Page images
PDF
EPUB

de 13401, ou plutôt d'une lettre de vente dont je parlerai dans la seconde partie de ce travail, et dans laquelle il est question du ban hollandais. Il est évident que le ban ou tribunal hollandais, qui se rencontre ici, doit trouver sa source dans une colonie hollandaise qui existait dans cette contrée. Il est tout aussi clair que ce district est le même que celui auquel se réfèrent les sources citées. La proximité de Itzehoe, Heiligensteden et Munsterdorf nous désigne à peu près la situation du ban hollandais; partant, le village de Cronsmoor, où siégeait le tribunal, devait être situé au midi de Breitenburg, c'est-à-dire tout près du Bredenberg et de la rivière Lutesoù. A Cronsmoor (Cranzmoor), se trouvait le siége du tribunal où le bien fut solennellement cédé; le bien lui-même était situé près de la Stör, et cette expression, à Lutteringe, cadre trop bien avec les noms de Lutesaùe ou Lutzbeck, pour que l'on puisse douter que le bien fût sis précisément là où Vicelin avait reçu les dimes de la culture in palude. Il est probable que les Hollandais avaient peu à peu étendu leurs établissements jusque dans les marais de Cronsmoor. Cette localité figure, depuis le treizième jusqu'au quinzième siècle, comme une dépendance du cloître de Reinfeld, en Wagrie, qui avait également reçu un bien à Lutteringe, et qui céda l'un et l'autre (1437, 1439) au couvent de Bordesholm; mais il est plus que probable que Vicelin a été le fondateur des colonies que nous trouvons sur ce territoire, et dont les terres ont pu, grâce à un échange assez commun à cette époque, être adjugées au cloitre de Reinfeld 2.

[blocks in formation]

La charte d'Adalbéron, du 10 juillet 1141, octroyait au cloitre de Neumünster, outre toutes les dimes du canton de Holstein, celles des terres situées près de la Ciester, de chaque côté de la rivière, depuis le village d'Elmshorn jusqu'au lac de Wicfleth (Wykflied). La Ciester passait près d'Elmshorm ; elle est appelée aujourd'hui Krokau; mais son nom ancien semble s'être maintenu dans le nom d'un village voisin, Seester, Seestermühe 5.

1 Westphalen, II, 141, et mes Documents et pièces justificatives, no III.

2 Wersebe, I, 261.

3 Id., I, 262-3.

Un autre diplôme, du 25 juillet 1144, du même archevêque, désigne les terres où la dîme devait être prélevée, comme des marais, paludes, et leur assigne les mêmes limites que la charte précédente'. Un troisième diplôme, de 1146, fait don au couvent de Neumünster d'un autre district marécageux, situé à côté du premier et aboutissant au lac de Wicfleth. Cette source est très-intéressante, en ce qu'elle désigne ces terrains comme étant le centre d'une colonie nouvellement établie, et décrit minutieusement les bornes qui devront l'enserrer 2.

La plaine située vers Bishorst était déjà fort peuplée, au témoignage de l'archevêque, ce qui semblerait prouver qu'une colonie s'y était établie depuis longtemps. Tel est aussi l'avis de l'historien du Holstein. « En effet, dit-il, il faut au moins de vingt à vingt-cinq ans pour qu'un district d'une telle étendue puisse être convenablement cultivé. Or, et l'historien souligne ces mots, nulle part il n'est fait mention d'autres colonies que de celles des Néerlandais qui auraient immigré dans le Holstein. Il est donc permis de supposer que la population de la Bishorster Marsch se composait d'une partie des Hollandais appelés par Frédéric 3. » La conclusion n'est pas rigoureuse; mais les prémisses sont exactes et elles nous ramènent vers 1120, époque à laquelle plusieurs auteurs croient que la colonisation commença dans le Holstein. Quant au nom même, aujourd'hui encore on trouve un hameau appelé Bishorst, dans la vallée de Haseldorf.

Les colons que Vicelin établit dans ce district marécageux, près du lac de Wicfleth, étaient des Hollandais. On peut le conjecturer tout d'abord par analogie. L'hypothèse gagne en force lorsque l'on considère que le cloître percevait la dime non-seulement des fruits de la terre, mais aussi du bétail, ce qui est essentiellement propre aux Hollandais. Enfin, la probabilité se change

[merged small][ocr errors]

2 Id., II, pp. 18, 19, n° 9: « Fratribus in novo monasterio... providere cupiens, paludem, quae est versus Bishorst, et jam non raro incolitur habitatore, distincte describi jussi, et decimationes tam frugum quam animalium quae inde proveniunt, in usus fratrum deputavi... In orientali igitur plaga palus supradicta terminum habet marcham Holsatorum, in Australi marcham Romersflet, in boreali autem lacum Wicflet, in occidentali vero fossam tendentem usque ad marcham Romersflet... »

3 Christiani, Geschichte von Schleswig-Holstein, II, 423, sqq., 1775.

TOME XXXII.

11

en évidence à la lecture d'une charte d'Adalbéron, charte qui, à la vérité, ne porte point de date, mais qui doit avoir été octroyée vers 1146'. L'archevêque approuve un échange conclu entre Vicelin, au nom de l'abbaye de Neumünster, et Hartmann, prévôt du cloitre de Ramelsloh. En vertu de cet échange, le couvent de Ramelsloh cède les dîmes de Bishorst, Katemersflete, Wulberesen, etc., et reçoit, comme contre-valeur, de Vicelin, douze parcelles de terre hollandaises bien cultivées et la moitié d'une manse hollandaise qui n'est pas encore mise en culture. Ce fait établit péremptoirement que là aussi une colonie hollandaise s'était fixée à une époque antérieure.

CHAPITRE III.

THURINGE.

Dans cette partie de l'Allemagne, on rencontre, pour désigner les colons néerlandais, tantôt le mot de Hollandais, tantôt celui de Flamands. Des auteurs en ont conclu, et Wersebe est du nombre, que ce sont là deux noms différents pour désigner un seul et même peuple, et que partout où l'on trouve écrit Flamands, il faut lire Hollandais.

Cette explication est inexacte, en ce qu'elle est incomplète. L'hypothèse contraire serait tout aussi vraie. Nous verrons plus loin que les deux termes sont appliqués indifféremment aux Hollandais ou aux Flamands; de sorte que le docteur Langethal a dit avec raison : « que les Néerlandais de la Thuringe ont été en partie Flamands, en partie Hollandais... L'établissement entier des Néerlandais s'appelait die Flämische colonie, et pourtant l'on décou

↑ Westphalen, II, pp. 22, 25, no 12: « Notum sit filiis nostris, tam praesentibus quam futuris, quod Hartmannus, Romeslensis Ecclesiae Praepositus, et Vicelinus Praepositus Novi monasterii in Holsatia cum suis fratribus concambium quoddam fecerint, videlicet praepositus H. (Hartmannus) et fratres ejus decimationem super Bishorst, Katmersflete, Wulberesen ac super omnem marcham earumdem villarum, sibi pertinentem, Praeposito V. (Vicelino) et fratribus ejus mancipaverunt, pro qua ipsi XII agros hollandenses bene cultos, et dimidium mansum hollandensem nec dum cultum receperunt... »

D

vre ça et là des fermes hollandaises, Holländische Hufen, qui ont dû être cultivées par des Hollandais, puisque, à l'instar de ceux de Brême, ils avaient à payer pour dime la onzième gerbe. Il nous parait donc probable que les deux noms, Hollandais et Flamands, désignaient dans la Thuringe les Néerlandais en général; que la colonie de la Goldene Aue se composait en partie de Flamands, en partie de Hollandais, et que les deux peuples envoyèrent encore d'autres colonies dans d'autres parties de la Thuringe 1. »

[blocks in formation]

« On peut dire à juste titre que c'est le génie flamand qui créa la Goldene Aue!» s'écrie Schlözer, en terminant l'aperçu qu'il consacre à nos compatriotes de cette partie de la Thuringe

La Plaine d'Or, qui reçut ce nom grâce à l'exubérante fertilité de son territoire, est située entre les villes de Sangerhausen, Franckenhausen, Nordhausen, et les bailliages de Heringen et de Kelbra. Elle appartient en commun aux princes de Schwarzbourg-Rudolstadt et aux comtes de Stolberg.

Tous les historiens s'accordent à reconnaître que les Flamands y ont fondé des établissements considérables; mais ils diffèrent d'opinion sur l'époque de leur arrivée et sur la cause qui les y amena.

Les uns pensent que les Flamands furent attirés dans la Goldene Aùe par l'espoir de nombreux avantages, en récompense des services qu'ils rendraient à l'agriculture; mais ils ne croient pas que c'est aux évêques de Misnie que la Thuringe est redevable de cette idée si féconde en résultats heureux ; ils penchent plutôt pour la cour de Mayence 3. D'autres prétendent que les Flamands y furent établis par Henri le Lion, après qu'il eut dévasté la ville de Nordhausen et tout le territoire environnant *. D'autres, enfin, attribuent la colonisation néerlandaise à la fois au couvent des Cistersiens de Walkenried et à l'archevêché de Mayence. Pour appuyer cette opinion, ils rapportent

1 Geschichte der Teutschen Landwirtschaft, II, 162.

* Geschichte der Deutschen in Siebenbürgen, p. 416.

3 Schlözer, p. 416.

Eelking, p. 22.

que les Flämische Ländereien payaient leurs redevances en partie à l'archevêché de Mayence et en partie à l'abbé de Walkenried '.

Cette dernière hypothèse, qui est la plus plausible, est conforme aux faits historiques. Pour le prouver, remontons à l'origine du couvent et examinons les rapports de Walkenried avec la Belgique.

L'abbaye de Walkenried tire son nom du village de Walkenried, situé sur la lisière méridionale du Harz. Au commencement du douzième siècle, Volkmar, comte de Klettenberg, qui le tenait en fief, s'étant retiré au cloître de Huisbourg, sa femme, la comtesse Adélaïde, issue vraisemblablement des comtes de Lohra, conçut le projet de bâtir un monastère sur le territoire du village de Walkenried, qu'elle conservait comme douaire, et de lui léguer le reste de ses biens. Elle s'assura d'abord du consentement de l'empereur Lothaire III et du pape Innocent III, et se rendit ensuite à Cologne pour y visiter les tombeaux des saints Martyrs. Ayant fait part de son projet à l'archevêque, celui-ci lui indiqua le cloître d'Altfeld ou Altkamp (Vetus Campus) comme pouvant l'aider à atteindre le but qu'elle poursuivait. Altenkamp fut le premier couvent de Cistersiens bâti sur le sol germanique, et il l'avait été récemment 2. Adélaïde obtint du supérieur un certain nombre de moines et un abbé pour les diriger, et retourna à Walkenried. L'abbaye fut consacrée solennellement à Dieu, à la sainte Vierge et à saint Martin, l'an 11273, comme le prouve ce distique;

Anno milleno centum septemque vigeno
Walckrieth extruitur, Christus ubi colitur.

Henri, le premier abbé de Walkenried, était Néerlandais de naissance, et il fut à la tête de l'abbaye pendant cinquante ans. C'est là un premier motif qui l'a fait nommer le fondateur des colonies flamandes et hollandaises dans la Goldene Aue. Il y en a un autre non moins serieux. Altenkamp ne fut bâti que lorsque la maison-mère de Cîteaux avait déjà de nombreux rejetons

1 Michelsen, Rechtsdenkmale aus Thüringen, 1853, p: 141.

2 Près de Meurs, sur les confins des Pays-Bas.

3 Ekstorm, Chronicon Walkenred., p. 10. -Leukfeld, Antiquit. Walkenred, 1, 27. Michelsen, loc. cit., p. 141.

« PreviousContinue »