Page images
PDF
EPUB

>> nous savons trop bien que toutes les dynas>> ties n'ont jamais été que des races dévorantes, » qui ne vivoient que de chair humaine..... >> Eh! qu'est-il besoin de discuter quand tout » le monde est d'accord? Les rois sont dans » l'ordre moral ce que les monstres sont dans >> l'ordre physique. Les cours sont l'atelier des » crimes et la tanière des tyrans. L'histoire des » rois est le martyrologe des nations.... »

A l'unanimité des voix, la Convention décréta l'abolition de la royauté en France, et l'établissement de la République.

Quelques personnes trouvèrent un peu de précipitation dans cette décision; elles auroient voulu qu'une question si majeure fût discutée pendant trois jours, et que l'Assemblée Conventionnelle, composée à cette époque de 371 membres seulement, eût attendu un plus grand nombre de députés. Mais cette loi solemnelle étoit prononcée d'avance par l'opinion publique, et elle fut soumise d'ailleurs à la sanction du peuple...

Les villes, les particuliers, dans les noms desquels il y avoit Bourbon, Louis, ou Royal, vinrent successivement demander d'autres noms à la Convention Nationale. La ville de Port-Louis, entr'autres, demanda à s'appeler le Port de la Liberté.con

Il étoit tout simple, dans ces circonstances,

que

les armoiries et les fleurs-de-lis fussent déclarées des signes de royauté, proscrites comme tels, et que tous les particuliers fussent obligés de les faire disparoître de leurs domiciles, sous peine de voir leurs maisons confisquées au profit de la Nation.

Le triomphe des patriotes dans la journée du 10 Août amena la création d'un tribunal extraordinaire criminel, chargé de juger les hommes prévenus d'avoir conspiré contre I'Etat,

M. de La Porte, intendant de la liste civile, fut un des premiers que ce Tribunal condamna à la peine de mort. Il avoit été accusé d'avoir payé, avec les deniers de la liste civile, un très-grand nombre de libelles distribués ou affichés, et dont le but étoit d'avilir l'Assemblée Nationale, de fomenter des divisions, et d'amener la ruine du Gouvernement établi. Il se retrancha toujours sur la négative. Il parut très-ému, en entendant prononcer son arrêt. Revenu un peu à lui, il protesta de son innocence, et parla en ces termes, en s'adressant au : peuple Citoyens << Citoyens, puisse ma » mort ramener le calme dans l'Empire et » mettre un terme aux dissensions intestines!

» Puisse l'arrêt qui m'ôte la vie être le dernier » jugement injuste de ce Tribunal! »

Cette dernière phrase excita les murmures des spectateurs. Le président du Tribunal répondit : « Monsieur La Porte, le Tribunal par> donne à votre situation, il respecte le mal» heur; mais il croit devoir vous observer que » votre jugement est prononcé par des hommes » justes, qui auroient voulu vous absoudre. »

La Porte montra beaucoup de calme et de fermeté jusqu'au moment de son supplice; alors seulement il parut se troubler; mais bientôt recueillant ses forces, il monta lui-même à l'échafaud, et il reçut la mort avec courage.

Après une séance de quarante-huit heures sans désemparer, Durosoy, homme de lettres, auteur d'un journal intitulé Gazette de Paris, fut condamné à la mort. Outre ses écrits contre-révolutionnaires, dans lesquels il provoquoit à la guerre civile, une foule de pièces prouva qu'il entretenoit des correspondances dangereuses. Il montra beaucoup de sang-froid et d'assurance dans tout le cours de son interrogatoire; il entendit son arrêt sans s'émouvoir; et dans une lettre qu'il remit en sortant du tribunal, et qui fut lue publiquement, on remarqua ces mots : Il est beau pour un royaliste comme moi, de mourir le jour de

Saint-Louis. Ce courage se démentit au moment fatal; Durosoy étoit à demi-mort lorsqu'on le conduisit au supplice. Il subit son sort le 25 Août, à neuf heures du soir, aux flambeaux.

XVII. Il semble que tout conspiroit à aggraver la destinée du Monarque français ; sans parler des mauvaises mesures que prirent ses ministres, on peut dire que lui-même contribua à se faire renverser du trône et à la catastrophe qui termina ses jours. Il eut l'inconcevable imprudence de vouloir conserver des papiers qu'il falloit jeter au feu ; il les fit cacher dans une arinoire de fer, pratiquée dans un lieu secret de ses appartemens au Château des Tuileries, et qu'une boiserie déroboit à tous les yeux; mais Durey, garçon du Château en qui Louis XVI avoit toute confiance, et qui trahissoit son maître, vint révéler à Roland le mystère de cette armoire. Ce ministre remit les papiers à l'Assemblée, et commit la faute de s'en être saisi sans la présence d'un magistrat quelconque, sans en avoir fait dresser un inventaire juridique. Mais on ne lui a jamais reproché cette omission importante, qui pouvoit les faire arguer de faux, et contribuer singulièrement à la défense de Louis XVI. Les pièces trouvées dans l'armoire de fer ser

virent de conviction aux accusations dirigées contre ce Monarque; et il en fut de même des pièces saisies chez l'intendant et le secrétaire de la liste civile, qui ne profitèrent point du temps qu'ils avoient eu pour les brûler.

Parmi les crimes qui furent imputés au Roi des Français, par la Convention Nationale, d'après le rapport de Dufriche-Valazé (1), on s'efforça de prouver qu'il étoit accapareur de diverses marchandises, et qu'il vendoit, sous le nom de Septeuil, secrétaire de la Liste civile, du sucre, du café, du blé.

On vit aussi, dans le même rapport, qu'il avoit été établi secrètement à la Cour, afin de grossir le nombre de ses partisans, un nouvel ordre de chevalerie, sous le nom des Chevaliers de la Reine. La médaille, suspendue par un ruban ponceau, offroit, d'un côté, le portrait de la Reine, et son nom; de l'autre, cette légende: Magnum reginæ nomen obumbrat ( à l'ombre du grand nom de la Reine ). Les brevets ou patentes de l'ordre, portoient

(1) Ce député, rapporteur dans l'affaire de Louis XVI, fut enveloppé dans la proscription des Girondins, et se tua lui-même lorsqu'ils furent condamués à mort, ainsi que nous le dirons en son

lieu.

« PreviousContinue »