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Né pour les

beaux temps de Rome, il espère vainement préparer des temps pareils pour une nation qui paroissoit naître à la liberté; mais des françois corrompus ne sont pas dignes d'elle, ils ont méconnu leurs deffensseurs, et ceux qu'ils auroient dû chérir, honorer, ont été proscrits par une assemblée de lâches que dominoient des brigands. Buzot déclaré traître à la Patrie, pour laquelle il s'étoit sacrifié, a eu sa maison rasée, ses biens confisqués,

mais la honte en est

pour

les

auteurs et les témoins

passifs de cette

iniquité.

Buzot vivra

dans le souvenir des gens de bien. Ses pensées fortes, ses sages avis seront cités; on relira ses deux lettres à ses commettants des 6 et 22 janvier 93. La postérité honorera sa mémoire, ses contemporains ne tarderont pas de le regretter; et l'on recueillera précieusement un jour son portrait pour le placer parmi ceux de ces généreux amis de la liberté qui croyoient à la vertu, qui ôsoient la prêcher comme la seule base d'une république, et qui eurent la force de la

pratiquer.

No XVI (Page VII de l'Introduction).

AVERTISSEMENT DU PREMIER ÉDITEUR.

(1795)

La citoyenne Roland, épouse d'un savant, était convaincue que toute la célébrité d'une femme doit se borner à l'estime que lui attire l'exercice des vertus domestiques. Aussi s'est-elle toujours refusée aux publications qui auraient pu lui donner une réputation littéraire. Il fallait même se trouver dans l'intimité de sa confiance, pour pouvoir apprécier son mérite naturel, ses dons acquis et la force de son caractère.

La citoyenne Roland, épouse d'un ministre, a conservé les mêmes principes. Elle a concouru aux travaux politiques de son mari, comme elle concourait auparavant à ses travaux scientifiques, sans vouloir y attacher son nom; mais sa position était changée: autrefois circonscrite dans un petit cercle d'amis, alors devenu le centre d'un nombreux entourage, l'enthousiasme de ses amis et la malveillance de ses ennemis se sont bientôt réunis pour lui donner une célébrité qu'elle ne cherchait point encore.

Incarcérée, calomniée de toutes manières, ayant l'échafaud pour unique perspective, la citoyenne Roland a dû chercher dans l'estime de la postérité les moyens de se consoler des injustices de ses contemporains, et dans sa gloire future un dédommagement de sa mort anticipéo.

Alors seulement elle a paru séparer sa réputation de celle de son mari; alors seulement elle a pris la plume pour se faire connaître individuellement, pour fournir en son propre nom des matériaux à l'histoire. Au reste, on verra que le seul désir de sa réputation, de sa renommée ne l'a point déterminée; chaque page pourra prouver qu'elle était surtout animée du devoir de repousser les calomnieuses imputations accumulées contre son mari, et de venger la mémoire de Roland, dans le cas où celui-ci ne pourrait écrire ou faire publier sa dernière justification.

Le public, déjà si favorablement prévenu en sa faveur, jugera par la lecture de ses écrits si elle était réellement digne des éloges de ses amis, et si elle ne méritait pas la haine des scélérats qui l'ont enfin envoyée à la

mort.

La malveillance, sous le masque de la critique, essaiera sans doute de déprécier ce monument élevé par une femme à la gloire de son sexe; mais les lecteurs impartiaux sauront la reconnaître. Je dirai seulement, pour excuser quelques détails superflus, quelques négligences de rédaction, que la citoyenne Roland a composé la partie intitulée Notices historiques, et dont les deux tiers les plus intéressants sont perdus, dans l'espace d'un mois, et que tout le reste l'a été en vingt-deux jours, au milieu des chagrins, des inquiétudes de toutes espèces, et que le manuscrit renferme à peine quelques

ratures.

Plusieurs individus que la citoyenne Roland a caractérisés auront à se plaindre d'elle. C'est à la postérité à décider si elle les a mal ou bien jugés. J'ai dû me renfermer strictement dans le rôle d'éditeur, ne me

permettre aucune altération dans le texte1, lors même qu'il était évident qu'elle se trompait. Il est, par exemple, un passage où elle semble jeter sur le citoyen Dulaure des soupçons que je crois qu'il est bien loin de mériter, et que tous les vrais républicains s'empresseront de repousser; il est bon de détailler ici la cause de

son erreur.

Dulaure, journaliste patriote, écrivain courageux, fréquentait Roland, dont les principes étaient analogues aux siens, dont la conduite lui paraissait estimable. Dulaure, député à la Convention, a cru devoir par délicatesse cesser d'aller chez le ministre, des actions duquel il était devenu le juge. La citoyenne Roland a attribué cette réserve à un changement d'opinion politique, à des instigations montagnardes de là l'humeur qui semble avoir présidé à l'article qui le concerne, mais où cependant elle rend à son caractère la justice qu'il mérite. Le courage avec lequel le citoyen Dulaure a, depuis le 31 mai, imprimé toutes les réclamations de la citoyenne Roland; l'honorable proscription qu'il a éprouvée; enfin, son dernier écrit, intitulé: Supplément aux crimes des anciens comités du gouvernement, le dispensent d'une plus longue justifi

cation.

J'aurais voulu donner au public, en même temps, la totalité de l'ouvrage; mais les lenteurs de la typographie dans le moment actuel, et les observations de quelques bons citoyens, me déterminent à le faire paraître par parties. Il y en aura quatre qui se succé

1. Cette assertion n'est pas tout à fait exacte, comme il est facile de s'en convaincre par la comparaison des textes.

F..

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