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Denison
margrans
5-19-38
36153

HISTOIRE

DE LA RÉVOLUT ON

DU ΙΟ A OUST 1792,

DES causes qui l'ont produite, des événemens qui l'ont précédée, et des crimes qui l'ont suivie.

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CHAPITRE PREMIER.

J

INTRODUCTION.

'AI tracé le tableau de la Révolte du 10 Août; j'ai promis celui de l'Anarchie qui l'a suivie et des malheurs de tout genre qui ont été la conséquence de cette anarchie.

La multitude des faits qui ont rempli les 40 jours qui se sont écoulés jusqu'au 20 Septembre, sera le sujet de ce nouveau travail, plus douloureux encore que pénible. Obligé dans cette funéste abondance, de Tome II.

A

me borner aux traits principaux, j'essayerai de saisir ceux qui appartiennent plus particulièrement à l'histoire de nos mœurs. On fera assez tôt des compilations froides et indigestes, où l'on trouve tout, excepté ce que le sentiment y cherche. Je n'ambitionnerai point cette précision mathématique de dates, et de pièces officielles, qui font le sublime de la pédanterie. Je ferai rapidement l'historique de cette sanglante époque, et je ne m'appesantirai que sur les circonstances qui pourront inspirer l'horreur ou la pitié. Une seule larme que j'aurai arrachée à la sensibilité de mon lecteur, me paroîtra préférable aux vains applaudissemens de toute une académie.

Familles infortunées, qui avez vu tomber dans cette révolution, sous le fer des assassins, des têtes qui vous étoient si chères, c'est à vous que cette dernière partie de mon ouvrage est dédiée.

Respectable Penthièvre, toi, dont soixante ans de vertus méritoient moins de malheurs sur le bord de ta tombe; aimable et infortunée fille de Cazotte, qui moins heureuse' que ton émule, la jeune Sombreuil, n'arrachas ton père au massacre, que pour le

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voir trainer au supplice; vous tous, en un mot, qui regrettez un pere, un ami, un époux, tombés sous la faux de l'anarchie et de la proscription, accueillez mon écrit; je le composai pour vous et par vous; accable des mêmes douleurs, pénétré du sentiment qui brisait vos cœurs, je pris la plume, et mes pleurs effacèrent bien souvent mes dernières pensées.

On a déjà vu par quelle série de fatalités, le Roi et sa famille avoient été conduits du trône constitutionnel dans les abymes de la captivité; cinq mois ont suffi, et ce malheureux prince a achevé de subir tout ce que le courroux céleste peut épuiser de vengeances sur la tête du plus grand criminel.

Jugé par ses ennemis que l'honneur et la conscience devoient forcer de se recuser, puisqu'ils avoient pris sa place et ses pouvoirs, et que nul ne peut être juge dans sa propre cause.

Jugé au mépris de la loi positive qui avoit consacré son inviolabilité, comme une des bases fondamentales et essentielles de la

constitution.

Massacré par la même faction qui l'avoit déjà emprisonné, qui avoit nommé ses juges,

qui depuis a tyrannisé leurs consciences, et ne leur a laissé d'autre alternative que le régicide ou leur propre supplice :

Louis a péri: le sang de l'homme innocent a été versé; il a rougi une terre coupable qui appelle aujourd'hui tous les fléaux de la nature; le crime des crimes est consommẻ; nos annales sont finies. Nous avons donné l'exemple du plus grand des forfaits; il ne nous reste plus que celui de leur punition à présenter à la terre épouvantée.

Louis a péri: le meilleur des parens a été envoyé à l'échafaud par un des siens. Il ne voulut jamais qu'il fût répandu une goutte de sang pour sa conservation, et tout le sien a coulé pour notre honte, et le désespoir de la génération présente, il fut le plus économe des princes, et il vit périr la fortune publique; il fut le plus religieux des hommes, et la religion fut anéantie pendant son règne. Il avoit adouci les formes de la jurisprudence criminelle; même pour les derniers de ses sujets, et les derniers de ses sujets ont violé contre lui et les loix divines, et les loix humaines; il avait comblé de bienfaits ses courtisans et des courtisans eux-mêmes ont accéléré sa chûte ; il voulut donner

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