Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

ła bannière de leur ordre, comme drapeau du district. Cette démarche de Louis XVI, qui devoit produire de bons effets, n'amena aucun bien, ainsi que plusieurs autres démarches, ouvrage de la foiblesse ou d'une extrême bonté, qu'on s'efforçoit aussi malà-propos de faire suivre par des mesures énergiques, mais qui par cela même devenoient dangereuses.

IV. Les ministres ne cédoient qu'en apparence; ils prenoient des mesures secrètes pour opérer la contre-révolution : mais leurs complots furent heureusement découverts et renversés, et ce fut leur maladresse ordinaire qui fit encore triompher la cause du peuple. Ils se servoient du moyen de l'affamer, en détournant ou arrêtant la circulation des blés; et ce moyen mis en usage avec trop peu de ménagement, est infaillible pour le révolter et l'armer contre la tyrannie. Les autres mesures auroient été assez bien prises si elles avoient eu moins d'éclat : il s'agissoit d'enlever de Versailles le roi, et de le conduire à Metz; des régimens étoient cantonnés sur la route, sans affectation. Comme il falloit avoir quelques troupes à Versailles même, on y fit d'abord venir un détachement des Dragons de Montmorenci, nécessaire

[ocr errors]

disoit-on, pour la police des marchés, tandis qu'il y avoit dans cette ville quatre mille citoyens sous les armes. On manda ensuite le régiment de Flandre, sous le prétexte de ne pas fatiguer par un service continuel ces mêmes citoyens, qui ne se plaignoient point., Le régiment de Flandre traînoit après lui deux pièces de canon de quatre, huit barils de poudre, et environ 6,990 cartouches sans compter celles dont les gibernes étoient remplies. Dans quelle intention avoit-on donné à ce régiment tant de munitions de guerre ? Etoit-ce seulement pour soulager dans son service la Garde-Nationale de Versailles? Il est vrai que ces munitions furent remises entre les mains de cette même Garde-Nationale qu'il paroissoit venir seconder. Mais on a eu lieu de soupçonner que tout cela étoit convenu avec certains grands personnages, qui étoient bien sûrs que le régiment ne manqueroit ni de poudre ni de balles, en cas de be

soin.

Les Gardes-du-Corps dont le quartier finissoit au premier octobre 1789, furent retenus avec ceux qui entroient de service à la même époque. Leur nombre fut encore grossi par une foule de surnuméraires ; et les congés de semestre étant multipliés dans tous les régi

mens,

on permit à mille ou douze cents officiers de se trouver à Versailles.

Les dames Taboureau et de Villepatour distribuèrent, dans l'anti chambre appelée cilde-bœuf, des cocardes blanches. « Conser» vez-les bien, disoient-elles; ce sont les » seules bonnes, les seules triomphantes. >> Et elles donnoient leur main à baiser à tous les chevaliers anti-patriotes.

Il falloit encore tâcher de séduire la GardeNationale de Versailles. Pour y réussir, on la ry comble de caresses, de distinctions, et la reine lui fait présent de plusieurs drapeaux. Quand une députation va l'en remercier, elle lui répond: « La nation et l'armée doi>> vent être attachées au roi, comme nous les >> aimons nous-mêmes. >>

[ocr errors]

V. Enfin, pour commencer à frapper les grands coups, un banquet magnifique est préparé dans la vaste salle de l'Opéra, au château, au nom des Gardes-du-Corps, mais aux frais de quelques-uns de leurs chefs, et même, disoit-on dans le temps, aux dépens de certains personnages illustres. Le prix du dîné fut arrêté avec Harmes, fameux traiteur, pour le nombre de deux cent dix convives. On y invite les officiers du régiment de

Flandre, ceux des Dragons de Montmorenci, des Gardes-Suisses, des Cent-Suisses, de la Prévôté, de la Maréchaussée, l'Etat-Major et quelques officiers de la Garde-Nationale. Des grenadiers de Flandre et de simples soldats de différens corps se présentent successivement, et sont accueillis; on les embrasse on les fait asseoir à table; on boit à la santé du Roi, et l'orchestre joue l'air : 0 Richard! ô mon Roi! l'Univers t'abandonne.

:

A ce banquet extraordinaire, on cria vive le roi d'une manière inusitée, en mettant, l'épée nue à la main, et en excitant à des cris effrénés les soldats que probablement on avoit fait entrer à dessein dans la salle du banquet. La santé de la Nation fut proposée : les gardes du Roi la rejetèrent; et quelques convives, sans doute pris de vin, crièrent à bas les cocardes de trois couleurs; vive la noire ou la blanche: meurent les rebelles de l'Assemblée Nationale. A l'instant le signe de la liberté française fut, dit-on, foulé aux pieds, et l'étendard. de la guerre civile arboré à tous les chapeaux. Les officiers de la Garde-Nationale, témoins de ces provocations, eurent la prudence de se retirer.

Cependant le bruit s'en répand à Paris ; et

chacun grossissant ou dénaturant les faits, ce qui n'étoit peut-être qu'une extrême imprudence, une sottise de jeunes gens ivres, qui ne voyoient pas qu'on les faisoit agir, parut un grave attentat contre la majesté nationale. D'un autre côté, le menu peuple de Paris qui mouroit de faim, qui avoit peine à avoir du pain pour son argent, le blé étant si rare qu'il y avoit des jours où la Municipalité étoit obligée de faire venir en poste l'approvisionnement des farines pour vingt-quatre heures, trouve que l'orgie des Gardes-du-Corps insulte à sa misère ; il forme le projet de marcher à Versailles pour rappeler l'abondance, pour faire rentrer les choses dans l'ordre, et pour prier le roi de venir habiter dans la capitale, où il sera moins exposé aux impulsions funestes des courtisans.

[ocr errors]

Le 5 octobre dès le grand matin, une foule immense s'assemble devant l'Hôtel-deVille; des hommes armés de piques, et surtout un grand nombre de femmes prostituées," pénètrent dans la Maison-Commune, cherchent des armes, brisent les portes des maga-'. sins qui les recèlent ; ensuite ees femmes ou plutôt ces furies courent rassembler les volontaires de la Bastille, dont elles choi-

1

« PreviousContinue »