GRAY. THOMSON. DELILLE. FONTANES. De l'auteur des Nuits je passe au chantre des morts champêtres. Gray a trouvé sur la lyre une série d'accords et d'inspirations inconnus de l'antiquité. A lui commence cette école de poètes mélancoliques, qui s'est transformée de nos jours dans l'école des poètes désespérés. Le premier vers de la célèbre élégie de Gray est une traduction presque littérale du dernier vers de ces délicieux tercets du Dante, Era già l'ora che volge 'l disio A' naviganti e' ntenerisce il cuore Lo di ch' han detto a' dolci amici addio: E che lo nuovo peregrin d'amore Punge, se ode squilla di lontana Che paja 'l giorno pianger che si muore. Gray dit : The curfew tolls the knell of parting day. Dans mon temps, j'ai aussi imité le Cimetière de campagne. (Qui ne l'a pas imité ?) Eh! Peut-être ici la mort enchaîne en son empire L'exemple de Gray prouve qu'un écrivain peut rêver sans cesser d'être noble et naturel, sans mépriser l'harmonie. L'ode sur une Vue lointaine du collège d'Eton, est digne, dans quelques strophes, de l'élégie sur le Cimetière de campagne. Ah happy hills! ab pleasing shade! Ah fields belov'd in vain! Where once my careless childhood stray'd, A stranger yet to pain! As, waving fresh their gladsome wing. Say, father Thames, for thou hast seen To chasse the rolling circle 's speed, Alas! regardless of their doom, No sense have they of ills to come . Heureuses collines, charmans bocages, champs aimés en vain, où jadis mon enfance. insouciante errait étrangère à la peine! Je sens les brises qui viennent de vous; elles m'apportent un bonheur d'un moment: tan» dis qu'elles battent fraîchement de leur aile »joyeuse, elles semblent caresser mon ame » abattue, et, parfumées de joie et de jeunesse, me souffler un second printemps. Dis, paternelle Tamise (car tu as vu plus » d'une race éveillée se jouant sur ta rive ver» doyante, y tracer les pas du plaisir), dis quels sont aujourd'hui les plus empressés » à fendre d'un bras pliant ton onde cristal» line, à enlacer la linotte captive. Dis quelle génération volage l'emporte à précipiter la course du cerceau roulant, ou à lancer la » balle fugitive. » Hélas! sans souci de leur destinée, folâ>> trent les petites victimes! Elles n'ont ni pré» vision des maux à venir, ni soin d'outrejournée. » Qui n'a éprouvé les sentimens et les regrets exprimés ici avec toute la douceur de la Muse? Qui ne s'est attendri au souvenir des jeux, des études, des amours de ses premières années? Mais peut-on leur rendre la vie? Les plaisirs de la jeunesse reproduits par la mémoire, sont des ruines vues au flambeau. Gray avait la manie du gentleman-like; il ne pouvait souffrir qu'on lui parlât de ses vers, dont il rougissait. Il se piquait d'être savant en histoire, et il l'était; il s'occupait aussi des sciences naturelles; il avait des prétentions à la chimie, comme dernièrement sir Davie ambitionnait le renom de poète, mais avec raison. Où sont la Gentilhommerie, l'Histoire et la Chimie de Gray? Il ne vit que dans un sourire mélancolique de ces Muses qu'il méprisait. Thomson a exprimé comme Gray, mais d'une autre manière, ses regrets des jours de l'enfance. >> Welcome, kindred glooms! «Bien-venues ombres apparentées! sympathiques horreurs, salut! Que de fois » charmé au joyeux matin de ma vie, lorsque je vivais nourri par une solitude insou»ciante, chantant la nature dans une joie sans » fin, que de fois j'ai erré charmé à travers » les rudes régions des tempêtes et foulé les neiges virginales, moi-même aussi pur! etc. >> Comme les Anglais avaient leur Thomson, nous avions notre Saint-Lambert et notre De |