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SUR

L'HISTOIRE

GENERALE,

ET SUR LES MOEURS ET L'ESPRIT DES NATIONS, DEPUIS CHARLE MAGNE JUSQU'A NOS JOUR ́S.

CHAPITRE CLXXXVI. Victoire du Maréchal de Villars à Dénain. Rétablissement des affaires. Paix générale.

L

Es négociations, qu'on entama enfin ouvertement à Londres, furent plus falutaires. La Reine envoya le Comte de Strafford, Ambaffadeur en Hollande, communiquer les propofitions de Louis XIV. Ce n'était plus alors à Marlborough qu'on demandait grace. Le Comte de Strafford obligea les Hollandais à nommer des Plénipotentiaires, & à recevoir ceux de la France.

Trois particuliers s'oppofaient toûjours à cette paix. Marlborough, le Prince Eugéne & Heinfius, perfiftaient à vouloir accabler Louis XIV. Mais quand le Général Anglais retourna dans Londres à la fin de 1711. on lui ôta tous fes emplois. 1 trouva une nouvelle Chambre-bafH. G. Tome VI. A

fe,

te.

fe, & n'eut pas pour lui la pluralité de la hauLa Reine, en créant de nouveaux Pairs, avait affaibli le parti du Duc, & fortifié celui de la Couronne. Il fut accufé, comme Scipion, d'avoir malverfé: mais il fe tira d'affaire, à-peu-près de même, par fa gloire & par la retraite. Il était encor puiffant dans fa difgrace. Le Prince Eugéne n'héfita pas à paffer à Londres, pour feconder fa faction. Ce Prince reçut l'accueil qu'on devait à fon nom & à fa renommée, & les refus qu'on devait à fes propofitions. La Cour prévalut; le Prince Eugéne retourna feul achever la guerre; & c'était encor un nouvel aiguillon pour lui, d'efpérer de nouvelles victoires, fans compagnon qui en partageât l'honneur.

Tandis qu'on s'affemble à Utrecht; tandis que les Miniftres de France, tant maltraités à Gertrudenberg, viennent négocier avec plus d'égalité; le Maréchal de Villars, retiré derriére des lignes, couvrait encor Arras & Cambrai. Le Prince Eugéne prenait la ville du Juillet Quênoi, & il étendait dans le pays une ar1712. mée d'environ cent-mille combattans. Les

Hollandais avaient fait un effort; & n'ayant jamais encor fourni à toutes les dépenfes qu'ils étaient obligés de faire pour la guerre, ils avaient été au-delà de leur contingent cette annéé. La Reine Anne ne pouvait encor fe dégager ouvertement; elle avait envoyé à l'armée du Prince Eugène le Duc d'Ormond avec douze-mille Anglais, & payait encor beaucoup de troupes Allemandes. Le Prince Eugéne, ayant brûlé le fauxbourg d'Arras, s'avançait fur l'armée Françaife. Il propofa au Duc d'Ormond de livrer bataille. Le Général Anglais

avait

avait été envoyé pour ne point combattre. Les négociations particuliéres entre l'Angleterre & la France avançaient. Une fufpenfion d'armes fut publiée entre les deux Couronnes. Louis XIV. fit remettre aux Anglais la ville de 19. Dunkerque, pour fûreté de fes engagemens. Juil. Le Duc d'Ormond se retira vers Gand. 11 vou1712. lut emmener avec les troupes de fa nation, celles qui étaient à la folde de fa Reine; mais il ne put fe faire fuivre que de quatre efcadrons de Holftein & d'un Régiment Liégeois. Les troupes du Brandebourg, du Palatinat, de Saxe, de Heffe de Danemarck, reftèrent fous les drapeaux du Prince Eugéne, & furent payées par les Hollandais. L'Electeur de Hanovre même, qui devait fuccéder à la Reine Anne, laiffa malgré elle fes troupes aux Alliés, & fit voir que fi fa famille attendait la Couronne d'Angleterre, ce n'était pas fur la faveur de la Reine Anne qu'elle comptait

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Le Prince Eugéne, privé des Anglais, était encor fupérieur de vingt-mille hommes à l'armée Françaife; il l'était par fa pofition, par l'abondance de fes magafins, & par neuf ans de victoires.

Le Maréchal de Villars ne put l'empêcher de faire le fiége de Landrecy. La France, épuisée d'hommes & d'argent, était dans la confternation. Les efprits ne fe raffûraient point par les Conférences d'Utrecht, que les fuccès du Prince Eugène pouvaient rendre infructueufes. Déja même des détachemens confidérables avaient ravagé une partie de la Champagne, & pénétré jufqu'aux portes de Reims.

Déja l'allarme était à Versailles.comme dans

le refte du Royaume. La mort du fils unique du Roi, arrivée depuis un an; le Duc de Bourgogne, la Ducheffe de Bourgogne, leur fils aîné, enlevés rapidement depuis quelques mois, Fevr. & portés dans le même tombeau; le dernier de 1712. leurs enfans moribond; toutes ces infortunes domeftiques, jointes aux étrangères & à la mifére publique, faifaient regarder la fin du régne de Louis XIV. comme un tems marqué pour la calamité; & l'on s'attendait à plus de défaftres, que l'on n'avait vu auparavant de grandeur & de gloire.

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1.712.

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Précisément dans ce tems-là, mourut en EfJuin pagne le Duc de Vendôme. L'efprit de décou ragement, généralement répandu en France & que je me fouviens d'avoir vu, faifait encor redouter que l'Espagne, foûtenue par le Duc de Vendôme, ne retombât par fa perte.

Landrecy ne pouvait pas tenir longtems. Il fut agité dans Verfailles, fi le Roi fe retirerait à Chambort. 11 dit au Maréchal d'Harcourt, qu'en cas d'un nouveau malheur, il convoque. rait toute la Nobleffe de fon Royaume, qu'il la conduirait à l'ennemi malgré fon âge de foixante & quatorze ans, & qu'il périrait à la tête.

Une faute, que fit le Prince Eugéne, délivra le Roi & la France de tant d'inquiétudes. On prétend que fes lignes étaient trop étenduës; que le dépôt de fes magafins dans Marchiennes était trop éloigné; que le Général Albemarle, pofté à Dénain entre Marchiennes & le camp du Prince, n'était pas à portée d'être fecouru affez tôt, s'il était attaqué. On m'a affuré qu'une Italienne fort belle, que je vis quelque tems après à la Haie, & qui était alors entretenue

par

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