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Dryden, qui d'ailleurs était un très grand génie, dit Voltaire, met dans la bouche de >> ses héros amoureux ou des hyperboles de rhétorique, ou des indécences, deux choses également opposées à la tendresse.»

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Shirley, Davenant, Otway, Congrève, Farquhar, Cibber, Steele, Colman, Foote, Rowe, Addison, Moore, Aaron-Hill, Sheridan, Coleridge, etc., offrent la succession des poètes dramatiques Anglais jusqu'à nos jours. Tobin, Johanna Baillie, et quelques autres, ont essayé de ressusci ter l'ancien style et l'ancienne forme du théâtre.

L'homme chez Dryden était misérable; Prior, jeune orangiste, attaqua le vieux poète devenu catholique et resté fidèle à ses anciens maîtres. Le duc de Buckingham, aidé de ses amis, composa la jolie comédie the Rehearsal (la Répétition): l'auteur de Don Sébastien et de l'ode la Fête d'Alexandre était attaqué dans cette pièce. Buckingham se félicitait d'avoir nui à la réputation de Dryden. C'est dont un grand bonheur que d'affliger le génie et de lui ravir une part de sa gloire acquise au prix de tant de travaux, de dégoûts et de sacrifices?

Waller, Buckingham, Roscommon, Rochester; Shaftesbury et quelques autres poètes licencieux et satiriques, ne furent pas les pre.

miers hommes de lettres de leur époque, mais ils donnèrent le ton à la littérature et à la mode pendant le règne de Charles II. Le fils de Charles Ier fut un de ces hommes légers, spirituels, insoucians, égoïstes, sans attachement de cœur, sans conviction d'esprit, qui se placent assez souvent entre deux périodes historiques pour finir l'une et commencer l'autre; un de ces princes dont le règne sert de passage aux grands changemens d'institutions, de mœurs et d'idées, chez les peuples; un de ces princes tout exprès créés pour remplir les espaces vides qui, dans l'ordre politique, disjoignent souvent la cause de l'effet. Des exhumations et des exécutions ouvrirent un règne que des exécutions devaient clore. Vingt-deux années de débauche passèrent sous des fourches patibulaires; dernières années de joie à la façon des Stuarts, et qui avaient l'air d'une orgie funèbre.

La liberté méconnue sous Jacques Ier, ensanglantée sous Charles Ier, déshonorée sous Charles II, attaquée sous Jacques II, avait pourtant été conservée dans les formes constitutionnelles, et ces formes la transmirent à la nation qui continua de féconder le sol natal après l'expulsion des Stuarts. Ces princes ne purent jamais

pardonner au peuple anglais les maux qu'il leur avait faits; le peuple ne put jamais oublier que ces princes avaient essayé de lui ravir ses droits : il y avait de part et d'autre trop de ressentimens et trop d'offenses. Toute confiance réciproque étant détruite, on se regarda en silence pendant quelques années. Les générations qui avaient souffert ensemble, également fatiguées, consentirent à achever leurs jours ensemble; mais les générations nouvelles qui n'éprouvaient pas cette lassitude, ne nourrissant plus d'inimitiés, n'avaient pas besoin d'entrer dans ces compromis du malheur; elles revendiquèrent les fruits du sang et des larmes de leurs pères : il fallut dire adieu aux choses du passé.

Les écrivains ci-dessus nommés avaient tout ce qu'il fallait pour briller au bivouac d'une halte de nuit, entre le règne populaire de Cromwell et le règne des parlemens de Guillaume et de ses successeurs. La servile chambre des communes n'existait plus que pour tuer les hommes de liberté qui naguère avaient fait sa puissance; la monarchie, de son côté, laissait mourir ses plus dévoués serviteurs. Le peuple et le roi semblaient s'abandonner mutuellement pour faire place à l'aristocratie: l'échafaud de Charles Ier les séparait à jamais.

BUTLER. ÉCRIVAINS ABANDONNÉS.

Butler se présente en première ligne, comme témoin à charge dans le procès d'ingratitude intenté à la mémoire de Charles II: Charles savait par cœur les vers d'Hudibras, don Quichotte politique. Cette satire pleine de verve contre les personnages de la révolution, charmait une cour où se montraient la débauche de Rochester et la grâce de Grammont: le ridicule était une espèce de vengeance à l'usage des courtisans.

Lorsqu'on est placé à distance des faits, qu'on n'a pas vécu au milieu des factions et des factieux, on n'est frappé que du côté grave et douloureux des événemens; il n'en est pas ainsi quand on a été soi-même acteur ou spectateur compromis dans des scènes sanglantes.

Tacite, que

la nature avait formé poète, cût

peut-être crayonné la satire de Pétrone, s'il eût siégé au sénat de Néron; il peignit la tyrannie de ce prince, parce qu'il vécut après lui: Butler, doué d'un génie observateur, eût peutêtre écrit l'histoire de Charles Ier, s'il fût né sous la reine Anne; il se contenta de rimer Hudibras, parce qu'il avait vu les personnages de la révolution de Cromwell; il les avait vus toujours parlant d'indépendance, présenter leurs mains à toutes les chaînes, et après avoir immolé le père, se courber sous le joug du fils.

Cependant le sujet du poëme de Butler, de ce poëme auquel travailla le fils aîné du duc de Buckingham, n'est pas aussi heureux que celui de la satire Menippée. On se pouvait railler de la ligue malgré ses horreurs ; les railleries dont elle était l'objet avaient des chances de durée, parce que la ligue n'était pas une révolution: elle n'était qu'une sédition dont le genre humain ne tirait aucun profit. Les hommes de cette longue sédition, L'Hospital excepté, ne furent grands qu'individuellement; ils ne jalonnèrent leur passage par aucune idée, aucun principe, aucune institution politique utile à la société. La ligue assassina Henri III, plus dévot qu'elle, et combattit Henri IV, qui la vainquit et l'acheta. Évanouie

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