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II. Un autre territoire, situé dans l'archevêché de Magdebourg et à deux milles de la ville du même nom, au delà de l'Elbe, porte également le nom de Fläming; il se compose de neuf villages: Ladeburg, Leitsch, Kalitsch, Breitsch, Ziepell, Zedemidt, Bühne, Nedelitz et Corit. Tous ces villages, dit Beckmann', ont conservé un accent particulier qui se retrouve dans le langage des habitants de Zerbst-Anhalt.

Wersebe conteste l'existence de ce Fläming; mais Langethal l'admet sans réserve, et il ajoute : L'assertion de Beckmann est d'autant plus fondée que des colonies flamandes se sont évidemment établies de l'autre côté de l'Elbe 2.

On peut en dire autant du territoire d'Halberstadt, voisin de Magdebourg. Voici ce que rapporte à ce sujet la tradition :

« Les habitants des environs d'Halberstadt, et même les gens de la campagne, aiment beaucoup le jeu des échecs. Quelques communautés des environs doivent, dit-on, certains de leurs priviléges ou immunités à la supériorité que leurs habitants ont depuis longtemps montrée et conservée dans ce jeu, uniquement fondé sur la sagacité ou la pénétration de l'esprit, et le seul peutêtre auquel le hasard ni l'adresse n'ont aucune part. L'origine de ces priviléges est aussi douteuse qu'ancienne... J'ai ouï dire par des Magdebourgeois et des gens des environs d'Halberstadt que c'était une tradition chez eux que ces priviléges venaient des anciens Belges qui s'y sont établis au douzième siècle 3. »>

CHAPITRE VII.

BASSE LUSACE.

La Lusace est si proche de la Misnie, de la Saxe-Électorale, etc., qu'il n'y a guère lieu de s'étonner si l'on y trouve des traces de colonisation néer

Anhaltische Geschichte, I, 22.

2 Teutsche Landwirthschaft, II, 144.

3 Méan, Mémoire sur les émigrations des anciens Belges, pp. 49, 50 en note; 1778.

TOME XXXII.

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landaise. Un diplôme de 1200', émané de Conrad, marquis de Lusace, précise les bornes du couvent de Dobrilugk, après délimitation préalable par des arpenteurs désignés à cet effet. Le margrave ajoute aux possessions du couvent huit fermes flamandes, au delà de la rivière de Primznitz 2.

Le couvent de Dobrilugk était situé près d'un bras de l'Elster-Noir, au milieu d'une contrée basse et humide, d'où la Lusace a peut-être pris son nom; car lusha, en slave, signifie marais, palus. Cette circonstance permet de supposer que les Flamands y auront été d'une grande utilité 3. Si l'on ajoute à cela que les moines de Dobrilugk étaient de l'ordre de Citeaux, comme ceux de Walkenried et de la Himmelspforte, on pourra conjecturer sans invraisemblance qu'ils y ont amené des Flamands, dont ils avaient pu apprécier ailleurs le caractère industrieux et les qualités agronomiques. Eelking et Hoche n'hésitent pas à trancher la question dans ce sens. Wersebe est d'un avis contraire. Sans doute, les Cisterciens étaient, à son avis, fort portés à fonder de pareils établissements; mais il ne lui paraît nullement prouvé qu'une soi-disant colonie flamande ait réellement existé dans la Lusace; car il n'en a trouvé nulle trace dans les documents postérieurs de Dobrilugk, et n'a jamais appris que les traditions locales en aient gardé le souvenir 7.

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L'insuffisance des textes a longtemps empêché les auteurs de résoudre la question dans un sens absolu. Sans doute, il fallait tenir compte des mots. cités plus haut octo mansos flandrenses, huit fermes flamandes. Cette expression pouvait signifier ou que les Flamands furent les créateurs de ces fermes, ou que ces fermes étaient occupées par des Flamands, à l'époque de la confection du diplôme, ou qu'elles furent bâties sur le modèle des fermes

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Ludewig, Reliq. manuscr., I, 205-207.

Trans ripam vero ejusdem fluminis Primznitz octo mansos Flandrenses ipsis terminis adjecimus. Une vieille traduction allemande rend ainsi ce passage: « Wir habn ouch jenehalb der Primznitz den egenanten grenitzin tzugigebn achte flemische huven. »

Schlözer, p. 415.

Dissertatio, etc., pag. 71.

Ueber die niederländischen Kolonien, etc., pag. 46.

6 Die niederländischen Colonien, etc, II, 981.

7 Wersebe, II, p. 982.

flamandes, etc.; mais, quelque interprétation que l'on donnât au texte, on ne pouvait méconnaître qu'il avait une signification à laquelle les Flamands n'étaient pas étrangers.

Aujourd'hui, l'on peut affirmer avec certitude que des colons belges furent établis dans les domaines de Dobrilugk par les moines qui s'y établirent, et leur spécialité y fut, au témoignage du cartulaire de l'abbaye, l'élève des abeilles 1.

CHAPITRE VIII.

SILĖSIE.

La Silésie, qui était demeurée slave jusqu'au douzième siècle, se germanisa peu à peu, grâce à l'introduction de colons étrangers. Un grand nombre de documents subsistent encore qui attestent ce fait. Malheureusement, une foule de sources précieuses se perdirent pendant le ravage de la Silésie par les Tartares, en 1241, ainsi que nous le trouvons constaté dans quelques chartes qui furent renouvelées postérieurement; d'autres subirent le même sort par suite de la négligence ou de l'inertie de ceux qui les détenaient : de sorte que l'on peut affirmer que les immigrations furent beaucoup plus nombreuses qu'on ne peut aujourd'hui, preuves en main, le démontrer. Ces immigrations ont dû avoir lieu dès le commencement du douzième siècle; les sources qui s'y rapportent directement sont fort peu nombreuses et ne satisfont point le critique, pour peu qu'il soit difficile; mais il y a quantité de chartes qui en font mention indirectement, et celles-là suffisent pour nous faire connaître quels furent les colons qui changèrent la face de la Silésie. Ces colons se composaient de Thuringiens, de Saxons, de Franconiens, de Bavarois, d'Autrichiens, de Souabes, et aussi de Flamands et de Wallons. C'est de ces derniers que nous avons exclusivement à nous occuper.

Il y est à chaque instant question de flämingische Bienenhùfen. Cf. Weisse, Museum für sächsische Geschichte, III, 1, 224.

2 On trouve dans les chartes un Conradus Thuringus (1288), un Guntherus Thuringus

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I. De même que les Cisterciens d'Altenkamp fondèrent le cloitre de Walkenried, en Thuringe, et le couvent de la Himmelspforte, près de Naumbourg-sur-la-Saal, de même ceux de la Himmelspforte érigèrent Dobrilugk, dans la basse Lusace, et Leubus, en Silésie. Nous trouvons la première trace d'une émigration authentique de colons allemands en Silésie dans la charte de fondation du monastère de Leubus, qui porte la date de 1175. Dans cette charte, le duc Boleslas I libère à jamais du droit polonais les Cisterciens qui, _à sa demande, avaient fondé Leubus, et leur garantit à perpétuité la jouissance du droit allemand. Il est probable que ce furent ces religieux qui amenèrent avec eux ou qui appelèrent plus tard les colons flamands '.

Un fait incontestable, c'est que la mesure flamande était autrefois répandue dans une grande partie de la Silésie. D'après les chartes publiées par Tzschoppe et Stenzel, elle était en usage dans quinze villages situés dans des territoires différents; et, ce qui plus est, plusieurs villes, parmi lesquelles Neisse, Ottmachau et Krenzbourg, jouissaient du droit flamand proprement dit.

Wersebe a prétendu que de la présence de fermes flamandes (flämische hufen) et de droits flamands (flämische rechte), l'on ne peut pas conclure nécessairement à l'existence de colonies flamandes. Mais il serait étrange que les moines de Leubus, qui furent les principaux colonisateurs de la contrée, eussent pu oublier les Flamands. Ils tiraient leur origine d'un couvent fondé par des religieux néerlandais et, lors de l'érection de la succursale, ils reçurent les droits de ces derniers; ils savaient, en outre, par leur maisonmère de quelle utilité avait été la colonie flamande pour l'amélioration des terres et l'accroissement des revenus: il est donc d'une haute vraisemblance

(1519);

un Dietrich der Sachse; - une charte de 1186 parle de Albert de Duvenheim et de ses Franconiens; - d'autres mentionnent un Conradus Bavarus (1265), un Albertus Bavarii (1311), une Curia Bavari; un Hermannus Australis; un Ulrich der Schwabe, etc. Voy. Tzschoppe, p. 144.

1 Tzschoppe, pp. 147, 148.

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qu'ils auront songé à introduire en Silésie des compatriotes aussi actifs qu'intelligents 1.

D'où vient donc le silence à cet égard des chartes de la Silésie? Le motif pour lequel ces documents ne font aucune mention de l'immigration des Flamands est bien le même que celui pour lequel on y trouve passés sous silence les Thuringiens, les Saxons, les Franconiens, les Souabes, etc. Les Flamands étaient, contrairement aux Slaves, de race teutonique, de même que les Bavarois et les autres colons. Or, là où l'on voulait les opposer à des peuples de nationalité différente, on les désignait d'une manière spéciale, et ici ce n'est pas le cas 2.

Un fait matériel lèvera les derniers doutes. Il existe, dans le cercle de Neumarkt-Canth, près de Lenbus, un village, Flämischdorf, dont le nom ancien était Flamingi villa3. Ce nom témoigne, me semble-t-il, en faveur d'une colonie flamande fondée anciennement. Il y avait dans les environs du village de belles tourbières, et il est probable que les Belges, qui connaissaient la meilleure manière d'extraire la tourbe, n'auront pas manqué de les exploiter.

Un autre fait tout aussi curieux, c'est que dans une charte (du 12 juillet 1282), relative à la ville de Bautzen, figure comme témoin un Flemingus, qualifié de civis. Je ne pense pas que l'on puisse contester l'origine flamande de ce personnage 5.

D'ailleurs, en examinant attentivement le Recueil des documents de Tzschoppe, on y trouve deux ou trois autres noms, évidemment de provenance belge. C'est d'abord un Baudouin, nom que l'on sait être essentiellement flamand: Datum per manus Baldwini notarii curie nostre. Il aurait

Langethal, II, p. 181.

2 Ibid., p. 182.

5 On le trouve nommé la première fois en 1289.

Schlözer, p. 416.

3 Tzschoppe, 2, p. 597, Urkunde, 74. Le même ou un autre Vlemingus figure comme témoin dans une charte du 24 août 1282, également relative à la ville de Bautzen. Voy. Gercken, Cod. dipl. Brand., VIII, 638, cité par Tzschoppe, p. 399, qui rectifie plusieurs fautes du copiste.

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