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Hollande à agir désormais de tout leur pouvoir pour fortifier la confiance et l'amitié entre ma couronne et la République. Il se propose aussi de se servir des mêmes canaux pour faire connoître aux Hollandois combien l'admission du roi de Prusse dans l'al

liance seroit conforme à leurs intérêts, et pour porter les ÉtatsGénéraux à prendre enfin la résolution de me demander de concourir avec eux à cette admission, indépendamment du roi de la Grande-Bretagne. Si ce prince continue de refuser d'y consentir de sa part, et c'est sur quoi vous pouvez vous concerter avec le baron de Knyphausen, en même temps que vous laisserez entendre, comme je vous le prescris par une autre dépêche que je vous écris aujourd'hui, qu'étant aussi persuadé que je le suis que rien ne peut être plus convenable aux intérêts de la République, ni contribuer davantage à son repos et à sa sûreté que l'admission du roi de Prusse dans l'alliance de la Haye, elle me trouvera toujours disposé à concourir avec elle dans cette vue, lorsqu'elle aura une fois pris ses résolutions; et que les suites que l'on peut justement craindre de ce qui se passe de la part de l'Espagne1 demandent que l'on ne perde pas de temps à se déterminer sur tout ce qui peut contribuer à prévenir le renouvellement de la guerre.

J'apprends par les lettres du sieur d'Ibervillle', du 22o de ce mois, qu'il a remis aux ministres d'Angleterre la déclaration que le roi leur maître a désirée de la part du duc d'Orléans' avant que de renvoyer le comte de Ghylembourg', et de consentir à l'élargissement du baron de Goertz. J'ai lieu de croire qu'après cette démarche, il ne se trouvera plus de difficulté sur l'un ni sur l'autre de ces deux points.

Le sieur d'Iberville marque en même temps que le comte de Ghylembourg sera conduit à Gothembourg sur une frégate an

1. Il s'agit de la direction hostile au Régent et à l'alliance de la Haye, qu'Albéroni imprimait déjà à la politique espagnole.

2. Charles-François de la Bonde d'Iberville, envoyé de France en Angleterre en

1713-1717.

3. Le Régent.

4. Carl, comte de Gyllenborg, ministre de Suède en Angleterre depuis 1715, y avait été arrêté, par ordre du gouvernement britannique, comme suspect de conspirer avec Goertz, le 29 janvier 1717. Ses papiers avaient été saisis. A. GEFFROY, Instructions, Suède, pp. 283-317.

gloise qui touchera à Helvoetsluys' pour prendre en même temps le baron de Goertz' si les États-Généraux y consentent, ou que, s'ils en font quelque difficulté, ils seront priés de fréter un bâtiment pour le transporter au même lieu aux dépens du roi de la Grande-Bretagne.

Il y a lieu de croire que la République, voulant ménager les dispositions favorables que le roi de Suède a fait paroître à son égard, se chargera elle-même de lui renvoyer son ministre, et qu'il ne sera pas traité comme prisonnier en cette occasion. Vous pouvez même faire cette insinuation à ceux dont vous connoissez les bonnes intentions; mais il ne faut pas qu'il paroisse que vous témoigniez aucun empressement de faire prendre à la République des résolutions contraires à ce que le roi d'Angleterre pourroit exiger d'elle en cette occasion, et c'est à elle à faire les réflexions qui conviennent à ses intérêts dans une conjoncture où elle peut, par quelques égards employés à propos, achever d'effacer le ressentiment que le roi de Suède pourroit conserver de ce qui s'est passé en Hollande à l'égard de l'un de ses ministres.

1. Helvoetsluis, port hollandais, sur la côte sud de l'ile Voorne, à 28 kilomètres sud-ouest de Rotterdam.

2. Goertz avait été également arrêté en Hollande sur les instances du roi George. - GEFFROY, ibid., pp. 292 et suiv.

XII

M. DE CAMPREDON

MINISTRE DU ROI EN SUÈDE, SE RENDANT EN RUSSIE EN QUALITÉ DE MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DU ROI AUPRÈS DU CZAR, POUR EXERCER LA MÉDIATION DANS LA PAIX DU NORD.

1721

Après la conclusion du traité d'Amsterdam, on put croire que les cours de France et de Russie accréditeraient l'une chez l'autre des ambassadeurs en résidence permanente : ce qui n'avait pas encore eu lieu depuis le début de leurs relations.

En 1718, nous trouvons à Paris le baron de Schleinitz, envoyé du Tsar. De notre côté, M. de Verton 2, pourvu d'une charge de maître d'hôtel du Roi, fut désigné, la même année, pour occuper le même

1. Le baron de Schleinitz avait séjourné, de la fin de 1714 à octobre 1717, à Brunswick, attendant vainement que les plénipotentiaires de Suède parussent au congrès que l'Empereur Charles VI y avait convoqué sous sa médiation. Schleinitz fut ensuite accrédité par lettre du 20 août 1717, du Tsar au Roi. Rappelé le 30 août 1720, il obtint de rester jusqu'en 1721. Voyez ci-dessous, p. 218, note 2, et p. 247. 2. SAINT-SIMON (année 1717, chap. xvi): « Verton était un garçon d'esprit, fort d'un certain monde, homme de bonne chère et de grand jeu, qui fit servir le Czar [pendant son séjour à Paris] avec tant d'ordre et sut si bien se conduire que le Czar le prit en singulière amitié, ainsi que toute sa suite. » Pierre avait demandé qu'on le nommât comme envoyé auprès de lui, et Saint-Simon critique « notre indifférence, qui alla jusqu'à ne lui envoyer ni Verton ni personne de la part du Roi ». La pièce 6 de A. E. Russie, Supplément, t. Ier, mentionne les pièces suivantes relatives à Verton : 5 septembre 1722, lettre de M. de Verton au cardinal Dubois au sujet de son départ pour Pétersbourg. Il y a plusieurs actes par devant notaires pour domestiques au sieur Verton, nommé envoyé extraordinaire en Russie. On croit qu'il n'y fut pas. C'est même sur. « Placet du sieur Verton, du 25 décembre 1722, pour être payé de ses appointements en qualité d'envoyé du Roi près du Czar. »>

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poste auprès du souverain russe. Pourtant c'est en octobre 1721 seulement qu'il reçut du cardinal Dubois l'ordre de se disposer à partir, pour aider Campredon, notre ministre en Suède, dans les négociations de la paix de Nystad. Il envoya tous ses meubles et domestiques à Pétersbourg; mais, quand on apprit la conclusion de cette paix, il reçut contre-ordre et ne se rendit pas en Russie. C'est M. de Campredon qui passa de Stockholm à Pétersbourg. Nous n'avons ni lettre ni instructions au nom de M. de Verton.

Diverses circonstances expliquent le retard que l'on mit à envoyer un représentant du Roi en Russie et à installer un ambassadeur russe à Paris.

En 1718, les rapports entre l'Espagne d'Albéroni et les puissances de la Triple alliance (France, Angleterre, Hollande) étaient arrivés à une extrême tension. De concert avec Goertz, Albéroni rêvait un bouleversement général de l'Europe pour émanciper l'Espagne des lourdes conséquences de la paix d'Utrecht: complot de Cellamare en France pour renverser le Régent; conspirations stuartistes en Angleterre pour renverser la maison de Hanovre; négociations avec la Suède pour que Charles XII fit une descente en Écosse; encouragements aux Turcs dans leurs dernières campagnes contre l'Autriche; invasion par les troupes espagnoles de la Sardaigne et de la Sicile, alors possessions autrichiennes. On sait comment échouèrent ces vastes desseins; les Turcs furent contraints de signer avec l'Autriche la paix de Passarowitz (juillet 1718); celle-ci accéda à la Triple alliance, qui devint alors la Quadruple alliance (août 1718); sans déclaration de guerre, l'amiral Bing battit la flotte espagnole dans les eaux de Sicile (10 août); le complot de Cellamare fut découvert et l'ambassadeur espagnol chassé de France (décembre); enfin Charles XII se fit tuer devant Fredericshall (11 décembre). En février 1719, la France déclarait la guerre à l'Espagne, et en juin, envahissait son territoire. Goertz était mis en accusation par les États de Suède et décapité (2 mars). Le prétendant Stuart échouait dans une tentative de descente en Écosse (septembre). Enfin, en décembre, Albéroni était disgracié, et Philippe V se préparait à faire sa paix avec la Quadruple alliance (25 janvier 1720).

Pierre le Grand avait été mêlé plus ou moins dans cet imbroglio. Il avait prêté l'oreille aux propositions de Goertz, qui avait tenté de le réconcilier avec Charles XII, afin de rendre disponible contre les Stuarts l'épée de celui-ci : un congrès s'était réuni aux îles d'Aland, où les plénipotentiaires russes, Bruce et Ostermann, discutèrent avec Goertz et Gyllenborg, et qui se sépara après la mort de Charles XII. En août 1718, Beretti, ambassadeur d'Espagne à Londres, avait fait d'étranges ouvertures à Kourakine, qui s'y trouvait encore: il lui avait dit que son maître voulait une alliance avec la

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