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Zibin (Hermannstadt) et de Michelsberg. Une charte de Bela III (1189) et une autre de 1199 font mention des Flandrenses Ultrasylvani. Ces derniers, tout comme ceux de Hongrie, reçurent de grands priviléges '.

Vers la même époque, nous trouvons des colons belges à l'autre extrémité de l'Europe. Dès la fin du premier millénaire, ils commencèrent leurs émigrations dans la Grande-Bretagne, émigrations fréquentes et qui se succédèrent, par intervalles, pendant plusieurs siècles. L'histoire de leurs établissements est encore à faire : il en existe à peine quelques jalons; mais le jour où un historien patient se donnera la peine de recueillir et de coordonner les matériaux nombreux qui sont disséminés sur le sol anglais, il pourra élever à la gloire de sa patrie un monument grandiose. Tel n'est pas mon objet; je dois me borner à faire ressortir en peu de lignes l'immense intérêt qu'offrent nos colonies en Angleterre, soit qu'on les considère isolément, soit qu'on les étudie dans leur ensemble. Je ne puis pas non plus m'étendre sur des faits dont un grand nombre sont connus; mais il ne sera pas superflu, ce me semble, d'en signaler en passant la portée philosophique.

Sans doute, des désastres intérieurs ou l'appât de la fortune ont été, à toute époque, l'occasion accidentelle d'expatriations de la part de nos ancêtres ; mais, en se dirigeant de préférence vers l'Angleterre, ils ne suivaient pas un caprice du hasard, ils obéissaient à un mobile secret, je dirai presque à un sentiment instinctif de nationalité. N'est-ce pas l'Angleterre qui fut dans tous les temps l'alliée fidèle des Pays-Bas dans leurs luttes généreuses contre l'esprit de conquête et d'usurpation des rois de France? Et ce sentiment de confraternité ne trouvait-il pas sa source dans l'origine primitive des deux peuples?

La nature elle-même semblait favoriser leurs rapports. Quand les navires belges, après quelques heures de traversée, découvraient les côtes blanches d'Albion, ils entraient dans la Tamise, qui sépare les provinces de Kent et d'Essex, deux des principaux comtés d'Angleterre. A droite, le rivage d'Essex est déclive et même assez plat, assez semblable aux rivages des embouchures de l'Escaut. A gauche, se dresse la côte de Kent avec ses

1 Schlözer, Kritische Sammlungen zür Geschichte Siebenbürgens; 1795, pp. 209 et 210.

rochers abruptes et élevés. Les habitants d'Essex semblent regarder, de l'autre côté de la mer, des populations dont l'origine est aussi la leur ce sont les Néerlandais (Flamands, Zélandais, Hollandais, etc.) qui, dans leur propre langue, s'appellent souvent Nederduitschen. Or, ils proviennent aussi de la grande souche teutonique, ces Saxons établis à l'Est de la Tamise ( EastSax, Essex); et, lorsqu'ils quittèrent les côtes aux embouchures de la Meuse et de l'Escaut pour passer en Angleterre, ces côtes s'appelaient encore « le rivage saxon (littus Saxonicum). » Il fut donc une époque où Teutons des Pays-Bas et Teutons d'Angleterre peuplaient les rivages d'une même famille saxonne, séparés seulement par un mince bras de mer. D'un côté, l'Escaut et la Meuse, de l'autre, la Tamise et la Stoure tendaient leurs faciles entrées aux visites réciproques de frères restés amis. Les premières affinités de langage et de mœurs se conservèrent par des communications presque non interrompues, et établirent, dans la suite des siècles, ces relations amicales qu'on ne parvint jamais à troubler profondément. Cette configuration géographique et ces souvenirs de l'histoire sont, à mes yeux, la vraie cause de nos liaisons avec l'Angleterre à toutes les époques où les Belges se sont réellement appar

tenus.

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Les habitants de Kent, au contraire, je parle toujours au point de vue du passé, observent, du haut de leurs rochers blancs, les brunes falaises de la côte gauloise qui commencent entre Calais et Boulogne. Des deux parts, abords dangereux, langues d'origine différentes : germanique d'une part, romane de l'autre. Difficulté naturelle de se joindre, difficulté de se comprendre. Voilà, simplifiée, du reste, par une opposition perpétuelle entre la politique française et les intérêts anglais, l'explication des luttes séculaires de deux grandes nations dont la rivalité a tant occupé notre monde moderne. Aussi, quelle différence, encore aujourd'hui, entre l'aspect des côtes d'Angleterre! « La côte de Kent ressemble à un ennemi sur la défensive. Douvres et Deale, en face du littoral français, Ramsgate et Margate, à l'entrée du fleuve, épient, sentinelles bien armées, tout ce qui peut se mouvoir devant elles. Puis, à l'intérieur du fleuve, Sheerness abrite la première grand'garde maritime qui accourrait à toutes voiles au moindre signal d'alarme. La côte d'Essex, au contraire, unie comme celle des polders de

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la Flandre,

relle 1. »

n'offre pas plus de défense artificielle que de défense natu

Les faits répondent aux inductions de la critique. Depuis le temps de Carausius jusqu'à la bataille de Waterloo, les événements intermédiaires des règnes d'Édouard III, d'Élisabeth, de Guillaume III et de la reine Anne, et même ceux de notre révolution brabançonne, témoignent suffisamment des rapports naturels des Belges et des Anglais. Ne faut-il pas là aussi chercher le secret des émigrations nombreuses que firent nos compatriotes sur le sol de la Grande-Bretagne, et dont il convient maintenant de dire quelques mots?

y

La première de quelque importance que signalent les historiens anglais eut lieu pendant le règne de Guillaume le Roux, fils de Guillaume le conquérant. Les provinces septentrionales du royaume, qui avoisinent le comté de Galles et l'Écosse, étaient moins peuplées que les cantons du Sud, et elles avaient été dévastées pendant les guerres des Écossais et des Gallois. Guillaume le Roux (1087-1100), qui avait épousé une princesse de Flandre, attira, après avoir rebâti Carlisle, des colons anglais du Sud et des Flamands qui, au bout de peu de temps, changèrent complétement l'aspect du pays. Henri I Beauclerc, successeur de Guillaume le Roux, continua l'œuvre commencée par son frère. Avant que la guerre n'éclatât entre son frère Robert, duc de Normandie, et lui, il engagea, par de séduisantes promesses, un grand nombre de Flamands (1103) à aller s'établir au cœur du comté de Pembroek, dans le double but de défendre les frontières de son royaume contre les Gallois, qui conservaient encore leur indépendance, et de mettre en culture la plus grande partie du comté qui était restée en friche 2. En 1111, de violentes inondations survenues dans les Pays-Bas forcèrent beaucoup de familles flamandes à chercher une autre patrie. Les relations qui existaient entre la Flandre et l'Angleterre les déterminèrent à se réfugier dans ce dernier pays. Henri leur assigna des endroits dévastés du comté d'York; mais bientôt, sur des plaintes portées contre eux, il les transplanta aux environs du comté de Galles, dans les comtés de Ross et de Pembroek, où ils se réu

1 L. Jottrand, Londres au point de vue belge. Bruxelles, 1852, p. 14.

2 Sprengel, Geschichte von England, 1, p. 352 sqq.

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nirent à leurs anciens compatriotes. Du temps de Rapin de Thoiras 1, leurs descendants se distinguaient encore par la langue, le costume, etc., des indigènes anglais, et une route qu'ils construisirent à leur usage a conservé jusqu'aujourd'hui le nom de Flemingsway 2.

A partir de cette époque, les émigrations des Belges en Angleterre sont aussi fréquentes que leurs rapports avec les insulaires britanniques sont intimes. Ils fondèrent des colonies nombreuses sur divers points de la GrandeBretagne pendant les règnes de Henri II, d'Édouard Ier, d'Édouard III, plus tard d'Élisabeth, etc.; ces colonies sont trop connues pour que j'aie besoin d'insister davantage. Un établissement que les Flamands formèrent en Écosse, en 1430, est généralement passé sous silence par les historiens; je rappellerai donc brièvement dans quelles circonstances il eut lieu. Au milieu des guerres désastreuses qui avaient sévi en Écosse pendant un espace de cent cinquante ans, les campagnes s'étaient appauvries et les villes ruinées. Les habitants ne connaissaient plus d'autre métier que celui des armes. Jacques Ier, instruit par les malheurs et souhaitant ardemment de rétablir la prospérité publique, attira, par la proposition de magnifiques priviléges, un grand nombre d'artisans de tous genres de la Flandre. Comme la noblesse, fidèle à ses anciennes traditions, continuait à habiter les campagnes, Jacques assigna aux Flamands les villes qui étaient devenues presque désertes. Grâce à l'arrivée de ces immigrants, les villes se repeuplèrent, et l'on vit bientôt une foule de gens oisifs et inoccupés, gagnés par l'exemple des étrangers, s'adonner au travail et concourir au progrès de l'industrie intérieure et à l'extension du commerce étranger 3.

Rien n'est plus intéressant que de suivre le développement de ces colonies à travers les vicissitudes politiques des États, et malgré le voisinage d'habitants généralement hostiles. Il n'est pas moins curieux de remarquer que l'on ne trouve aucune trace d'émigration néerlandaise dans quelque pays que ce soit de race latine. Pour expliquer ce fait, on peut alléguer sans doute que les contrées où prédominait l'élément roman n'ont jamais éprouvé le besoin

Sprengel, t. II, pp. 96, 97.

2 Idem, ibid.

3 Buchanan, Annales rerum Scot., 1. X, p. 325. Utrecht, 1697.

impérieux de se retremper à une source étrangère; mais il ne faut pas perdre de vue non plus qu'il a existé de tout temps entre les peuples latins et les nations d'origine teutonique une antipathie secrète qui, pour être peu prononcée à la surface, n'en est pas moins réelle au fond. En revanche, nous trouvons des Belges jusque dans la presqu'ile allemande qui avoisine la Scandinavie, et même dans une ile scandinave proprement dite. C'est la petite île d'Amack, située vis-à-vis de Copenhague. En 1516, Christian II, ayant épousé Isabelle, sœur de Charles-Quint, fit venir, pour complaire à sa jeune femme, un certain nombre de paysans flamands et hollandais, qu'il établit à l'extrémité de l'île. Ces colons, d'un genre particulier, — ils avaient à s'occuper uniquement de la culture maraichère transformèrent bientôt Amack en un «< jardin potager », nom que lui donnent encore aujourd'hui les habitants de Copenhague. Les Néerlandais conservèrent pieusement le costume et la langue de leurs ancêtres, et maintenant encore, ils se distinguent en partie du reste des habitants. Leur population actuelle est d'environ 5,000 âmes 1.

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Les Belges firent des tentatives de colonisation jusqu'en Amérique. La découverte du Yucatan ayant été connue en Espagne, en 1517, l'amiral de Flandre, marquis d'Arschot, demanda la concession de cette vaste contrée. Il voulait y envoyer des colons flamands, en se chargeant des frais de leur premier établissement, moyennant une redevance de leur part. Charles-Quint accorda la concession demandée, et quatre ou cinq navires montés par des Belges étaient déjà arrivés à San-Lucar, n'attendant plus que l'ordre de mettre à la voile, lorsque l'opposition décidée des Castillans fit échouer ce projet 2. Un autre Belge, Érasme Schetz de Grobbendonck, d'Anvers, parvint à acquérir d'importantes plantations au Brésil, et il fit avec le Portugal et sa patrie un commerce étendu il y expédiait principalement du sucre, du bois

Malte-Brun, Géographie; Gust. Barba, 1860, tome ler. Danemark, p. 6.

2 Voici les termes de la requête de l'amiral: « Suplico a su Magestad que le hiziese merced de aquella tierra, o isla grande que se avisava que se avia descubierto, que ya dezian Yucatan, porque se queria disponer en gastar de su hazienda, para ir, o embiar a poblarla de gente flamenca, y que de la diessen en feudo, reconociendo siempre a Su Alteza como su vassallo..... » Herrera, decada II, lib. II, p. 293. Cf. Van Bruyssel, Hist. du commerce et de la marine en Belgique, II, p. 269.

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