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<< Sa Sainteté, prenant en considération les besoins et les vœux des églises de France et d'Italie, qui lui ont été représentés par l'archevêque de Tours, et par les évêques de Trèves, de Nantes et de Faënza, et voulant donner à ces églises une nouvelle preuve de sa paternelle affection, a déclaré à l'archevêque et aux évêques susdits ce qui suit: 1° Sa Sainteté accordera l'institution canonique aux évêques nommés par S. M. I. et R., dans les formes convenues par les concordats de France et d'Italie. 2o Sa Sainteté consentira à étendre les mêmes dispositions aux églises de Toscane, de Parme et de Plaisance, au moyen d'un nouveau concordat. 3° Sa Sainteté consent qu'il soit inséré dans les concordats une clause portant qu'elle donnera les bulles de confirmation dans un temps déterminé, terme que sa Sainteté juge devoir être de six mois au moins; et dans le cas où elle ne les donnerait pas dans ce délai pour d'autres causes que l'indignité des sujets, elle investirait du pouvoir de les conférer le métropolitain ou le plus ancien évêque de la province ecclésiastique. 4° Sa Sainteté ne s'est déterminée à ces concessions que dans l'espérance que lui ont fait concevoir les évêques députés, qu'elles prépareraient les voies à des accommodements qui rétabliraient l'ordre et la paix dans l'Eglise, et qui rendraient au SaintSiége la liberté, l'indépendance et la dignité convenables. — Savone, dix-neuf mai 1811. »

Tel fut, dit le cardinal Pacca dans ses mémoires, le résultat de la mission des quatre prélats, et le premier pas rétrograde que fit Pie VII depuis son enlèvement, et dont tous les autres ne furent que la conséquence. Les députés eurent à peine pris congé, que le Pape, sentant la gravité de la promesse qu'on lui avait arrachée par surprise, tomba dans la plus profonde affliction, et rentré en luimême pleura amèrement. Il ne put fermer l'œil de toute la nuit suivante; il jetait de profonds soupirs et s'accusait lui-même à haute voix dans les termes du plus vif repentir. Le lendemain, il demanda de bonne heure si les députés étaient encore à Savone, et, sur la réponse qu'ils étaient partis, il tomba dans l'abattement le plus profond. Les évêques, à leur retour en France, rendirent compte au gouvernement de leur mission; mais on garda pour le moment le silence sur les concessions faites par le Pape.

Le concile impérial ou l'assemblée des évêques français et italiens convoqués par l'empereur Napoléon, devait commencer le neuf juin 1811; il ne se réunit que le dix-sept. On y compta quatre-vingtquinze prélats, dont six cardinaux, neuf archevêques et quatrevingts évêques, non compris neuf ecclésiastiques nommés à des évêchés. Dans ce nombre, il y avait quarante-neuf évêques de

France; trois seulement y manquaient, savoir, les évêques du Mans, de La Rochelle et de Séez. Ce dernier avait eu défense de venir au concile, et fut obligé vers le même temps de donner sa démission. Sur dix-sept évêques du Piémont et de l'état de Gênes, il en vint dix. Deux évêques d'Allemagne, l'évêque de Paros, suffragant d'Osnabruck, et l'évêque de Jéricho, suffragant de Munster, furent aussi appelés, ainsi que l'évêque de Trente, comme appartenant sans doute au royaume d'Italic, et l'évêque de Sion, qui était censé être de la France depuis le décret de réunion du Valais. Le royaume d'Italie, tel qu'il existait en 1803, comprenait vingt-six évêchés; il ne fournit que dix-sept membres à l'assemblée. L'archevêque de Bologne ni aucun de ses suffragants n'y parut, et cette métropole ne s'y trouva point représentée. L'archevêque était le cardinal Opizzoni, alors renfermé au donjon de Vincennes. Le reste de l'état de Venise, et qui comprenait, avec la Dalmatic, plus de trente évêchés, n'envoya que quatre députés. La Toscane en fournit onze, sur dix-neuf siéges. Dans l'état de l'Eglise, sur cinquante-cinq siéges, il ne vint que Becchetti, évêque de Citta della Pieve; car le cardinal Maury, évêque de Montefiascone, fut admis à un autre titre. Les cinquante trois autres ou ne furent pas convoqués, ou n'eurent pas la liberté de venir. Plusieurs d'entre eux étaient exilés ou emprisonnés pour refus de serment. Le cardinal de Brancadoro, archevêque de Fermo, avait été exilé à l'occasion du mariage, et le cardinal Gabrielli, évêque de Sinigaglia, était au donjon de Vincennes. Au total, la partie de l'Italie dont Bonaparte s'était emparé comprenait cent cinquante-deux siéges épiscopaux, sur lesquels il n'y eut que quarante-deux évêques à l'assemblée. Il en manquait donc cent dix tandis que pour l'empire français tout entier, il n'y a que quatre-vingts de présents. Il s'en manquait donc plus des deux tiers pour l'Italie, et plus de la moitié pour l'empire, à ce que ce fût un concile vraiment national. Il s'en manquait même à ce que ce fût un concile. La première condition est que les évêques soient canoniquement appelés, et y puissent venir librement. Or, Napoléon y appelait arbitrairement ceux qui lui étaient favorables, à l'exclusion des autres, dont il tenait plusieurs en exil ou en prison. Becchetti, continuateur de l'histoire ecclésiastique d'Orsi, et évêque de Citta della Pieve, lors de l'enlèvement de Pie VII, écrivit une lettre tellement servile au nouveau gouvernement, que le général Radet crut devoir l'en féliciter; aussi fut-il le seul évêque des Etats-Romains appelé par l'empereur à son prétendu concile.

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Vers le milieu du quatrième siècle, nous avons vu des évêques de cour tenir un concile à Antioche contre saint Athanase; nous avons vu dès-lors Socrate, auteur grec du même siècle, prouver l'irrégularité de ce concile, en ce que Jules, évêque de la grande Rome, n'y assista point ni n'envoya personne à sa place, bien qu'il y eût une règle ecclésiastique qui défendait aux églises de rien régler sans le consentement de l'évêque de Rome 1. Nous avons vu le pape saint Jules dire à ces évêques de cour: Ne savez-vous pas que c'était la coutume de nous écrire d'abord, et que d'ici devait venir la décision de ce qui est juste? Il fallait donc écrire à l'Eglise d'ici. Ce que deux historiens grecs, Sozomène et Nicéphore, résument en ces termes : Ily avait une loi sacerdotale ou ecclésiastique qui déclarait nul tout ce qui se faisait sans le consentement de l'évêque de Rome 2. D'après ces anciennes règles de l'Eglise, proclamées et enregistrées par les Grecs eux-mêmes, le concile convoqué à Paris, non-seulement sans le Pape, mais contre le Pape, n'est pas un concile, une assemblée canonique d'évêques, mais un conciliabule, frappé de nullité depuis quinze siècles.

Au commencement du sixième siècle, 501, nous avons vu les évêques d'Italie convoqués à un concile de Rome par Théodoric, roi des Ostrogoths. Les évêques, en passant par Ravenne, demandèrent au roi le sujet de cette assemblée. Il répondit que c'était pour examiner les crimes dont Symmaque était accusé par ses ennemis. Les évêques dirent que c'était au Pape lui-même à convoquer ce concile; que le Saint-Siége avait ce droit, d'abord par le mérite et la principauté de saint Pierre, ensuite par l'autorité des conciles, et que l'on ne trouvait aucun exemple qu'il eût été soumis au jugement de ses inférieurs. Le roi dit que le Pape lui-même avait manifesté, par ses lettres, sa volonté pour la convocation du concile. Les évêques demandèrent à lire ces lettres, et le roi les leur fit donner, ainsi que toutes les pièces du procès. Malgré cela, quand on apprit dans les Gaules qu'un concile d'Italie avait entrepris de juger le Pape, tous les évêques en furent alarmés, et chargèrent saint Avit, évêque de Vienne, d'en écrire au nom de tous. Dans sa lettre aux principaux sénateurs romains, il dit entre autres : << Si vous y pensez avec la profondeur qui vous est propre, vous n'y verrez pas uniquement l'affaire actuelle de Rome. Dans les autres pontifes, si quelque chose vient à branler, on peut le réformer; mais si le Pape de Rome est mis en doute, ce n'est plus un

'Socrate, 1. 2, c. 8. T. 6, 1. 32, p. 288 de cette histoire. 2 Soz., 1. 3, c. 10. Niceph., 1. 9, c. 10. T. 6, p. 301 de cette histoire.

TOME XXVIII.

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évêque, c'est l'épiscopat même qu'on verra vaciller. Vous n'ignorez point parmi quelles tempêtes des hérésies nous conduisons le vaisseau de la foi; si vous craignez avec nous ces dangers, il faut que vous travailliez avec nous à défendre votre pilote. Quand les nautonniers se révoltent contre celui qui tient le gouvernail, serait-il de la prudence de céder à leur fureur, en les exposant eux-mêmes au danger pour les punir? Celui qui est à la tête du troupeau du Seigneur rendra compte de la manière dont il le conduit; mais ce n'est pas au troupeau à demander ce compte, c'est au juge1. »

Au commencement du dix-neuvième siècle, il eût été bien à souhaiter que Napoléon, empereur des Français et roi d'Italie, eût eu envers le chef de l'Eglise catholique l'urbanité et la civilisation de son prédécesseur ostrogoth dans le royaume d'Italie, l'arien Théodoric au commencement du dix-neuvième siècle, il eût été bien à souhaiter que les évêques de France eussent eu, pour l'honneur de leur chef et pour leur propre honneur, le même zèle que leurs prédécesseurs au commencement du sixième. Il n'y eut guère à s'en souvenir que le successeur direct de saint Avit, monseigneur d'Aviau, archevêque de Vienne jusqu'au concordat, archevêque de Bordeaux depuis. On peut lui adjoindre un évêque d'Allemagne, monseigneur Droste de Vischering, alors coadjuteur de Munster, et qui de nos jours, archevêque de Cologne, a ressuscité à la vie, par son exemple et son courage, l'épiscopat et le clergé de l'Allemagne entière.

Mais revenons à Paris et à 1811. Avant l'ouverture du concile, plusieurs assemblées furent tenues chez le cardinal Fesch, pour régler le cérémonial et préparer les matières. Ce cardinal devait naturellement être président; mais au lieu d'être redevable de cette qualité au choix des évêques, il prétendit qu'elle était due à son siége, quoique Lyon n'eût en effet aucune prééminence depuis le concordat. Il fit donc insérer dans le cérémonial que la présidence appartenait à l'archevêque de l'église la plus ancienne et la plus qualifiée, et sur ce titre il prit les fonctions de président, quoique le concile n'ait jamais rien statué à cet égard. La première session, qui fut la seule, se tint le dix-sept juin. Ce jour-là, à huit heures du matin, les prélats se réunirent au palais de l'achevêché, d'où ils se rendirent, au nombre de quatre-vingt-quinze, en chape et en mitre, à l'église métropolitaine. C'était un spectacle imposant. On n'avait pas vu tant d'évêques rassemblés depuis le concile de Trente; et les amis de la religion se seraient félicités de cette con

'T. 8, 1. 43, p. 518-528 de cette histoire.

vocation, si les circonstances n'eussent pas inspiré quelque inquiétude, et si on n'eût pas craint avec raison les sinistres projets d'un homme qui n'avait, en effet, provoqué cette réunion que pour satisfaire ses caprices et son ambition. Quoi qu'il en soit, la céré~ monie du dix-sept juin fut à la fois pompeuse et touchante. Le cardinal Fesch officia pontificalement.

Après l'évangile, l'évêque de Troyes, M. de Boulogne, prononça un discours où il traita de l'influence de la religion catholique sur l'ordre social et sur le bonheur des empires: par les maximes qu'elle établit, d'où naît la durée des états; par la nature de son culte, d'où naît la gloire des états; par le ministère de ses pasteurs, d'où naît le bonheur des états. Dans cette troisième partie, après avoir exposé les immenses difficultés que les évêques avaient à résoudre, il ajoute ces paroles, alors surtout bien remarquables et bien courageuses :

<< Mais quelle que soit l'issue de vos délibérations, quel que soit le parti que la sagesse et l'intérêt de nos églises pourront nous suggérer, jamais nous n'abandonnerons ces principes immuables qui nous attachent à l'unité, à cette pierre angulaire, à cette clé de la voûte sans laquelle tout l'édifice s'écroulerait sur lui-même : jamais nous ne nous détacherons de ce premier anneau sans lequel tous les autres se dérouleraient et ne laisseraient plus voir que confusion, anarchie et ruine : jamais nous n'oublierons tout ce que nous devons de respect et d'amour à cette Eglise romaine qui nous a engendrés à Jésus-Christ, et qui nous a nourris du lait de la doctrine; à cette chaire auguste que les Pères appellent la citadelle de la vérité, et à ce chef suprême de l'épiscopat, sans lequel tout l'épiscopat se détruirait lui-même et ne ferait plus que languir comme une branche détachée du tronc, ou s'agiter au gré des flots comme un vaisseau sans gouvernail et sans pilote. Oui, quelques vicissitudes qu'éprouve le Siége de Pierre, quels que soient l'état et la condition de son auguste successeur, toujours nous tiendrons à lui par les liens du respect et de la révérence filiale. Ce Siége pourra être déplacé, il ne pourra pas être détruit; on pourra lui ôter de sa splendeur, on ne pourra pas lui ôter de sa force; partout où ce Siége sera, là tous les autres se réuniront; partout où ce Siége se transportera, là tous les catholiques le suivront, parce que partout où il se fixera, partout sera la tige de la succession, le centre du gouvernement et le dépôt sacré des traditions apostoliques.

> Tels sont nos sentiments invariables, que nous proclamons aujourd'hui à la face de l'univers, à la face de toutes nos églises dont

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