants, comme d'invoquer les saints, de prier pour les morts. Il y en a plus d'un exemple en Allemagne. Nous avons eu occasion de recevoir au sein de l'Eglise un luthérien de Saxe, qui était catholique sans le savoir, croyant en détail tout ce que l'Eglise catholique croit et enseigne, se persuadant même que son superintendant de Bautzen était en communion avec l'évêque de Rome. Aussi n'avons-nous pas été étonnés d'apprendre que, dans certaines contrées, il y a bon nombre de personnes, extérieurement protestantes, qui sont secrètement catholiques, à la connaissance toutefois du curé et de l'évêque, et avec l'autorisation du Pape, en attendant une occasion favorable pour se déclarer ouvertement. On nous a même cité une ville où, de temps à autre, une voiture vient prendre un prêtre catholique à l'entrée de la nuit, le conduit à une maison de campagne habitée par une famille protestante: là, il passe les nuits à confesser les personnes de la famille, à leur dire la messe et à les communier. On pourrait donc dire, croyons-nous, sans se tromper beaucoup, que les protestants de nos jours sont généralement plus catholiques qu'ils ne le pensent, et que, pour bon nombre d'entre eux, il n'y a peut-être qu'à changer de nom. Prions Dieu qu'il leur fasse à tous la grâce de suivre l'exemple de ceux dont nous allons parler.

L'Allemagne qui a vu naître, il y a trois siècles, la révolution religieuse de Luther, est aussi le pays qui depuis une trentaine d'années voit les plus éclatantes conversions, surtout parmi les personnes de familles souveraines. En 1817, le duc de Saxe-Gotha,

TOME XXVIII.

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proche parent du roi d'Angleterre, édifiant à la fois, par sa tendre piété, et les protestants et les catholiques. En 1822, le prince Henri-Edouard de Schoenbourg, veuf de la princesse Pauline de Schwartzenberg. En 1826, le comte d'Ingenheim, frère du roi de

Prusse.

Le duc Adolphe-Frédéric de Mecklenbourg-Schwerin, né le dixhuit décembre 1785, et quatrième fils de Frédéric-François, grandduc de Mecklenbourg, et de Louise de Saxe-Gotha. Dès sa jeunesse, il montra beaucoup de penchant pour la religion catholique, et ce penchant se fortifia par le soin qu'il prit de lire de bons ouvrages. Le jeune prince en vint au point de demander à son père la permission de changer de religion : elle lui fut refusée; et, pour lui faire perdre son envie, on lui ordonna de voyager, et on le mit sous la conduite d'un gouverneur qui devait le conduire dans les diverses universités protestantes d'Allemagne, et à qui il était recommandé surtout d'empêcher que son élève ne fréquentât les catholiques ou ne lût leurs ouvrages. Mais cette défense ne changea point les dispositions du jeune prince, qui trouvait, dans les livres protestants mêmes, des motifs d'éloignement pour leur doctrine. Il exposait ses doutes à son gouverneur, qui tâchait de les résoudre de son mieux, mais qui, d'ailleurs, en homme sage et modéré, s'abstenait de ces imputations de fanatisme et d'imposture que tant de protestants se permettent encore contre les catholiques. Charmé lui-même de la solidité d'esprit du prince, et voyant l'inutilité des précautions prises pour le détourner de son projet, il finit par lui permettre de lire les livres catholiques, et se contenta de rendre au père de son élève compte des sentiments de cet intéressant jeune homme. C'est alors que le prince Adolphe lut l'Exposition de la doctrine de l'Eglise catholique, de Bossuet, lecture qui fit sur lui une profonde impression et le décida tout-à-fait. On a vu un exemplaire de l'ouvrage sur lequel il avait exposé en abrégé les principaux motifs de sa conversion. Enfin, après bien des instances, il obtint du prince son père la liberté de suivre les mouvements de sa conscience, mais à condition qu'il ferait son abjuration loin de sa famille, et qu'il resterait en pays étranger. On lui assigna seulement une certaine somme par an. Le prince Adolphe fit son abjuration à Genève. Il alla ensuite à Fribourg en Suisse, où il menait la vie la plus édifiante. Sa piété, son assiduité aux pratiques de la religion, ses entretiens, qui annonçaient assez la vivacité de sa foi, tout chez lui était d'un grand exemple. On était touché er outre de la simplicité de ses manières, de la franchise de son caractère et de la solidité de son esprit. Le prince se rendit ensuite à Rome, où il ne

se fit pas moins estimer. Ce fut pendant son séjour dans cette capitale qu'il perdit successivement son père et son frère aîné. Celui-ci s'était toujours montré très-opposé à la conversion du prince. Ces événements rappelèrent le prince Adolphe dans sa famille; mais il ne devait pas jouir long-temps du plaisir de la revoir : une maladie. l'emporta à l'âge de trente-sept ans.

Le prince Frédéric-Auguste-Charles, troisième fils du grand-duc de Hesse-Darmstadt, né le quatre mai 1788. Pour le féliciter de son retour à l'Eglise catholique, et répondre en même temps aux lettres qu'il en avait reçues, notre saint-père le pape Pie VII lui adressa, le six janvier 1818, un bref plein d'une tendresse paternelle.

Le duc d'Anhalt-Coethen, et son épouse, sœur du roi de Prusse. Le duc et la duchesse passèrent une partie de l'année 1825 à Paris, et y assistèrent l'un et l'autre à différentes cérémonies religieuses. Il paraît que le duc méditait depuis long-temps la démarche qu'il a faite : il voulut avoir des entretiens sur la religion avec des ecclésiastiques et des laïques instruits. Déjà un gentilhomme de sa maison, Albert de Haza, secrétaire du cabinet et conseiller de légation, avait fait son abjuration à Paris, le cinq juillet 1825, et donnait depuis l'exemple d'une piété aussi éclairée que soutenue. Le prince lui-même fit sa profession de foi à Paris, le vingt-quatre octobre même année, entre les mains de M. l'archevêque; la duchesse imita son mari. Etant de retour dans ses états, il annonça publiquement à ses sujets son retour dans le sein de l'Eglise catholique par une proclamation du treize janvier 1826.

La comtesse Frédérique-Guillermine-Louise Solms-Bareuth, veuve du comte Burgheven de Silésie, se rendit à Rome en 1789, après son veuvage, et y resta plusieurs années. Elle se fixa à Tivoli en 1812. Depuis ce temps, elle réfléchissait sérieusement sur la religion, et comparait l'Eglise catholique et les églises protestantes. Elle eut à cette occasion de rudes combats à souffrir; mais les motifs humains ne purent l'arrêter, et, docile à la grâce, elle fit abjuration le jour du Sacré-Cœur en 1821, et embrassa la religion. catholique. Toute sa vie et son testament témoignent hautement de la sincérité de cette démarche. Elle fit construire à Tivoli un hôpital où les convalescents des deux sexes sont reçus pendant trois jours. Elle fit réparer le conservatoire de Sainte-Gésule, et le dota d'une rente annuelle pour l'entretien de six orphelins. Elle appela dans la même ville les frères des écoles chrétiennes, et leur acheta une maison qui était autrefois celle des Carmes, et qu'elle fit réparer pour eux. Elle leur assura des fonds pour ouvrir des écoles publiques et pour entretenir six orphelins. Elle donnait à

pleines mains aux pauvres, dotait des filles, fournissait des lits et des vêtements aux indigents, payait les dettes de gens dans l'embarras, enrichissait les églises de vases sacrés et d'ornements. Par son testament, elle ordonna que l'ancien couvent des Capucins, qu'elle avait acheté et qu'elle habitait, fût consacré à une œuvre pie, qui parut de trop difficile exécution. Aussi son exécuteur testamentaire a-t-il cru remplir ses intentions en rendant le couvent aux capucins. Toute la ville applaudit à cette mesure, et donna des regrets à la vertueuse comtesse, qui mcurut le vingt-sept décembre 1852, et qui a été enterrée, suivant ses désirs, dans l'église de SaintJean-des-Florentins, à Rome.

Au mois de février 1830, une princesse protestante donna un grand exemple de foi et de courage; c'est la princesse CharlotteFrédérique, fille du grand-duc de Mecklenbourg-Schwerin, et première femme du prince royal, depuis roi de Danemarck. Née le quatre décembre 1784, elle était sceur du prince Adolphe-Frédéric, dont la conversion fut aussi éclatante, et qui mourut à Magdebourg à l'âge de trente-sept ans. Elle avait toujours eu de l'inclination pour la religion catholique, et en défendait même la cause, encore enfant, contre le docteur luthérien qui l'instruisait. Elle était fort attachée au prince Adolphe, et ressentit vivement sa perte. Ils s'écrivaient souvent, et l'on peut croire qu'ils se fortifiaient mutuellement. La princesse Charlotte eut à souffrir des peines cruelles. Mariée au prince royal de Danemarck, mère d'un fils, elle fut séparée de son époux au bout de quelques années. Reléguée à Altona, puis dans le Jutland, sa seule consolation dans sa disgrâce fut d'implorer le secours de Dieu pour accomplir le dessein qu'elle avait formé depuis long-temps. La Providence lui en fournit les moyens en la conduisant dans les états de l'empereur d'Autriche, en Italie. Elle se fixa à Vicence, et y fut éprouvée par de douloureuses infirmités. Elle voulut visiter le pélerinage de Notre-Dame du MontBérice, pour y implorer l'assistance de la mère du Sauveur. Elle s'adressa ensuite à l'évêque, M. Péruzzi, et lui fit part de sa résolution de renoncer au lutheranisme. Le sage et pieux prélat la loua de ce généreux dessein, et l'exhorta à s'instruire et à s'appliquer aux bonnes œuvres. La princesse reçut ses avis comme venant du ciel. Elle eut à soutenir de grands combats. Ses affections de fille, d'épouse et de mère, les suites qu'aurait sa démarche, le mécontentement de deux cours, les réflexions qu'on lui suggéra, les menaces même qu'on lui fit, tout cela était pour elle autant de pénibles assauts; mais elle s'éleva au-dessus de toute considération humaine, et se jeta dans les bras de la Providence. Elle commença par dé

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