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la société pour soutenir un établissement religieux, ne frappe pas les esprits justes. Les prêtres voient le danger et le bravent dans l'intérêt de la religion à laquelle ils sont voués. Qui ne seroit touché de leur zèle! Mais l'écrivain politique doit vouloir que la sagesse des établissemens nouveaux soit telle qu'elle écarte la possibilité de nouvelles divisions; les prêtres ne peuvent être persécutés dans une société chrétienne, sans que la société ne soit ébranléc jusque dans ses fondemens. C'est sous ce rapport que j'ai considéré le Concordat; et je persiste à croire que si la foi des martyrs, le courage contre les tribulations sont des dispositions admirables dans les ecclésiastiques, l'habileté et la connoissance profonde des choses sont des conditions indispensables dans les pouvoirs appelés à renverser un établissement fondé avec l'intention de lui en substituer un qui se fonde. Loin que j'aie un esprit qui puisse faire trembler, je suis persuadé que si j'étois né dans un siècle de bon sens, je n'aurois eu qu'un esprit fort ordinaire. La révolution m'a conduit à voir dans chaque objet toutes les conséquences qu'il renferme ; et il falloit toute l'activité de la révolution pour me contraindre à cette étude; car mon goût pour repos ne m'auroit jamais permis, dans

le

des temps tranquilles, de donner au désir d'acquérir des connoissances la millième partie du temps que j'ai consacré à l'étude de la politique.

Je ne dirai pas que M. l'abbé Frayssinous, trop peu occupé de me lire (et il avoit raison) au moment même où il croyoit devoir me répondre (parce qu'il ne faut rien laisser sans réponse à cause de la légèreté du public), a cru quelquefois que je donnois comme ma pensée ce que je ne présente que comme l'expression de l'esprit du siècle. Il n'y a pas le moindre inconvénient à cela; et si le siècle profite des leçons qu'on lui donne à mon occasion, je m'en réjouirai. Mais M. l'abbé Frayssinous s'est mis du nombre de ceux qui ont trouvé ma science fautive, pour avoir donné du Concordat de 1516 des motifs qui, dit-on, ne pouvoient pas exister, puisque Luther ne commença à dogmatiser avec éclat qu'en 1517. Quiconque écrit sait que les dates ne restent ordinairement que dans les têtes où il y a peu d'idées, et qu'il ne manque pas de livres où on prend les dates quand on en a besoin. Mais je n'ai commis ni faute, ni erreur, étant persuadé qu'on ne peut mettre une date à la première explosion des opinions qui doivent bouleverser la société, comme on en met

une sous la première pierre des monumens qu'on élève. Si je voulois, je ferois de la science, ou plutôt je la prendrois toute faite, ne fût-ce que dans l'Histoire des Variations de Bossuet. J'aime mieux citer une anecdote qui me fera comprendre.

J'étois jeune, et j'assistois dans ses derniers momens un de mes parens qui avoit soixante et onze ans. « Tout mon regret, me disoit-il, >> est de mourir sans avoir vu la fin de la » révolution. » C'étoit au mois d'avril 1789, et nous ne datons la révolution que du 14 juillet suivant. Combien de fois ce désir si sincère de voir la fin d'un événement qui, chronologiquement, n'étoit pas commencé, s'est depuis présenté à ma mémoire! Que le vulgaire mette des dates aux révolutions qui se font par des opinions, cela se conçoit; mais les hommes instruits, remontant à la source, peuvent croire que les pouvoirs de la société ne sont capables de la garantir des dangers qui la menacent, que lorsqu'ils n'ont pas besoin d'être avertis, par un éclat, de la situation des esprits et des choses.

AVERTISSEMENT.

Je ne sais dans quelle intention on a répandu le bruit que cette onzième Partie de la Correspondance politique et administrative seroit la dernière qui paroîtroit pendant la présente Session. Il me semble que les choses ne vont pas si vite dans les deux Chambres qu'on n'ait du temps devant soi pour en parler et pour en écrire. Si même on ne parloit et on n'écrivoit que de ce qui occupe les Chambres, les conversations auroient peu d'activité, et les livres se succéderoient moins rapidement; mais le domaine de l'opinion publique s'agrandit de tout ce que les pouvoirs de la société négligent de traiter. Cette onzième Partie trouvant toutes les discussions publiques au même point où elles étoient lorsque la dixième a été publiée, il est certain que la douzième Partie paroîtra dans les premiers jours d'avril. Sera - ce la dernière pendant cette Session? je l'espère; mais qui peut avoir une volonté arrêtée un mois d'avance?

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