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une charge moins brillante, mais stable. M. Lambert était consommé dans le détail du contentieux, mais dénué de connaissances et même ignorant, comme il en convenait lui-même, pour tout ce qui a rapport à la manutention et au mouvement d'argent.

Ce changement continuel dans les administrateurs (puisqu'en trois mois il y avait eu trois contrôleurs-généraux ), dénotait le manque de principes et de fixité dans la gestion de l'archevêque de Toulouse, et par conséquent de l'incertitude dans sa conduite. Un nouvel événement vint encore, à l'appui de cette opinion, porter atteinte au crédit. M. de la Borde, possesseur d'une fortune immense, père du garde du Trésor royal, avait eu l'imprudence d'accepter la charge de directeur du Trésor royal. La chose était publique. Il arriva à Versailles, avec son fils, pour remercier; mais, au moment de tout terminer, tout manqua heureusement pour lui, puisque, du plus riche particulier de l'Europe, la place qu'il prenait pouvait le rendre le plus pauvre. On dit qu'il prétendit à entrer dans le conseil, à travailler seul avec le roi, à mettre le contrôleur-général autant dans sa dépendance qu'il devait être dans la sienne; ce qu'avec raison on ne voulut pas lui accorder, et il s'en retourna à Paris, y confirmer le discrédit, la terreur pour l'avenir, et la mauvaise opinion qu'on avait de l'archevêque. Le parlement à Troyes, ainsi que le châtelet à

Paris, s'assemblait journellement, appelait les causes, et s'en allait comme il était venu, sans qu'il se présentât un seul procureur, un seul avocat pour plaider.

Il eût fallu soutenir la démarche nerveuse qu'on avait fait faire au roi vis-à-vis du parlement: mais l'inflexibilité de ce corps, qui sentait l'insuffisance de l'archevêque de Toulouse, la difficulté de finir l'année avec les fonds qui étaient au Trésor royal et ceux qui devaient y rentrer, le resserrement de l'argent, moitié par crainte, moitié par la cabale de M. Necker, et qui conduisait très-incessamment à faire cesser ou du moins suspendre les paiemens du roi, par conséquent à faire naître la fermentation la plus violente, et peut-être une sédition; toutes ces considérations, qui, loin d'intimider un ministre à caractère, et capable de grandes choses, n'auraient été pour lui qu'un moyen de détruire l'opinion mal calculée que le public avait pour le parlement, et de regagner l'autorité du roi ; toutes ces considérations, dis-je, intimidèrent l'archevêque de Toulouse, dépourvu des talens nécessaires pour en profiter, et le déterminèrent au rôle dont il était capable, c'est-à-dire à celui d'intrigant. Il négocia un mois avec le parlement, par conviction, promesses, argent; il en obtint enfin, qu'en retirant les édits du timbre et de la subvention territoriale, une compagnie prorogerait le second vingtième perçu à la rigueur, en abolissant tout privilége,

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tout abonnement qui dispensaient de cet impôt. A ces conditions, le parlement fut rappelé à Paris, où il revint après un arrêté dans lequel sous l'apparence des termes les plus respectueux pour le roi, il lui parlait en maître, et se réservait le droit de la même opposition au moment où il le voudrait. Le roi, de son côté, dans ses lettres-patentes pour le rappel du parlement, lui montrait sa satisfaction de sa conduite.

Au fait, le parlement, sans retour de fidélité et de respect pour le roi, allait directement contre les principes qu'il avait mis en avant, de ne pouvoir autoriser aucun impôt ; droit qui, selon sa dernière façon de penser, n'appartient qu'aux états-généraux et le roi achevait de perdre son autorité et de se discréditer. Mais l'archevêque se donnait du répit et les moyens de cimenter la sienne; voilà tout ce qu'il lui fallait.

La Hollande abandonnée. Le comte de Brienne, ministre de la guerre, et M. de la Luzerne, de la marine. Conseil de guerre établi. La guerre évitée. Edit d'un emprunt, et d'un autre pour accorder le droit de citoyen aux protestans, portés par le roi au parlement. Celui de l'emprunt, enregistré par ordre exprès. Portrait de M. le duc d'Orléans. Exil de ce prince et des conseillers Fréteau et l'abbé Sabathier de Cabre. L'archevêque de Toulouse troque son archevêché contre celui de Sens. L'édit des protestans enregistré.

Écrit en 1787 et 1788.

La politique, sous l'administration de l'archevêque de Toulouse, n'allait guère mieux que les autres parties du gouvernement. Il se montrait aussi pleinement incapable sur cet objet que sur

tous les autres.

M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, quoique avec une grande intelligence, ne pouvait lui être d'un grand secours, surtout dans la situation délicate où étaient les affaires de l'Europe, qui auraient exigé un homme consommé.

L'Angleterre, ne respirant que vengeance de la perte de l'Amérique, et de l'alliance des Hollan

dais, que la France lui avait enlevée, considérant l'état déplorable des finances du roi, et les troubles qui régnaient dans l'intérieur du royaume, jugea que l'instant de porter un grand coup était arrivé. En conséquence, son ministre à la Porte, à force d'intrigues, parvint à déterminer les Turcs à déclarer la guerre à la Russie au moment où nous faisions. nos efforts pour les garantir de l'invasion que l'impératrice de Russie et l'Empereur projetaient depuis long-temps contre eux.

avait

Cette démarche, inspirée à la Porte, notre alliée, pour but de nous rendre suspects à la Russie, de nous l'aliéner de nouveau, et de nous faire perdre le fruit des négociations du comte de Ségur, qui l'avait ramenée, par un grand talent, au point de conclure un traité de commerce avec nous; en même temps, de rompre notre ancienne alliance avec les Turcs, et par-là de détruire, du moins de donner de grandes entraves à notre commerce du Levant.

D'un autre côté, l'Angleterre excitait une guerre civile en Hollande, par les prétentions outrées qu'elle suggérait au stathouder, et que les patriotes repoussaient avec fermeté. Le parti stathoudérien et celui des patriotes en étaient déjà venus aux voies de fait, lorsque l'épouse du stathouder, voulant se rendre à La Haye, arriva sur le cordon de troupes que la province de Hollande, qui tenait pour les patriotes, avait formé. On lui refusa le

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