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et du coton. Il avait pour facteur à Lisbonne un de ses compatriotes, Jean van Hulst, tandis que Pierre Rossel était son représentant à Saint-Vincent 1.

Revenons à l'Europe. Les Belges se répandirent aussi sur toute l'étendue du territoire germanique et je pourrais à peine citer l'un ou l'autre État qui n'ait pas reçu d'eux quelque renfort de population ou quelque germe de progrès. Cette remarque s'applique principalement aux colonies du douzième et du treizième siècle, les plus considérables de toutes celles qu'ont jamais fondées les Belges, plus considérables même que celles que nous avons signalées en Angleterre. Car, si importantes qu'aient été ces dernières, elles eurent moins d'influence sur l'ensemble de la civilisation de ce royaume que nos colonies en Allemagne; d'abord, parce que les circonstances dans lesquelles se trouvait la Grande-Bretagne, à chacune des immigrations de nos ancêtres, étaient, somme toute, moins critiques que la situation déplorable créée en Allemagne par une longue guerre d'extermination; ensuite, parce que les Belges n'obtinrent jamais en Angleterre, malgré les grands priviléges qu'on leur accorda, un faisceau de droits aussi étendus que ceux qui leur furent dévolus en Allemagne; enfin, parce que, tout en conservant encore pour l'archéologue des vestiges remarquables, elles n'offrent pas à l'historien ces débris vivants et palpables qui se retrouvent en foule sur le sol germanique. Les colonies belges en Allemagne : tel est l'intéressant mais difficile sujet dont je vais maintenant aborder l'examen.

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Flamands,

Un essaim nombreux de peuples nés sur le sol néerlandais Wallons, Brabançons, Zélandais, Hollandais et Frisons, auxquels se joignirent une poignée de Westphaliens -allèrent s'établir en Germanie dans

Vander Aa, Voyagien. Cf. Van Bruyssel, loc. cit., p. 524.

TOME XXXII.

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le courant du douzième et du treizième siècle, et y jetèrent des racines dont la trace se retrouve encore aujourd'hui. C'est ce qu'attestent et les récits de plusieurs chroniqueurs contemporains, témoins oculaires de ces migrations de nos ancêtres, ainsi que des monuments d'une authenticité irrécusable tels que chartes, diplômes, actes publics et privés. C'est ce que prouvent aussi des droits et priviléges locaux qui portent encore le nom de ceux qui les importèrent ou à qui ils furent concédés; c'est ce qui résulte, enfin, des traditions populaires encore vivaces comme il y a six siècles: source parfois obscure et incertaine, mais à laquelle l'historien ne doit pas dédaigner de recourir, quand il y puise avec discernement. Voilà autant d'éléments de preuves qui forment le fondement d'une proposition dont j'essaierai tout à l'heure de développer successivement toutes les parties.

Il faut avouer pourtant qu'un doute pourrait se présenter à l'esprit, si l'on voulait tenir compte du silence de nos anciens chroniqueurs. Soit que le souvenir des émigrations de leurs ancêtres ne soit point arrivé jusqu'à eux, soit qu'ils n'y aient accordé qu'une attention fugitive, toujours est-il qu'ils n'ont pas jugé à propos d'en parler dans leurs écrits, et de les rappeler à la mémoire de la postérité. C'est ainsi que Oudegherst, Despars, Duclercq, Mélis Stoke, la Groote Chronyke van Vlaenderen, l'Excellente Chronyke, la Chronique d'Egmond, etc., n'en font pas la moindre mention. Quant à Meyer, Sueyro 1 et Divæus2, ils ont connaissance d'une colonie fondée, vers 1160, dans le Mecklenbourg; mais ils se bornent à reproduire presque textuellement la version de l'un ou l'autre annaliste allemand, sans que cette indication les ait poussés à rechercher dans leur propre pays si le peuple n'en conservait pas quelque souvenir. Un tel silence, tout étrange qu'il paraît au premier abord, n'est cependant pas inexplicable: il tient à la nature même de la situation des Pays-Bas, à l'époque où commencèrent les émigrations. J'entrerai plus loin à cet égard dans quelques détails qui permettront de saisir la portée de la lacune que je viens de signaler.

C'est à la docte Allemagne que revient l'honneur d'avoir dégagé le fait de nos émigrations de l'incertitude où nos historiens l'avaient laissée. Jean Eel

1 Annales Flandrenses, I, p. 180. Anvers, 1624.

2 Divæi rerum Brabant. Edit. Miræi, pp. 53, 97. - Voy. plus loin, div. II, chap. VI.

king, baron du Saint-Empire et syndic de la ville de Brême, s'occupa le premier, d'une manière expresse, d'un sujet si fécond en enseignements 1. Son travail est une dissertation inaugurale, et, malgré toute son imperfection, il y faut signaler des qualités incontestables. On y trouve du soin dans les recherches, de l'exactitude dans les détails, de la loyauté dans les jugements. Malheureusement, l'œuvre est incomplète, et, dans plus d'un endroit, elle manque de précision et de netteté. D'ailleurs, esprit sèchement analytique, Eelking ne perçoit point la synthèse des choses; les qualités lumineuses du critique lui font défaut. Néanmoins, il a eu le mérite de poser le premier jalon d'une question du plus haut intérêt, de réunir une foule de documents épars et de montrer à ses successeurs le chemin à suivre pour arriver à un résultat complet.

Après lui, trois écrivains ont traité ex professo le même sujet. Le premier, J.-G. Hoche, d'abord chapelain du collége théologique de Halle, et plus tard pasteur du village de Rödinghausen, travailla sur le plan d'Eelking et reproduisit en partie ses données 2; mais, comprenant les imperfections de l'œuvre de son devancier, il combla les lacunes que ce dernier avait laissées, et compléta dans une certaine mesure ses investigations. Il a de plus sur Eelking l'avantage d'avoir vu par lui-même les traces de plusieurs colonies que le syndic de Brême connaissait à peine de nom.

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Avant de parler des deux autres écrivains dont je viens de faire mention, je dois citer un discours sur le droit de succession des Belges en Allemagne 3, prononcé, en 1792, devant l'Académie de Wittenberg, par le recteur, docteur Klügel; discours dans lequel le savant jurisconsulte a recherché avec un soin consciencieux les origines de ce droit en Allemagne, et les causes pour lesquelles il y fut introduit. Ce travail fort intéressant, et qui renferme plusieurs indications que j'ai vainement cherchées ailleurs, semble avoir été ignoré de tous les auteurs qui se sont occupés depuis lors de la matière.

1 Dissertatio historico-juridica inauguralis de Belgis seculo XII in Germaniam advenis variisque institutis atque juribus ex eorum adventu ortis. Göttingue, 1770.

2 Historische Untersuchungen über die Niederländischen Kolonien in Niederdeutschland besonders der Holländer und Fläminger, etc. Halle, 1791.

3 De viduo successore in immobilia ab uxore relicta ex iure Flamingico. Wittenberg, 1792.

En 1795, le docteur Schlözer, professeur à l'université de Göttingue, consacra une cinquantaine de pages à l'examen des colonies néerlandaises qui se fixèrent en Allemagne, en les mettant en rapport avec les émigrations germaniques qui eurent lieu en Transylvanie 1. Le travail de Schlözer n'est qu'un précis substantiel; mais, quoiqu'il ait beaucoup moins d'étendue que les livres d'Eelking et de Hoche, il l'emporte par la clarté d'exposition et par l'ordre qu'il suit dans les détails, non moins que par le coup d'œil philosophique et par les vues d'ensemble qui avaient échappé à ses deux prédécesseurs. Il eut aussi le bonheur de puiser à quelques sources nouvelles.

Enfin, en 1815, parut un ouvrage qui sembla vouloir épuiser la matière et ne plus rien laisser à désirer 2. L'auteur, Auguste de Wersebe, conseiller d'État à Hanovre, etc., s'était donné pour mission de traiter à fond la question de nos colonies, et il se flattait qu'après lui personne ne trouverait plus à glaner dans ce champ si vaste. Il faut reconnaître qu'il avait de l'érudition et que son œuvre témoigne d'études étendues et d'une application sérieuse. Mais, cet hommage rendu à la mémoire d'un écrivain laborieux, je serais fort tenté de lui appliquer l'adage de l'École : Qui prouve trop ne prouve rien. En effet, l'auteur a pris à tâche de démontrer que les colonies néerlandaises ont été fort peu nombreuses, et qu'elles n'ont exercé aucune, ou du moins presque aucune influence sur la civilisation de l'Allemagne. Tel est le défaut dominant de son système. Il a écrit avec l'idée préconçue que nos colonies. ont eu pour fondateurs une poignée de misérables aventuriers, chassés de leur pays par la misère, et incapables, par conséquent, d'être autre chose en Allemagne que des ouvriers salariés par les princes ou les prélats. S'il rencontre une colonie dont les chroniqueurs contemporains ne font pas mention, ou bien, sans sortir du Hanovre, il nie formellement qu'elle existe, ou bien, recourant à une explication ridiculement fataliste, il attribue au hasard seul (zúfall, zufällig) tel ou tel nom local qui rappelle évidemment une origine néerlandaise. A ces deux défauts principaux, vient s'en joindre un troisième : la longueur énorme de l'ouvrage. En recherchant à perte de vue les généalogies des princes, évêques ou abbés qu'il rencontre sur sa route, ou en se

Kritische Sammlungen zur Geschichte der Deutschen in Siebenbürgen. Göttingen, 1795. 2 Ueber die Niederländischen Colonien, etc. Hannover, 1815-16.

livrant à des réfutations hors de saison et mal appliquées contre Eelking, de Hoche, ou d'autres auteurs, Wersebe est parvenu, dans ses deux volumes in-octavo, à atteindre le nombre de près de onze cents pages!... On pourrait facilement réduire à deux cents les pages consacrées directement à la colonisation. Les vices du système de Wersebe ont déjà été à plusieurs reprises signalés en Allemagne; de sorte que ses jugements sont à peu près unanimement considérés aujourd'hui comme nuls et de nulle valeur. Il convient, au surplus, d'ajouter que les cartulaires et autres documents récemment publiés en Allemagne lui infligent à chaque instant les démentis les plus catégoriques.

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Parmi les écrivains contemporains, MM. Droysen et Langethal 2 ont, sans entrer dans les détails, apprécié l'ensemble de la colonisation néerlandaise avec beaucoup de sagacité, et relevé avec franchise les passages où la partialité de Wersebe se montre le plus à découvert. MM. de Ledebur 3, Michelsen et Adler 5 se sont prononcés dans le même sens quant à ce dernier point; mais, au lieu d'envisager la question à un point de vue général, ils ont abordé l'une ou l'autre matière spéciale, et écrit sous cet aspect des monographies fort remarquables.

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Je ne puis terminer ce court aperçu des travaux allemands sans signaler d'une manière tout à fait particulière un ouvrage, actuellement sous presse, d'un savant de Brême. M. le docteur Schumacher, — qui a eu l'obligeance de me donner communication de son manuscrit,

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comprenant l'insuffisance de tout ce qui a été écrit jusqu'à ce jour sur la colonisation néerlandaise dans le duché de Brême, a remanié le sujet de fond en comble et lui a donné, il faut le dire, un aspect tout nouveau. Son livre comprend deux parties assez distinctes, dont l'une est consacrée presque tout entière aux colonies belges dans l'Allemagne en général. Ce n'est qu'un aperçu sommaire; mais les vues d'ensemble s'y rencontrent à côté d'une foule de détails saillants. La seconde partie, à laquelle la première sert en quelque sorte d'introduction, se rapporte

1 Geschichte der Preussischen Politik, I. Berlin, 1855.

Geschichte der Teutschen Landwirtschaft, I. Jena, 1847.

5 Vorträge zur Geschichte der Mark Brandenburg. Berlin, 1854.

Rechtsdenkmale aus Thüringen. Jena, 1863.

5 Die Niederländischen Colonien in der Mark Brandenburg. Berlin, 1861.19 pages.

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