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Que le triste Hyacinthe avec tous ses appas,
Et cette fleur qui suit mon père pas à pas 2,
Les roses de Vénus nouvellement écloses,
Ajax si renommé dans les Métamorphoses,
La fleur du beau Narcisse et la fleur d'Adonis,
Toutes doivent céder à la fleur de Louis.

A M. de Charleval'

SUR UN ÉLOGE QU'IL AVAIT Fait de l'auteur.

Qu'une louange délicate

Nous touche, nous plaise et nous flatte,
N'en doutez point :

Mais pour bien goûter cette gloire,
Il faut, Damon, la pouvoir croire,
C'est là le point.

Mon cœur que la raison éclaire,
Méprise tout encens vulgaire,

N'en doutez point:

Mais rejeter par modestie

Le plus pur encens d'Arabie,
C'est là le point.

1. Hyacinthe était un fils d'OEbalus, qu'Apollon, en jouant avec lui, blessa. sans le vouloir, d'un coup mortel. Le dieu désolé le changea en la fleur qui porte son nom. (OVIDE, Métamorphoses, X.)

2. L'héliotrope ou le tournesol.

3. Du sang d'Ajax (fils de Télamon), frappé de sa propre main, naquit une fleur pareille à celle d'hyacinthe, mais couleur de pourpre. (OVIDE, Métamorphoses, XIII.)

4. L'anémone.

5. Gentilhomme normand, auteur de quelques poésies qui ont été réunies en un vol. Paris, 1756.

Au secrétaire des dames,

QUI AVAIT ENVOYÉ a sapho, en leur nom, une guiRLANDE DE LAURIERS D'OR
ÉMAILLÉS DE VErt, avec une ODE A SA LOUANGE1.

D'où viennent ces lauriers si verts, si précieux?
Sortent-ils de la terre, ou tombent-ils des cieux?
Et d'où partent ces vers pleins d'esprit et de grâce,
Dont le tour délicat tous les autres efface?
Généreux inconnu, pourquoi vous cachez-vous?
Le plaisir d'obliger est un plaisir si doux !
Je vous cherche partout et ne vous puis connaître.
Etes-vous mon ami? Ne le pouvez-vous être ?
Vous contenterez-vous de n'être qu'estimé?
En ne se nommant pas on ne peut être aimé.
Soyez du moins jaloux de votre propre ouvrage :
Nos plus rares esprits viennent lui rendre hommage;
Il n'a qu'un seul défaut qui se corrigera :
Mettez-y votre nom, et rien n'y manquera.

Sur la conquête de la Franche-Comté
EN JANVIER 1668.

Les héros de l'antiquité

N'étaient que des héros d'été :

1. Ces vers, non signés, étaient de Mlle de La Vigne, bel esprit et poète. Un récent triomphe de Mile de Scudéry, le prix d'éloquence à elle décerné par l'Académie française pour son discours Sur la véritable Gloire (1671), était d'abord celebré dans cette ode:

Venez, filles de Mémoire,
C'est pour Sapho, doctes Sœurs;
Venez nous fournir des fleurs
Pour honorer sa victoire.

Pleins d'une vaine espérance,
Mille orateurs estimés,
Par le beau prix animés,

Étalaient leur éloquence.
Qui jamais se fût donté
Qu'aucune l'eût disputé,

D'entre toutes que nous sommes ?
Mais chacun se mécompta :

Ce que disputaient tant d'hommes,
Une fille l'emporta.

Etc.

Ils suivaient le printemps comme des hirondelles;
La Victoire en hiver pour eux n'avait point d'ailes;
Mais malgré les frimas, la neige et les glaçons,
Louis est un héros de toutes les saisons1.

La beauté, l'esprit et la vertu.

La fleur que vous avez vu3 naître,
Et qui va bientôt disparaître,
C'est la beauté, qu'on vante tant.
L'une brille quelques journées,
L'autre dure quelques années,
Et diminue à chaque instant.

L'esprit dure un peu davantage,
Mais à la fin il s'affaiblit,
Et, s'il se forme d'àge en åge,
Il brille moins, plus il vieillit.

La vertu, seul bien véritable,
Nous suit au delà du trépas :
Mais ce bien solide et durable
Est celui qu'on ne cherche pas.

Sur le portrait de l'auteur par Nanteuil3.

Nanteuil, en faisant mon image,

A de son art divin signalé le pouvoir :

Je hais mes yeux dans mon miroir,

Je les aime dans son ouvrage.

1. Ma de Sévigné écrivait à sa fille (23 décembre 1671) en souvenir de ce sixain: «Pour moi, je soupçonne encore quelque expédition comme celle de la Franche-Comté. Vous savez que le Roi est un héros de toutes les saisons. »

2. La règle de l'accord dans ce cas n'était pas encore établie.
3. Un pastel de cet artiste, qui s'est perdu sans avoir été gravé.

MADAME DE MOTTEVILLE

(1621-1689)

Cette dame, » dit Voltaire, dans son Catalogue d'écrivains francais, à la suite du Siècle de Louis XIV, « cette dame a écrit des mémoires qui regardent particulièrement la reine Anne d'Autriche. On y trouve beaucoup de petits faits avec un grand air de sincérité. » Voltaire passe bien vite sur ces mémoires, qu'il devait avoir lus, cependant, et consultés avec fruit. Avec beaucoup de petits faits, précieux à connaître, on y trouve de très intéressants et instructifs récits des plus émouvantes ou des plus curieuses scènes de la Fronde, des tableaux amples et animés de la cour aux diverses époques de la Minorité, des vues, des réflexions, sur le fond secret des événements, de nombreux portraits crayonnés ou peints sur le vif. Quant à l'esprit du livre, ce n'est pas assez de louer chez Mmo de Motteville le mérite de la sincérité : elle avait, en plus, à un degré rare, surtout chez une femme, la solidité de sens et le calme de raison qui écartent les préventions ou les dissipent, l'esprit d'observation qui permet de bien voir, la droiture d'âme qui est la première condition de l'impartialité. Peu de mémoires, parmi ceux que le xvIe siècle nous a laissés en si grand nombre, approchent autant de l'histoire que les siens ils y touchent par la bonne foi, la clairvoyance, l'utilité, sinon par les formes du langage. Mme de Motteville écrit d'un style sérieux, paisible, rarement concis, parfois traînant et assez peu correct, toujours naturel, substantiel, attachant, et agréable jusque dans ses négligences.

Me de Motteville était une dame suivante de la cour intime d'Anne d'Autriche, dévouée à sa maîtresse et au roi, mais sans superstitieuse idolâtrie et sans ombre de servilité; libre d'ambition, étrangère aux partis, en dehors de toutes les cabales, liée cependant avec bon nombre des acteurs, grands ou petits, des uns et des autres, aimée et tendrement estimée de la reine mère, qui s'épan

chait souvent en sa présence, ou même en tête-à-tête avec elle. Cette situation, jointe à cette humeur, et aux qualités d'esprit qu'il est de toute justice de lui reconnaitre, faisait d'elle un excellent témoin des choses qu'elle a pris plaisir à nous raconter.

Née en 1621, fille d'un gentilhomme de la chambre du roi, qui mit tous ses soins à l'élever et à la faire instruire, nièce de Jean Bertaut, le poète évêque, celui dont Boileau a loué la retenue, mariée en 1639 à un vieux premier président de la Chambre des comptes de Normandie, qui, de bonne heure, la laissa veuve, attachée, dès le début de la Régence, au service de la reine mère, où elle demeura jusqu'à la mort de cette princesse (1666), sa vie, personnellement uniforme et simple au milieu d'un monde agité, n'est pas de celles qui prêtent au détail d'une biographie. Depuis cette date, à laquelle s'arrêtent ses mémoires, elle vécut à l'écart, occupée de rassembler ses souvenirs, heureuse de quelques amitiés de choix (M. de Pompone, Mme de La Fayette, Mme de Sévigné), souvent retirée au couvent des Visitandines de Chaillot, où elle avait une sœur religieuse et une royale amie, la vieille reine d'Angleterre, Henriette de France, réfugiée dans cette solitude.

Les mémoires de Mme de Motteville, publiés d'abord en 1723, ont été plusieurs fois réimprimés de nos jours. De plus en plus estimés de tous ceux qui veulent écrire ou bien connaitre l'histoire du xv siècle, ils devraient avoir un plus grand nombre de lectrices. Peu de livres d'histoire offrent aux femmes, autant que celui-ci, l'intérêt à la fois sérieux et facile, le mélange d'instruction et d'attrait qu'elles désirent pour leurs lectures.

...

Richelieu.

Malgré ses défauts et la raisonnable aversion de la Reine', on doit dire de lui qu'il a été le premier homme de notre temps, et que les siècles passés n'ont rien qui le puisse surpasser. Il avait la maxime des illustres tyrans: il réglait ses desseins,

1. Aversion motivée par les défiances et les duretés de Richelieu à son égard. Il s'agit d'Anne d'Autriche.

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