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On combattit à l'autre aile avec une alternative à peu près égale de succès et de revers. Par les sages dispositions d'Épaminondas, les Athéniens ne furent pas en état de seconder les Lacédémoniens. Leur cavalerie attaqua celle des Thébains, fut repoussée avec perte, se forma de nouet détruisit un détachement que les ennemis avaient placé sur les hauteurs voisines; leur infanterie était sur le point de prendre la fuite, lorsque les Éléens volèrent à

veau,

son secours.

La blessure d'Épaminondas arrêta le carnage et suspendit la fureur des soldats; les troupes des deux partis, également étonnées, restèrent dans l'inaction; de part et d'autre on sonna la retraite, et l'on dressa un trophée sur le champ de bataille.

Épaminondas respirait encore. Ses amis, ses officiers fondaient en larmes autour de son lit. Le camp retentissait. des cris de la douleur et du désespoir. Les médecins avaient déclaré qu'il expirerait dès qu'on ôterait le fer de la plaie. Il craignit que son bouclier ne fût entre les mains de l'ennemi on le lui montra, et il le baisa, comme l'instrument de sa gloire et de ses travaux. Il parut inquiet sur le sort de la bataille : on lui dit que les Thébains l'avaient gagnée. «Voilà qui est bien, répondit-il, j'ai assez vécu. » Il manda ensuite Daïphantus et Iollidas, deux généraux qu'il jugeait dignes de le remplacer on lui dit qu'ils étaient morts. « Persuadez donc aux Thébains, reprit-il, de faire la paix.» Alors il ordonna d'arracher le fer; et l'un de ses amis s'étant écrié, dans l'égarement de sa douleur : « Vous mourez, Épaminondas! si du moins vous laissiez des enfants!»«Je laisse, répondit-il en expirant, deux filles immortelles: la victoire de Leuctres et celle de Mantinée. »

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BARTHÉLEMY. Voyage d'Anacharsis.

Mort de Vatel.

Le roi arriva jeudi au soir; la promenade, la collation dans un lieu tapissé de jonquilles, tout cela fut à souhait. On soupa; il y eut quelques tables où le rôti manqua, à cause de plusieurs dîners auxquels on ne s'était point attendu. Cela saisit Vatel; il dit plusieurs fois : « Je suis perdu d'honneur; voici une affaire que je ne supporterai pas. » Il dit à Gourville: «La tête me tourne; il ya douze nuits que je n'ai dormi; aidez-moi à donner des ordres. >> Gourville le soulagea en ce qu'il put. Le rôti qui avait manqué, non pas à la table du roi, mais à la vingtcinquième, lui revenait toujours à l'esprit. Gourville le dit à M. le Prince. M. le Prince alla jusque dans la chambre de Vatel, et lui dit : « Vatel, tout va bien; rien n'était plus beau que le souper du roi. » Il répondit: «Monseigneur, votre bonté m'achève; je sais que le rôti a manqué à deux tables. - Point du tout, dit M. le Prince, ne vous fächez point, tout va bien. » Minuit vient: le feu d'artifice ne réussit point; il fut couvert d'un nuage; il coûtait seize mille francs. A quatre heures du matin, Vatel s'en va par-tout; il trouve tout endormi. Il rencontre un petit pourvoyeur qui lui apportait seulement deux charges de marée. Il lui demande « est-ce là tout? Oui, monsieur. » Il ne savait pas que Vatel avait envoyé à tous les ports de mer. Vatel attend quelque temps; les autres pourvoyeurs ne vinrent point. Sa tête s'échauffait; il crut qu'il n'y aurait point d'autre marée. Il trouva Gourville; il lui dit: «Monsieur, je ne survivrai point à cet affront-ci. » Gourville se moqua de lui. Vatel monte à sa chambre, met son épée contre la porte, et se la passe au travers du mais ce ne fut qu'au troisième coup, car il s'en

cœur ;

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pour

donna deux qui n'étaient pas mortels, qu'il tomba mort. La marée cependant arrive de tous côtés; on cherche Vatel la distribuer ; on va à sa chambre, on heurte, on enfonce la porte, on le trouve noyé dans son sang. On court à M. le Prince, qui fut au désespoir. M. le duc pleura; c'était sur Vatel que tournait tout son voyage de Bourgogne. M. le Prince le dit au roi fort tristement. On dit que c'était à force d'avoir de l'honneur à sa manière. On le loua fort, on loua et blâma son courage (1). Madame de SÉVIGNÉ.

Jeux solennels de la Grèce.

La Course à pied.

Quand les présidents eurent pris leurs places, un héraut s'écria: «Que les coureurs du stade se présentent. » Il en parut aussitôt un grand nombre, qui se placèrent sur une ligne, suivant le rang que le sort leur avait assigné. Le héraut récita leurs noms et ceux de leur patrie. Si ces noms avaient été illustrés par des victoires précédentes, ils étaient accueillis avec des applaudissements redoublés. Après que le héraut eut ajouté : « Quelqu'un peut-il reprocher à ces athlètes d'avoir été dans les fers, ou d'avoir mené une vie irrégulière »? il se fit un silence profond.... L'espérance et la crainte se peignaient dans les regards. inquiets des spectateurs; elles devenaient plus vives à mesure qu'on approchait de l'instant qui devait les dissiper. Cet instant arriva. La trompette donna le signal; les coureurs partirent, et dans un clin d'œil parvinrent à la borne où se tenaient les présidents des jeux. Le héraut proclama le nom de Porus de Cyrène, et mille bouches le répétèrent.

(1) Voyez, Narrations en vers, le même sujet.

Les jours suivants, d'autres champions furent appelés pour parcourir le double stade, c'est-à-dire, qu'après avoir atteint le but et doublé la borne, ils devaient retourner au point du départ. Ces derniers furent remplacés par des athlètes qui fournirent douze fois la longueur du stade. Quelques uns concoururent dans plusieurs de ces exercices, et remportèrent plus d'un prix. Parmi les incidents qui réveillèrent à diverses reprises l'attention de l'assemblée, nous vîmes des coureurs s'éclipser et se dérober aux insultes des spectateurs ; d'autres, sur le point de parvenir au terme de leurs désirs, tomber tout à coup sur un terrain glissant. On nous en fit remarquer dont les pas s'imprimaient à peine sur la poussière. Deux Crotoniates tinrent long-temps les esprits en suspens: ils devançaient leurs adversaires de bien loin; mais l'un d'eux ayant fait tomber l'autre en le poussant, un cri général s'éleva contre lui, et il fut privé de l'honneur de la victoire, car il est expressément défendu d'user de pareilles voies pour se la procurer. On permet seulement aux assis tants d'animer par leurs cris les coureurs auxquels ils s'intéressent.

Les vainqueurs ne devaient être couronnés que dans le dernier jour des fêtes; mais à la fin de leurs courses ils recurent, ou plutôt enlevèrent une palme qui leur était destinée. Ce moment fut pour eux le commencement d'une suite de triomphes. Tout le monde s'empressait à les voir, à les féliciter; leurs parents, leurs amis, leurs compatriotes, versant des larmes de tendresse et de joie, les soulevaient sur leurs épaules pour les montrer aux assistants, et les livraient aux applaudissements de toute l'assemblée, qui répandait sur eux des fleurs à pleines mains.

Course des chars.

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Pour en voir les préparatifs, nous entrâmes dans la barrière; nous y trouvâmes plusieurs chars magnifiques, retenus par des câbles qui s'étendaient le long de chaque file, et qui devaient tomber l'un après l'autre. Ceux qui les conduisaient n'étaient vêtus que d'une étoffe légère. Leurs coursiers, dont ils pouvaient à peine modérer l'ardeur, attiraient tous les regards par leur beauté, quelques uns par les victoires qu'ils avaient déjà remportées. Dès que le signal fut donné, ils s'avancèrent jusqu'à la seconde ligne, et s'étant ainsi réunis avec les autres lignes, ils se présentèrent tous de front au commencement de la carrière. Dans l'instant on les vit couverts de poussière se croiser, se heurter, entraîner les chars avec une rapidité que l'oeil avait peine à suivre. Leur impétuosité redoublait lorsqu'ils se trouvaient en présence de la statue d'un génie qui, dit-on, les pénètre d'une terreur secrète; elle redoublait lorsqu'ils entendaient le son bruyant des trompettes placées auprès d'une borne fameuse par les naufrages qu'elle occasionne: posée dans la largeur de la carrière, elle ne laisse pour le passage des chars qu'un défilé assez étroit, où l'habileté des guides vient très souvent échouer. Le péril est d'autant plus redoutable, qu'il faut doubler la borne jusqu'à douze fois; car on est obligé de parcourir douze fois la longueur de l'hippodrome, soit en allant, soit en revenant.

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A chaque évolution il survenait quelque accident qui excitait des sentiments de pitié, ou des rires insultants de part de l'assemblée. Des chars avaient été emportés hors de la lice; d'autres s'étaient brisés en se choquant avec violence la carrière était parsemée de débris qui rendaient la course plus périlleuse encore. Il ne restait plus que cinq concurrents, un Thessalien, un Libyen, un Syra

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